La présence d’hôtes compétents pour la tique I. scapularis ou la bactérie B. burgdorferi est un
déterminant important pour l’établissement, la survie et le maintien du complexe I. scapularis -
B. burgdorferi (Estrada-Pena 2008).
Dans le premier chapitre, les souris mâles adultes du genre Peromyscus et plus particulièrement
P. leucopus étaient les hôtes les plus infestés par des larves ou des nymphes en comparaison avec les
autres espèces et classes d’hôtes (Tableau VIII). Également, le rôle des écureuils et des tamias rayés a
été observé par le grand nombre de nymphes se nourrissant sur ces hôtes (Tableau VII). Toutefois, ce
sont des hôtes de B. burgdorferi moins compétents que la souris P. leucopus (Tsao et al. 2009). Ainsi,
une répartition des stades immature d’I. scapularis sur les différentes espèces d'hôtes pourrait avoir
d’établissement des populations d’I. scapularis (faible densité). Par ailleurs, dans le premier et
troisième chapitre, l’agrégation de l’infestation sur les hôtes mâles (souris et cerfs) a été observée.
Ces résultats suggèrent que ce patron d’infestation est un facteur important dans l’établissement du
complexe I. scapularis-B. burgdorferi et réitère la pertinence de la règle 20-80 telle qu’observée par
Perkins (2003).
Dans le troisième chapitre, nous avons vu que plus la population de micromammifères était
diversifiée, moins elle était infestée par les nymphes (Tableau XVI). Aussi, l’infestation des rongeurs
par des larves était plus faible dans les sites avec une plus grande proportion d'hôtes non-
Peromyscus. D’autres études ont identifié un effet de dilution sur la prévalence d’infection et la
densité des tiques ou des tiques infectées lorsque la diversité des hôtes est grande (LoGiudice et al.
2003, LoGiudice et al. 2008, Keesing et al. 2009, Ostfeld 2011). Dans cette étude, l’effet semble plus
complexe. L'augmentation de la richesse des espèces d'hôtes rongeurs a été associée à de faibles
infestations par les nymphes, mais l'augmentation de la richesse a été associée à une augmentation
du nombre de nymphe et donc une augmentation de la densité de tique. Cette étude fournit des
preuves empiriques à l'appui d'une amplification nette de l’infestation par I. scapularis en
augmentant la richesse de la communauté d’hôte.
Dans le deuxième chapitre, les cerfs sont des sentinelles efficaces pour détecter A. phagocytophilum,
mais semblent inefficaces pour détecter les zones nouvellement endémiques pour le complexe
I. scapularis-B. burgdorferi. En effet, un foyer épidémique d’A. phagocytophilum (Tableau XII et Figure
8) a été trouvé en Montérégie et où quatre cerfs sur cinq étaient infectés dans cet agrégat spatial (10
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Enfin, dans le troisième chapitre, la densité des cerfs a été associée de façon positive au nombre de
larves collectées par la méthode de la flanelle ou via les rongeurs capturés (Tableau XVI), d’où
l’hypothèse qu’un seuil de densité de cerfs est nécessaire, quoique non suffisant, pour expliquer
l’abondance de la tique I. scapularis. L’établissement et le maintien des populations des tiques
I. scapularis seraient possibles au-delà d’un certain seuil de densité de cerfs (Hamer et al. 2010).
Limites
Les données collectées dans ce projet représentent un « portrait instantané » de l’établissement du
complexe I. scapularis-B. burgdorferi. Ce type d’étude transversale permet d’effectuer des analyses
corrélationnelles. Il faut aussi préciser que cette étude n'avait pas comme objectif de caractériser
complètement les éléments de l’habitat, puisque les sites avaient été présélectionnés selon certains
critères d’habitat (Ogden et al. 2010, Bouchard et al. 2011, Bouchard et al. 2013b). D’autres études
seront ainsi nécessaires afin d’explorer davantage les processus écologiques discutés dans cette
thèse. Des études transversales ou longitudinales basées sur une présélection de sites et de sites
sentinelles seraient souhaitables afin de mieux étudier les dynamiques d’introduction,
d’établissement, du maintien et/ou de l’expansion du complexe I. scapularis-B. burgdorferi. Par
ailleurs, dans cette thèse, l’approche méthodologique avec des modèles de régression ne permettait
pas de tenir compte de la dynamique et la complexité du système étudié, de part les boucles de
rétro-action ou des variables d’intérêts qui dépendent d’un état précédent. Ainsi, d’autres méthodes
mathématiques, par exemple la modélisation de système par équations différentielles serait à
explorer et permettrait de décrire plus adéquatement les interactions entre les populations et leur
Le choix d’une échelle spatiale locale (le site) a permis de comprendre les processus écologiques
locaux, et potentiellement régionaux (Montérégie, Estrie, Montréal), mais ces processus ne peuvent
être extrapolés au-delà de ces échelles. De plus, la triade spirochètes-tiques-hôtes était
nouvellement en interaction à l’intérieur de ces régions et donc suggère que les populations
impliquées n’avaient probablement pas atteint un état d’équilibre. Il serait imprudent de généraliser
les processus écologiques au-delà du cadre spatio-temporel à l’intérieur duquel ils ont été étudiés. La
prochaine étape pourrait viser des études transversales, mais sur un plus grand nombre de sites pré-
sélectionnés et ce, en tenant compte d’une échelle qui puisse répondre aux questions et objectifs de
la surveillance ou de la recherche.
Des limites associées aux méthodes d’échantillonnage des tiques sur les hôtes (micromammifères ou
cerfs) ont été notées au niveau du temps d’échantillonnage variable pour la collecte de tiques. La
sous-estimation du nombre de tique collecté influence négativement notre capacité à détecter des
associations significatives. Il serait toutefois simple de remédier à ce problème, soit en obtenant des
permis d’euthanasie pour une gamme plus large d’espèces potentiellement réservoirs compétents ou
en augmentant le temps d’inspection sur les cerfs abattus suivant l’approbation du chasseur.
D’autre part, le type de piège utilisé lors de la capture des micromammifères était adéquat pour les
petits micromammifères tels les souris, campagnols ou musaraignes. D’autres pièges plus grands
auraient été nécessaires afin de cibler des micromammifères ou mammifères de taille moyenne (ex. :
écureuils, tamias, mouffette, etc.). Dans le futur, une méthode de piégeage qui combinerait
différents types de pièges adaptés aux espèces hôtes permettrait d’établir avec plus de certitude la
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estimation du nombre d’hôtes selon les espèces de rongeurs capturés influence négativement notre
capacité à détecter un effet significatif de la diversité (composition) de la communauté sur
l’infestation ou la densité des tiques. Néanmoins, l’impact sur la richesse de la communauté d’hôtes
est probablement moindre, d’où l’effet significatif détecté dans le troisième chapitre.