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Chapitre I. Fatigue des structures composites dans le contexte de l’éolien

I.1. Etat de l’art sur la fatigue des pales en matériaux composites

I.1.3. Défaillances, modes d’endommagements et zones critiques des pales

Intéressons nous maintenant aux zones critiques et aux modes d’endommagements observés sur les pales d’éoliennes.

a. Défaillances

Notons tout d’abord que dans une éolienne, selon les sources disponibles, 5% à 20% des incidents semblent dus aux pales [CENER11] [Ataya13]. Parmi ces incidents le NREL [CENER11] classe les causes de ruptures en quatre catégories (Figure I.19) :

- Défauts de conception qui représente 10% des incidents (conception inappropriée, endommagements à l’arrêt des plis)

- Défauts de fabrications au niveau du stratifié qui représentent 40% des incidents (porosités, zones sèches)

- Collage qui représentent 40% des incidents (longerons, bord d’attaque, bord de fuite) - Système de fixation au moyeu (10% des incidents)

Défauts de fabrication 40% Défauts de conception 10% Fixation au moyeu 10% Collage 40%

Figure I.19 : Source des incidents observés sur des pales en service

D’après le NREL, les incidents relevés sont principalement liés à des problématiques de fatigue et auraient pu être identifiés à 95% d’entre eux par des essais en fatigue. Les 5% des incidents restants auraient pu quant à eux être identifiés par des essais statiques.

b. Zones critiques et modes d’endommagements

i. Essais en laboratoires

Plusieurs pales ont été analysées par des laboratoires lors d’essais en fatigue. C’est le cas des pales CX-100, TX-100 et BSDS, de 9 m, conçues par Sandia National Laboratories pour démontrer la possibilité d’intégrer du carbone dans des pales en fibres de verre (Figure I.20). Les essais statiques sur ces pales ont permis de localiser par émission acoustique les lieux d’endommagement (Figure I.21) qui se trouvent dans la zone de transition aérodynamique. D’après le rapport d’essais monotones quasi-statiques, l’endommagement de la pale concerne principalement la colle, et il est dû au flambement des peaux en matériaux composites [Paquette07].

Figure I.20 : Pales CX-100, TX-100 et BSDS : Géométries et échantillonnages principaux [Paquette07]

En bleu la zone qui contient du carbone et en rouge le spar cap en fibres de verre de la TX-100

Figure I.21 : Localisation des événements acoustiques pour la pale TX100 et CX100 lors d’essais statiques [Paquette07]

Des essais en fatigue sur la pale CX-100 ont permis, en excitant celle-ci à sa fréquence de résonance (environ 4,5 Hz) d’observer sa rupture après 8,5 millions de cycles [Taylor12]. Cette rupture est matérialisée par une fissure transverse de la pale dans toute sa largeur dans la zone de transition aérodynamique (Figure I.22.a). Sur la pale TX-100, les essais en fatigue ont montré une fissuration longitudinale de la peau composite en milieu de pale (Figure I.22.b) [Rumsey08].

Figure I.22 : (a) Fissuration de la CX-100 sollicitée en fatigue [Taylor12]

(b) Image par thermographie infra rouge de la fissure en milieu de pale (TX-100 à 3,8 millions de cycles) [Rumsey08]

(b) (a)

(b) (a)

Une autre pale analysée en fatigue est la V52 par le laboratoire Riso. Il s’agit d’une pale Vestas de 25 m. Ces essais ont mis en évidence l’endommagement du joint de colle et des peaux composites en compression [Jørgensen04][Sørensen04]. Les modes d’endommagements observés sur ces pales sont détaillés Figure I.23 [Debel04].

Figure I.23 : (a) Modes d’endommagement de la V52 en fatigue par compression [Debel04] (b) Modes d’endommagement du longeron de la V52 en fatigue [Debel04]

Les modes d’endommagement relevés par Sorensen et al [Sørensen04] sont les suivant : - Type 1 : Décollement du composite au niveau des longerons

- Type 2 : Rupture du joint de colle au bord d’attaque ou au bord de fuite - Type 3 : Décollement peau-âme des sandwiches

- Type 4 : Délaminage des peaux composites soumises à des sollicitations en traction ou à du flambement

- Type 5 : Rupture des fibres en traction / rupture du stratifié en compression - Type 6 : Décollement du composite au niveau des longerons dû au flambement - Type 7 : Fissuration du gel-coat

Notons que de nombreux modes d’endommagement concernent la colle. Parmi ceux qui concernent le composite monolithique : type 4 et 5, nous relevons un mode de rupture du stratifié : le délaminage, et un mode de rupture du pli : la rupture des fibres.

Après avoir développé un nouveau système de test en fatigue de petites pales d’éoliennes [Lai11], LAI et al, relèvent deux zones de faiblesse pour les pales testées : le pied de pale et les 2/3 de la pale. Dans les deux cas, les auteurs observent une fissuration transverse de la pale qui conduit à sa ruine.

Lors d’un essai sur une pale de petite dimension [Epaarachchi04], plusieurs points intéressant sont relevés. Tout d’abord ces auteurs observent une fissuration de la pale dans la zone de transition aérodynamique sur l’intrados. Cette fissuration fait suite à un endommagement de la matrice qui entraîne une dégradation de la rigidité de la pale jusqu’à l’apparition d’une fissure qui indique la rupture complète du stratifié dans cette zone. Cependant, l’âme et l’extrados ne montrent aucun signe d’endommagement. Le second point noté par les auteurs est que l’endommagement de la matrice apparaît dans la zone où les contraintes étaient prévues maximales par un calcul par élément finis.

(b) (a)

ii. Calculs de structure

D’autres informations nous viennent de résultats d’études de structures rendues publiques. Parmi ces résultats citons l’étude d’une pale de 100 m : SNL100-00, réalisée par Sandia National Laboratories [Griffith11]. Dans ce rapport, les auteurs présentent les résultats du calcul de la durée de vie de la pale. Ils utilisent la règle de Miner et les hypothèses classiques de calcul éolien. Ce calcul indique que la zone la plus faible de la pale est située dans la zone de transition aérodynamique et au voisinage du bord de fuite.

Dans une autre étude visant à mesurer l’influence de la longueur des pales sur leurs modes de ruptures [Jensen12], cinq modes de ruptures statiques et un mode en fatigue sont mis en évidence comme critiques pour des pales de grandes dimensions. En statique, les modes de ruptures suivant sont identifiés : cisaillement dans les sections dû à la distorsion causée par des moments de flexion « edgewise »1 importants et des forces aérodynamiques extrêmes, délaminage des peaux composite, flambement, rupture des joints de colle et rupture des longerons. En fatigue, ce rapport donne comme zone critique la zone de transition aérodynamique entre le pied de pale et la corde maximale.

iii. Observations sur des pales en service

La dernière source d’information concerne les observations menées sur les pales après plusieurs années de service.

Ainsi, dans une étude menée sur 15 pales de 300 kW et sur 81 pales de 100 kW après 16 à 22 ans de service [Ataya13] [Ataya11], Sabbah Ataya et Mohamed M.Z. Ahmed font l’inventaire des défauts et essaient d’en identifier la cause.

Les auteurs classent les défauts en trois catégories : les fissures (longitudinales, transverses ou de surface), les endommagements le long du bord de fuite, et les endommagements de surface (gel-coat). D’après les résultats de l’étude [Ataya11] les fissures longitudinales sont principalement présentes dans la zone de transition aérodynamique et les fissures transverses, dans le troisième tiers de la pale au voisinage du bord de fuite. Les fissures longitudinales peuvent aller jusqu’à 59 cm de longueur. Les fissures et le décollement du bord de fuite interviennent plutôt dans la première moitié des pales et les endommagements de surface sont principalement situés sur le bord d’attaque à cause de l’érosion.

Une inspection de 47 pales de l’exploitant Statoil en 2008 [CENER11] montre que deux tiers des pales ont des fissures transverses sur l’intrados et que 4 pales ont de longues fissures qualifiées de critiques sur l’extrados. Toutes les pales ont leur joint de colle du bord de fuite fissuré et pour 13 pales, des fissures sur le bord de fuite apparaissent comme critiques. De plus, l’exploitant note que quelques pales ont été frappées par la foudre en bout de pale. Lors de l’inspection des endommagements détectés dans des pales de 300 kW [Marín09], J.C.Marín met en évidence la nature des endommagements qui se révèlent être dus à une sollicitation en fatigue. Il remarque que les endommagements sont caractérisés par des fissures dans la zone de transition aérodynamique de la pale et étudie alors leurs causes.

1 La flexion edgewise désigne la flexion autour de l’axe x

B alors que la flexion « flapwise » désigne la

L’auteur en identifie trois : le changement brutal d’épaisseur, la géométrie particulière de cette zone qui génère des concentrations de contraintes et enfin les défauts de fabrication comme la présence de zone sèches ou des défauts de collage.

c. Conclusion sur les modes d’endommagements et les zones critiques des pales D’après les études disponibles, la zone d’initiation de l’endommagement en fatigue peut être la même qu’en statique [Taylor12][Epaarachchi04] tout comme elle peut être différente [Rumsey08].

Si une pale est susceptible de s’endommager tout le long de l’envergure [Ataya11] [Rumsey08], notons que trois zones d’endommagement sont privilégiées : Le pied de pale [Lai11], la zone de transition aérodynamique [Jensen12] [Taylor12] [Marín09] [Ataya11] [Griffith11] [Epaarachchi04] et les 2/3 de la pale [Ataya11][Lai11].

Lorsque l’endommagement concerne les matériaux composites, la rupture se matérialise par des fissures dans la largeur de la pale [CENER11] [Taylor12] [Ataya11] [Lai11] [Sørensen04] [Debel04], des fissures dans sa longueur [CENER11] [Ataya11] [Rumsey08] ou du délaminage [Sørensen04] [Debel04].

Un auteur met en évidence des modes d’endommagement des matériaux composites par compression [Sørensen04] mais des fissures relevées sur l’intrados [CENER11][Epaarachchi04] indiquent que la fatigue peut aussi être causée par des sollicitations en traction.

Nous en déduisons que l’endommagement en fatigue des pales d’éoliennes concerne toutes les zones de la pale : la partie monolithique, les peaux des parties en sandwich, les zones collées et varie d’une pale à l’autre. Précisons que lorsqu’aucun mode d’endommagement du composite n’est observé, ceci peut révéler que la méthode de dimensionnement en fatigue employée pour le composite est conservative.

Pour décrire avec un seul modèle l’endommagement et la résistance en fatigue dans les pales d’éoliennes, il faudrait que celui-ci soit applicable à n’importe quelle zone de la pale et qu’il ne se limite pas à l’étude de sollicitations planes et uniaxiales.

Les modes d’endommagement, du matériau composite, à l’échelle du stratifié décrits dans cette section sont liés à des endommagements à des échelles inférieures : celle des constituants (échelle microscopique) et celle des plis (échelle mésoscopique). Ces modes d’endommagement et leur scénario d’évolution sont détaillés au Chapitre II.

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