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I.4 Variations spatiales et temporelles des propriétés physiques conditionnant l’exhumation

I.4.2 Influence de la nature des roches enfouies

I.4.2.1 Variété de la subduction océanique

La nature et l’âge des lithosphères impliquées dans la convergence sont des facteurs de premier ordre dans la physionomie des zones de collision/subduction. En particulier, la densité globale du panneau plongeant contrôle partiellement son pendage et le régime de contraintes dans la zone de couplage des plaques. La comparaison des régimes de subduction actuels dans le Pacifique montre deux grands types de subduction (Uyeda & Kanamori, 1979): le premier (type Chili) caractérisé par de forts événements sismiques en faille inverse et de la compression dans toute la plaque supérieure, le second (type Mariannes) avec une sismicité plus modérée et de l’extension arrière-arc. Tandis que la différence entre ces deux régimes est expliquée ces auteurs par l’âge de la lithosphère océanique impliquée, une lithosphère ancienne, plus froide et donc plus dense ayant plus tendance à plonger dans le manteau, des études plus récentes (Heuret & Lallemand, 2005; Lallemand et al., submitted) montrent que la cette corrélation est erronée, le régime (compressif ou extensif) n’étant systématiquement corrélé qu’avec le pendage, et pas l’âge, de la lithosphère subductée (respectivement faible et fort). Ces dernières études mettent en relation le régime de déformation de la plaque supérieure avec le mouvement absolu de la plaque supérieure, et

dans une moindre mesure avec les mouvements du manteau supérieur (et non plus avec le comportement du panneau plongeant lui-même, comme dans les modèles de slab roll-back).

L’âge de la lithosphère et le régime thermique associé, qui contrôle la rhéologie du panneau plongeant, interviennent cependant dans la transmission des forces entre le panneau plongeant et la plaque de surface, qui influe aussi sur le régime de subduction (Conrad et al., 2004).

Figure I.19 : Régimes de subduction en fonction de (A) la vitesse absolue de la plaque supérieure (B) les forces exercées par le panneau plongeant (C) les mouvements du manteau asthénosphérique. (D) Le retrait de la fosse n’est pas corrélé avec l’âge de la lithgosphère subduite, en contradiction avec le modèle (B) de "slab retreat". (E) En revanche, le régime compressif ou extensif de la plaque supérieure est bien expliqué par le mouvement de la plaque supérieure. Toutes figures tirées de Heuret & Lallemand (2005).

I.4.2.2 Qu’est-ce que la subduction continentale ?

Si l’établissement d’un régime stable de subduction océanique est généralement considéré comme possible, la question se pose dans le cas de la lithosphère continentale, dont la partie supérieure de croûte légère augmente la flottabilité. Le problème est en fait double : (i) Quelle est la conséquence de cette flottabilité importante sur l’évolution de la croûte continentale ? (i) La convergence peut-elle continuer longtemps après l’introduction de lithosphère continentale dans la subduction ?

I.4.2.2.1 Délamination crustale

La faible densité de la croûte continentale, qui augmente néanmoins avec les conditions métamorphiques (2,7 .g cm3 à la surface, 3,08 .g cm3 dans le faciès éclogitique (Bousquet et al., 1997)), aboutit au faible pendage de la subduction, mis en évidence par exemple dans l’Himalaya (Shapiro & Ritzwoller, 2002; Zhao et al., 1993), et à la collision continentale. Selon l’intensité du cisaillement exercé sur la croûte en subduction et la présence de niveaux de découplage, les proportions et les niveaux de croûte impliquée dans le prisme orogénique, le canal de subduction (s’il existe), ou alors disparaissant dans le manteau sont variables. La délamination de 90 km de croûte inférieure au cours de la collision alpine permet de rendre compte des bilans de matière dans la mer Tyrrhénienne (Contrucci, 1999; Faccenna et al., 2001; Laubscher, 1990), et selon Le Pichon et al. (1988) la moitié de la croûte a disparu au cours de l’ensemble des collisions téthysiennes. La faible proportion (quelques %, (Ernst, 2001)) de roches basiques dans les roches exhumées d’UHP indique que les cisaillements qui découplent la croûte du panneau plongeant, pénètrent rarement dans la croûte inférieure.

I.4.2.2.2 Un régime stable de subduction continentale est-il possible ?

La principale force à l’œuvre dans la tectonique des plaque est le slab-pull, traction du panneau plongeant (Forsyth & Uyeda, 1975; Ricard et al., 1989; Uyeda & Kanamori, 1979). Par rapport à la subduction océanique, la faible densité de la croûte continentale diminue le slab-pull et, en conséquence, la vitesse de convergence. De plus, les contraintes extensives qui se développent au passage subduction océanique/continentale, alliées au réchauffement et à l’adoucissement mécanique dans la croûte continentale fortement radiogénique, conduisent dans le modèle du slab breakoff (Davies & von Blanckenburg, 1995) à la rupture du panneau plongeant et à l’arrêt de la convergence (Fig. 20).

Ce modèle a été proposé comme mécanisme responsable de la destruction de la chaîne Calédonienne et de l’exhumation des roches d’HP et d’UHP (Andersen et al., 1991a).

L’étude de la flottabilité d’un panneau plongeant composé de lithosphère océanique en profondeur et continentale en surface montre que le matériel continental peut atteindre des profondeurs de 100-250 km avant que la convergence ne s’arrête (Ranalli et al., 2000). Les expériences analogiques réalisées par Regard et al. (2003) montrent elles aussi un arrêt de la subduction (cette fois à convergence imposée) consécutif à la transition matériel océanique/continental, suivi parfois d’un détachement du panneau plongeant. Ces études, qui suggèrent l’impossibilité d’une subduction continentale durable, ne prennent néanmoins pas en compte la délamination crustale et les réactions métamorphiques qui alourdissent le panneau plongeant. Les modèles numériques intégrant l’éclogitisation et le découplage au sein de la croûte montrent à l’inverse qu’un régime stable de subduction continentale peut se mettre en place, avec des taux de convergence partiellement contrôlés par les réactions métamorphiques (Doin & Henry, 2001; Toussaint et al., 2004a; Toussaint et al., 2004b).

Figure I.21 : Reconstruction géodynamique de la mise en place de la chaîne du Dabieshan (Chine de l’Est), avec la formation d’écailles crustales et l’enfouissement diachrone dans les unités au Nord et au Sud du dôme central (Faure et al., 2003). Noter que l’UHP n’est présente que dans le Dabieshan du Sud.

L’intervalle de temps pendant lequel des roches continentales sont enfouies dans un orogène donné est directement lié à la question de la subduction continentale. Dans les Alpes, les données de géochronologie, parfois discordantes et entachées de barres d’erreur importantes, montrent une extension temporelle de l’HP et UHP, mal contrainte, de l’ordre de

vers 240-220 Ma et commence son exhumation en profondeur vers 220-210 Ma (synthèse des âges dans Faure et al. (2003)). Le modèle géodynamique proposé (Fig. 21) est très similaire à celui de Chemenda et al. (1995, 1996), dans lequel le détachement d’écailles permet à la convergence et la subduction continentales de se poursuivre sans terme nécessaire.

I.4.3 Conséquences des réactions métamorphiques sur les propriétés