1.1. LE BILAN HYDROLOGIQUE
1.1.6. Infiltration, saturation du sol et percolation
Lorsque l’eau se répand sur un sol sec, elle se distribue autour des particules du sol où elle est
maintenue par des forces d’adsorption. Elle déplace graduellement l’eau dans les pores ou les
remplie éventuellement (Michael, 1982 cité par Parhi et al., 2007). A l’instant où le potentiel
capillaire s’approche de zéro, le ruissellement débute et on assiste à une baisse du régime
d’infiltration (Parhi et al., 2007). Le temps (𝑡
𝑝) nécessaire à la formation d’une lame d’eau en
surface dépend de la teneur en eau initiale du sol (Mishra et al., 2003).
Suivant sa teneur en eau initiale, le sol présente un taux d’infiltration maximum (𝑖
0) qui
décroît au fur et à mesure que l’eau s’infiltre dans le sol jusqu’à tendre vers une valeur plus ou
moins constante (𝑖
𝑓), proche de la perméabilité à saturation (𝐾
𝑠), quand le sol approche de
l’état de saturation après une certaine période d’infiltration ininterrompue. Avant le temps
(𝑡 <𝑡
𝑝) pour qu’une lame d’eau puisse se former à la surface du sol, l’intensité de pluie est
généralement inférieure au potentiel d’infiltration à cause de l’existence d’un très haut
potentiel de succion (𝜓). Au fur et à mesure qu’il continue de pleuvoir (𝑡 >𝑡
𝑝), une certaine
épaisseur du sol se sature à partir de la surface (𝜓= 0) à compter de (𝑡
𝑝).
Kim et al. (2004), dans leur article concernant l’influence de la pluie sur la stabilité des talus
des sols altérés (weathered soils) de Corée, indiquent que les ruptures observées dans ces sols
correspondent à des glissements de surface (2 – 3 m de profondeur) qui se développent
parallèlement au talus original. La surface libre de la nappe d’eau du sol est généralement
localisée à une profondeur considérable en-dessous de la surface du sol et qu’il n’y avait pas
d’évidence que d’intenses pluies pourraient provoquer une remontée suffisante de la surface
libre pour provoquer de tels mouvements de sol. Citant (Lumb, 1975; Rahardjo et al., 1995;
Ng and Shi, 1998; Fourie et al., 1999), Kim et al. (2004) ont fait remarqué qu’au contraire, les
glissements pourraient être attribués à l’avancement d’un front d’humidification en profondeur
provoqué par l’infiltration des eaux de pluie qui ont augmenté la teneur en eau en réduisant la
succion et la résistance au cisaillement sur la surface potentielle de rupture.
Kim et al. (1994) ont noté que l’équation 21 suivante proposée par Lumb (1975) pour estimer
la profondeur de la bande humide (wetting band) sur la base du degré de saturation initial et du
degré de saturation final ne prenait pas en compte l’intensité de pluie et la succion présente
dans le sol. De ce fait, cette équation ne serait pas satisfaisante pour traiter des problèmes
d’infiltration d’eau de pluie dans des sols non saturés.
(21)
h
west la profondeur de la bande humide, 𝑘
𝑠est la perméabilité du sol saturé, t est la durée de
pluie, n est la porosité et, 𝑆
0et 𝑆
𝑓sont le degré de saturation initial et le degré de saturation
final respectivement.
Selon Xue et al. (2007), la teneur en eau du sol est accrue par la percolation de l’eau de pluie ;
ce qui réduit la succion sur le site et ainsi décroît la capacité d’infiltration du sol. Pour cette
raison, la proportion de pluie qui s’infiltre ou qui ruisselle change continuellement durant un
épisode pluvieux. Gavin et al. (2008) ont aussi fait remarquer que lorsque la succion initiale
est élevée, le taux d’infiltration est contrôlé par l’intensité de pluie (supply controlled) et, dans
des situations où la succion est faible, le taux d’infiltration est contrôlé par la capacité
d’infiltration du sol (demand controlled). Gavin et al. (2008) notent également, qu’en milieu
tropical, la surface libre de la nappe d’eau du sol est généralement à une profondeur très élevée
par rapport à la surface du sol où des valeurs élevées de succion se manifestent.
Sur la base de profils stratigraphiques relatifs à des tronçons routiers d’Haïti, il peut être admis
qu’en général, les conditions hydrogéologiques y sont similaires à celle évoquées ici.
Castany (1982) fait remarquer que l’eau gravitaire (ou eau mobilisable) circule seule dans les
aquifère, sous l’action des gradients et alimente les ouvrages de captage et les sources. La
quantité d’eau gravitaire est temporaire, en transit et souvent nulle.
Pour sa part, l’eau de rétention (eau capillaire et eau adsorbée), fraction de l’eau souterraine
maintenue dans les vides à la surface des grains ou des parois des microfissures par des forces
supérieures à celles de la gravité, n’est donc pas mobilisable. Le phénomène de rétention de
l’eau, à la surface des grains, est la conséquence de la structure moléculaire particulière de
l’eau (Castany, 1982).
Felix (2006) relate que deux principales approches sont utilisées pour décrire le mouvement de
l’eau dans la zone non saturée du sol : une approche conceptuelle basée sur la combinaison des
lois de Darcy et de conservation de la masse et une autre approche dite fonctionnelle basée sur
la capacité « réservoir-sol » à contenir l’eau.
Concernant l’approche conceptuelle du mouvement de l’eau, Felix (2006) indique qu’après
l’arrêt du processus d’infiltration, le mouvement de l’eau vers le bas ne s’arrête pas
immédiatement. L’eau percole dans les couches inférieures aussi longtemps que la teneur en
eau des couches supérieures le permet ; on parle de processus de redistribution de l’humidité
dans le profil. Cette teneur en eau dans son mouvement est soumise à deux principales forces :
l’une due à la gravité et l’autre à la succion. Ainsi, dans les travaux de modélisation dans les
sols non saturés on considère que son potentiel (𝜓
𝑡) est la somme d’une composante gravitaire
(𝜓
𝑔) et d’une composante matricielle (𝜓). Et le gradient de succion constitue la force motrice
qui fait mouvoir l’eau d’un point quelconque à un autre dans le sol.
En ce qui se rapporte à l’approche fonctionnelle du mouvement de l’eau, Felix (2006) note que
les modèles fonctionnels ou modèles « type-capacité » de la redistribution de l’eau dans le sol
reposent sur un concept simplifié du mouvement de l’eau et requièrent certaines données
physiques du sol faciles à déterminer et largement disponibles. L’approche largement utilisée
dans ce cas est celle dite en cascade où le profil du sol est divisé en un ensemble de couches
superposées d’épaisseurs identiques ou variables. Dans les modèles de « type capacité » les
processus hydrologiques sont gouvernés par trois états d’humidité du sol cités ci-après :
− Le point de flétrissement (WP) permanent défini comme étant l’humidité en dessous de
laquelle la plupart des plantes sont incapables d’extraire l’eau du sol. C’est l’humidité
correspondant à un pF de 4,2 (≅ 1,6 𝑀𝑃𝑎).
− La capacité au champ (FC) considérée comme l’humidité obtenue dans un horizon
donné après que toute l’eau en excès ait été drainée sous l’effet de la gravité.
− La saturation (PO) qui caractérise la teneur en eau volumique quand il n’y a plus d’air
dans les pores du sol. Elle peut être considérée comme étant la porosité totale du sol.
C’est l’état d’humidité correspondant à un pF nul.
Pour Felix (2006), ces trois niveaux d’humidité une fois définis permettent de décrire le
processus de circulation de l’eau à travers les horizons. Le mouvement de l’eau de l’horizon
supérieur (i) vers l’horizon inférieur (i+1) ou redistribution s’arrête une fois que la couche (i)
est débarrassée de son eau gravitaire ou que sa capacité au champ est atteinte.
Bell (1998) a mis en relation les notions de rétention spécifique (specific retention) et de
transfert spécifique (specific yield). Pour l’auteur, même lorsqu’un sol est saturé, seulement
une partie des eaux peut y être extraite par gravité ou par pompage. L’autre partie est
maintenue dans le sol par les forces capillaires ou moléculaire. Le rapport entre le volume
d’eau retenu et le volume total du sol est notée « 𝑆
𝑟𝑒». La notion de transfert spécifique d’un
sol fait référence à sa capacité de transfert d’eau attribuable au drainage par gravité tel que
cela se produit lorsque le niveau de la nappe souterraine baisse. Le transfert spécifique, noté
« 𝑆
𝑦», exprime donc le rapport entre le volume d’eau, après saturation, qui peut être drainé
par gravité et le volume total de l’aquifère. Selon Bell (1998), quand tous les pores du sol sont
interconnectés, on a la relation suivante :
𝑛 =𝑆
𝑟𝑒+𝑆
𝑦(22)
Les notions de rétention spécifique et de transfert spécifique définies par Bell (1998) sont à
considérer en relation avec les notions de porosité cinématique et de porosité de drainage.
Selon Marsily (2004), à partir d’un volume élémentaire représentatif (V.E.R. : quelques cm
3à
quelques m
3), qui consiste à affecter à un point mathématique de l’espace la valeur moyenne
des propriétés d’un volume de sol, on distingue :
− La porosité totale, rapport entre le volume des vides et le volume total du sol ;
− La porosité cinématique, rapport entre le volume d’eau qui peut circuler et le volume
total du sol, et ;
− La porosité de drainage qui représente la part d’eau qui peut être drainée par gravité. Elle
correspond au concept de capacité en champ, état du sol obtenu une fois écoulée toute
l’eau qui peut le faire par simple gravité. La teneur en eau d’un sol dans cet état varie
avec l’altitude, puisque en chaque point, le potentiel capillaire doit équilibrer le potentiel
gravitaire.
1.1.6.1. Infiltration et profil hydrique du sol
La variabilité spatio-temporelle de la teneur en eau dans le sol peut être décrite par les profils
hydriques qui représentent la distribution verticale des teneurs en eau dans le sol à différents
instants donnés. Selon Musy et al. (2004), dans un sol homogène et lorsque la surface du sol
est submergée, le profil hydrique du sol présente (figure 10) :
˗ une zone de saturation, située immédiatement sous la surface du sol ;
˗ une zone proche de la saturation appelée zone de transmission, qui présente une teneur
en eau proche de la saturation et en apparence uniforme ; et finalement,
˗ une zone d'humidification qui se caractérise par une teneur en eau fortement
décroissante avec la profondeur selon un fort gradient d'humidité appelé front
d'humidification qui délimite le sol humide du sol sec sous-jacent.
Figure 10 : Profil Hydrique
Source : Musy et al. (2004)
En fonction de l’intensité de la pluie et du régime d’infiltration, le front d’humidification
avancera en profondeur et les trois zones s’allongeront à chaque instant 𝑡
𝑖comme représentées
dans la figure 11 suivante :
Figure 11 : variation du profil hydrique par rapport au temps
Dans le document
Influences de la pluviométrie sur la stabilité de talus routiers :
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