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Nous avons vu dans la section 3.1 que les caractéristiques de la voix changent avec le

vieillissement. Par conséquent, les performances de la RAP baissent pour les personnes

âgées, sans que l’adaptation des modèles acoustiques ne rattrape totalement l’écart avec

les performances obtenues pour les voix jeunes.

Nous observons des écarts importants entre les WER des différents locuteurs âgés, et

cela même entre les personnes âgées du même âge (voir figure 6.4). Nous avons vu que l’âge

à l’intérieur du groupe locuteurs âgésn’est pas un facteur corrélé avec le WER. Par

consé-quent, nous avons étudié si un autre critère que l’âge pouvait expliquer cette disparité. Le

critère du niveau de dépendance des personnes âgées nous a semblé être un critère

pou-vant être un bon indicateur pour expliquer cette variabilité du WER. En effet, les personnes

ne vieillissent pas toutes de la même façon, certaines peuvent vieillir moins vite et garder

une voix « jeune » : cette baisse des performances des systèmes de RAP peut donc être très

variable selon les personnes âgées. Comme référence, nous avons utilisé la grille AGGIR

(Au-tonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) afin de déterminer le niveau de dépendance

des personnes âgées.

7.2.1 Grille AGGIR

La grille AGGIR

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est un test national utilisé pour évaluer le degré de perte d’autonomie

physique ou psychique d’une personne âgée ou handicapée. Elle sert de support pour

déter-miner le montant de l’aide financière pouvant lui être versé, l’APA (Allocation Personnalisée

d’Autonomie). L’évaluation est effectuée en utilisant 17 variables.

10 variables font référence à la perte d’autonomie physique et cognitive :

— cohérence : converser et se comporter de façon sensée,

— orientation : se repérer dans le temps, les moments de la journée et les lieux,

— toilette du haut du corps (rasage, coiffage, tronc, membres supérieurs et main) et du

bas du corps (régions intimes, membres inférieurs, pieds),

— habillage du haut (passer des vêtements par la tête et les bras), moyen (fermeture

éclair, boutons, ceinture ou bretelles), bas (passage de vêtements par le bas,

chaus-settes, bas et chaussures),

— alimentation : se servir (couper la viande, ouvrir un pot, peler un fruit, remplir un

verre), manger (porter les aliments et les boissons à la bouche et les avaler),

— élimination : assurer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale,

7.2. Influence de la dépendance sur le WER 91

— transferts : se lever, se coucher, s’asseoir,

— déplacements à l’intérieur avec ou sans canne, déambulateur, fauteuil roulant,

— déplacements à l’extérieur : à partir de la porte d’entrée sans moyen de transport,

— communication à distance : utiliser les moyens de communication, téléphone,

son-nette, alarme.

7 variables se rapportent à la perte d’autonomie domestique et sociale :

— gestion : gérer ses propres affaires, son budget, ses biens,

— cuisine : préparer des repas et les conditionner pour être servis,

— ménage : effectuer l’ensemble des travaux ménagers courants,

— transport : prendre ou commander un moyen de transport collectif ou individuel,

— achats : acquisition directe ou par correspondance,

— suivi du traitement : se conformer à l’ordonnance du médecin,

— activités de temps libre : activités sportives, culturelles, sociales, de loisir ou de

passe-temps.

Chaque variable est codée en fonction du degré de dépendance :

— A : fait seul, totalement, habituellement, correctement,

— B : fait partiellement, non habituellement, non correctement,

— C : ne fait pas.

L’évaluation se fait régulièrement par un médecin ou une équipe médico-sociale. En

fonction de son degré de dépendance, la personne âgée est rattachée à l’un des Groupes

Iso-Ressources (GIR). Il existe 6 GIR :

— GIR 1 : personne confinée au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales sont

grave-ment altérées et qui nécessite une présence indispensable et continue d’intervenants.

Ou personne en fin de vie,

— GIR 2 : personne confinée au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales ne sont pas

totalement altérées et dont l’état exige une prise en charge pour la plupart des activités

de la vie courante. Ou personne dont les fonctions mentales sont altérées, mais qui est

capable de se déplacer et qui nécessite une surveillance permanente,

— GIR 3 : personne ayant conservé son autonomie mentale, partiellement son autonomie

locomotrice, mais qui a besoin quotidiennement et plusieurs fois par jour d’une aide

pour les soins corporels,

— GIR 4 : personne n’assumant pas seule ses transferts mais qui, une fois levée, peut se

déplacer à l’intérieur de son logement, et qui a besoin d’aides pour la toilette et

l’ha-billage. Ou personne n’ayant pas de problèmes locomoteurs mais qui doit être aidée

pour les soins corporels et les repas,

pré-92 Chapitre 7. Les facteurs explicatifs des dégradations de performances pour la voix âgée

— GIR 6 : personne encore autonome pour les actes essentiels de la vie courante.

Seuls les GIR 1 à 4 donnent droit à l’APA. Les personnes relevant des GIR 5 ou 6 peuvent

demander une aide ménagère.

7.2.2 Relations entre dépendance et WER

Pour chacune des 43 personnes âgées du corpusAD80, nous avons fait remplir une grille

AGGIR par le personnel paramédical des établissements visités. Nous avons ainsi pu

carac-tériser chaque locuteur âgé par un score GIR. Quatre locuteurs étaientGIR 2, deux locuteurs

étaientGIR 3, vingt et un locuteurs étaientGIR 4, un locuteur étaitGIR 5et quinze locuteurs

étaientGIR 6. Aucun locuteur n’était représenté dansGIR 1. Du fait du faible nombre de

lo-cuteursGIR 2,GIR 3etGIR 5, nous avons fusionné les groupesGIR 2avecGIR 3, etGIR 5avec

GIR 6, soit six locuteurs dans le groupeGIR 2-3, vingt-deux locuteurs dans le groupeGIR 4-5

et quinze locuteurs dans le groupeGIR 6.

Nous avons réalisé un décodage sur les phrases de détresse et d’appels aux aidants

des locuteurs âgés du corpus AD80 avec le modèle acoustique adapté à la voix âgée

BREF120_MLLR_G et le modèle de langage appris sur les phrases de détresse et d’appels

aux aidants combiné au modèle appris sur le corpusGigaword.

Les moyennes et écarts-types des WER pour les groupesGIR 2-3,GIR 4-5etGIR 6 sont

présentés table 7.2.

Nous observons que les moyennes et écarts-type du WER augmentent avec la diminution

de l’autonomie.

Nous avons réalisé une ANOVA entre les 3 échantillons correspondant aux groupesGIR

2-3, GIR 4-5et GIR 6. Les 3 échantillons suivaient une loi normale et vérifiaient

l’homo-généité des variances. L’ANOVA montre que le score GIR a un effet significatif sur le WER,

avec comme résultat F(2 ;40)=5,164 ; p=0,0101. Un test post-hoc de Tukey HSD nous a

per-mis de caractériser quels groupes sont significativement différents de quels autres groupes.

Le test a montré qu’il y a une différence significative entre les groupes GIR 2-3etGIR 4-5,

ainsi qu’entreGIR 2-3etGIR 6, et qu’il n’y a pas de différence significative entre les groupes

GIR 4-5etGIR 6.

Ainsi, au sein des locuteurs âgés, le WER n’est pas directement corrélé avec l’âge mais

a une relation avec le niveau de dépendance. En effet, la corrélation de Pearson entre les

scores GIR et les WER pour les personnes âgées est de -0,318 (p=0,038) avec le modèle

BREF120_MLLR_G. Cette corrélation est modérée, et statistiquement significative (p<0,05),

Groupe Moyenne Écart-type GIR 6 14,58% 7,56% GIR 4-5 16,32% 7,93% GIR 2-3 28,68% 16,72% Tous 17,44% 10,27%