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Chapitre II. Fatigue des matériaux composites stratifiés : des mécanismes d’endommagement

II.2. Phénomènes influents sur l’endommagement et la durée de vie en fatigue

II.2.1. Influence du chargement

Intéressons nous tout d’abord aux effets du chargement sur l’endommagement en fatigue des matériaux composites stratifiés non tissés.

a. Contrainte maximale

Le premier paramètre que nous pouvons citer comme ayant un effet sur l’endommagement et la durée de vie des matériaux composites stratifiés est la contrainte maximale ou plus généralement le niveau de sollicitation maximal. Sur ce sujet nous pouvons citer les travaux de R. Talreja qui mettent en évidence des modes d’endommagements différents en fonction du niveau de sollicitation maximal appliqué (Figure II.12) [Talreja81].

Figure II.12 : Relation entre le niveau de sollicitation et l’endommagement ou la durée de vie des matériaux composites unidirectionnels [Talreja81]

Pour des niveaux de sollicitation élevés, proches de la rupture statique, l’auteur observe un mode d’endommagement de type rupture des fibres. Lorsque le niveau de sollicitation diminue, le mode d’endommagement devient plutôt matriciel avec de la fissuration et des décohésions fibres-matrice. En dessous d’une certaine déformation, l’auteur constate que l’endommagement ne s’initie pas ou reste réduit. On parle de limite d’endurance du matériau. Au dessus du seuil d’endurance, la durée de vie décroit lorsque le niveau de sollicitation augmente. Comme pour les matériaux non structurés, la représentation de la tenue des matériaux composites en fatigue prend donc souvent la forme de courbes de Wöhler, ou courbes S-N (pour Stress ou Strain – Number of cycle) où la durée de vie est tracée en

fonction de la contrainte maximale appliquée à un stratifié donné, sollicité dans des conditions précises (Figure II.13.a).

b. Amplitude et valeur moyenne

La contrainte maximale n’est pas le seul paramètre influant sur la durée de vie. L’amplitude et la valeur moyenne de la sollicitation ont aussi de l’importance. Leur proportion est souvent quantifiée à l’aide du rapport de charge, noté R, ratio entre la contrainte minimale et la contrainte maximale appliquée (cf Section I.2.2). Le rapport de charge prend une valeur comprise entre 0 et 1 lorsque la sollicitation est de traction-traction, comprise entre −∞ et 0 lorsque la sollicitation est alternée de traction-compression et comprise entre 1 et

+∞

lorsque la sollicitation est de compression-compression.

Figure II.13 : (a) Courbes S-N pour différentes valeurs de R et

(b) diagramme CFL pour différentes durées de vie d’un [[±45/0]4/ ±45] verre-époxy [Post08]

L’influence de l’amplitude s’apprécie généralement en traçant des courbes S-N, obtenues pour différents rapports de charges sur le même graphe (Figure II.13.a) ou à l’aide du diagramme de Haigh (appelé aussi diagramme CFL : Constant Fatigue Life) qui représente la relation qui existe entre l’amplitude et la contrainte moyenne pour atteindre une même durée de vie (Figure II.13.b). Généralement, les diagrammes CFL montrent que pour atteindre une même durée de vie, lorsque la contrainte moyenne augmente en valeur absolue, l’amplitude diminue. Une représentation schématique de la relation entre des courbes S-N et un diagramme CFL est proposée en Figure II.14.

Figure II.14 : Représentation schématique de la relation entre des courbes S-N et un diagramme CFL [Nijssen07]

c. Histoire du chargement

Dans une structure, les matériaux sont soumis à des chargements cycliques de niveau de sollicitation et d’amplitude différents. Leur ordre d’apparition a une influence sur la durée de vie. Par exemple, un niveau de chargement élevé suivi d’un niveau de chargement faible est plus défavorable en termes d’endommagement et de durée de vie que l’inverse [Gamstedt02; Revest11].

E.K. Gamstedt et B.A. Sjögren mettent en évidence, sur un [0/90]s carbone époxy que les mécanismes d’endommagement, différents en fonction de l’ordre d’application de deux blocs de chargement, sont responsables de cette différence de durée de vie. Ils remarquent que les fissures transverses sont majoritaires sous un chargement de niveau de sollicitation élevé et que le délaminage est prépondérant pour des niveaux de sollicitation plus faibles. Etant donné que les fissures transverses ont tendance à initier des délaminages et qu’au contraire, le délaminage a tendance à empêcher la création de fissures transverse (par déchargement local), les séquences de chargement « high-low » provoquent des dégradations en fatigue plus rapides que les séquences « low-high » (Figure II.15).

Figure II.15 : Influence de l’histoire de chargement sur l’évolution de l’endommagement d’un [0/90]s carbone époxy [Gamstedt02]

d. Multiaxialité

Les trois premiers points que nous avons évoqués concernent des sollicitations uniaxiales à l’échelle du stratifié. Cependant nous avons vu dans le Chapitre I que la sollicitation pouvait être multiaxiale, et nous allons voir ici que la multiaxialité a une influence importante sur l’évolution de l’endommagement et la durée de vie des matériaux composites.

Rappelons tout d’abord qu’un état de contraintes est dit multiaxial s’il existe au moins deux contraintes principales non nulles. Notons que dans le cas des matériaux composites stratifiés à plis d’unidirectionnels, qui sont fortement anisotropes, la direction principale de la sollicitation a aussi une grande importance sur l’endommagement. Dès lors, nous parlerons d’un état de contraintes multiaxial lorsque deux composantes de l’état de contraintes sont non nulles.

La multiaxialité à l’échelle du pli peut avoir différentes origines. Elle peut venir du chargement extérieur, lorsque des efforts s’appliquent dans plusieurs directions de manière proportionnelle ou non (Figure II.16.b et Figure II.16.c). Mais précisons qu’elle peut aussi être observée sous sollicitations extérieures uniaxiales (Figure II.16.a). En effet, dans le cas d’un stratifié, chaque pli peut induire un état de contraintes multiaxial sur les plis voisins par son anisotropie, ou dans le cas d’un unidirectionnel pur, un essai hors axe donne un état de contraintes multiaxial (la direction principale n’est pas aligné dans la direction des fibres).

Figure II.16 : Configuration d’éprouvettes généralement utilisées pour solliciter de manière multiaxiale un composite (a) éprouvette droite (b) éprouvette en croix (c) tubes [Quaresimin13]

En quasi-statique, la multiaxialité est connue pour avoir une influence sur l’endommagement et la tenue mécanique des composites. Ces phénomènes sont bien décrits par de nombreux critères de rupture multiaxiaux. Citons par exemple le critère de Puck [Puck07] dédié aux pli d’unidirectionnels et très employé dans l’éolien (Figure II.17.a).

L’influence de la multiaxialité sur l’endommagement peut se mesurer par l’évolution de la rigidité. Par exemple, A.E. Antoniou et al. mettent en évidence sur des tubes verre-époxy sollicités en quasi-statique que le module de cisaillement diminue lorsque la proportion de traction transverse augmente dans l’état de contraintes (Figure II.17.b) [Antoniou09].

(b) (a)

Figure II.17 : (a) Enveloppe de rupture d’un pli d’UD selon le critère de Puck et modes associés [Puck07] (b) Evolution du module de cisaillement de l’UD en fonction de la présence de traction transverse dans

l’état de contraintes [Antoniou09]

En fatigue, la multiaxialité a aussi une influence sur l’évolution de l’endommagement et donc sur la durée de vie. M. Quaresimin et P.A. Carraro ont étudié des tubes [90] en traction-torsion et montrent que le cisaillement a une influence forte sur la durée de vie dans la direction transverse (Figure II.18), ainsi que sur l’initiation et la propagation de la fissuration [Quaresimin14b]. C. Hochard et al. montrent quant à eux qu’un endommagement provoqué par cisaillement réduit la résistance des unidirectionnels dans la direction des fibres [Hochard14].

En comparant l’endommagement et la durée de vie de tubes par rapport à des éprouvettes droites [0/

θ

2/0/-

θ

2]s, M. Quaresimin et al. montrent que l’angle

θ

peut être choisi de

manière à obtenir un état de contraintes multiaxial semblable à celui obtenu à l’échelle du pli dans les tubes. Ces résultats sont intéressants pour simplifier l’étude de la multiaxialité en fatigue car les essais pourraient alors se faire à l’aide d’un moyen d’essai uniaxial, en tout cas en ce qui concerne l’étude de la multiaxialité sous chargement proportionnel [Quaresimin14a]. A.W.Wharmby et F. Ellyin remarquent que dans les stratifiés [0/±θ4/0]s, plus l’angle est

marqué, plus la fissuration et la perte de raideur sont importantes. Les auteurs font le lien avec la présence de composantes de traction transverse et de cisaillement dans l’état de contraintes [Wharmby02].

Figure II.18 : Courbes S-N de tubes [90]n sollicités en traction-torsion.

λ

12

12

σ

2 = 0, 1 et 2

[Quaresimin14b]

(b) (a)

e. Fréquence de chargement

La fréquence de chargement, lors de sollicitations cycliques, est responsable de deux phénomènes différents [Rakotoarisoa14]. Lorsque la fréquence est faible et la contrainte moyenne non nulle, le temps passé sous une sollicitation élevée est plus important que pour une fréquence élevée et des phénomènes de fluage peuvent être observés pour des sollicitations hors axes. Lorsque la fréquence est élevée, le comportement visqueux de la matrice et la présence d’endommagements entrainent un échauffement qui engendre une réduction de la durée de vie, à grand nombre de cycles (Figure II.19) [Kelkar09; Vallons13]. Généralement on se limite à une augmentation de la température de 10°C par rapport à la température ambiante, ce qui correspond à des fréquences entre 1 et 25 Hz en fonction des matériaux composites et des directions de sollicitation. L’échauffement de 10°C permet généralement de rester suffisamment éloigné de la température de transition vitreuse de la matrice.

Figure II.19 : Influence de la fréquence sur la durée de vie en fatigue d’un matériau composite verre-époxy [Vallons13]

II.2.2. Influence des conditions extérieures

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