6.1 Portrait du secteur
L’aérospatiale regroupe 250 entreprises employant quelque 44 765 travailleurs, début 2007, principalement dans la grande région de Montréal. Il s’agit de 62 % de la production en aérospatiale au Canada, ce qui correspond également à 7 % du PIB du Québec et 12 % de ses exportations manufacturières. Parmi les 250 entreprises, on compte 4 grands maîtres d’œuvre et 10 équipementiers. Ce domaine est très compétitif et repose sur des innovations continuelles pour faire face à la concurrence, non seulement au niveau de la conception, mais également au niveau de l’organisation du travail. L’exigence de qualité et de précision traverse l’ensemble de la production et de son organisation : les produits doivent être fiables et de qualité parfaite. De plus, l’entreprise doit être en mesure d’assurer ce niveau de qualité par un système d’assurance qualité. Le secteur est traversé par un système de suivi des pièces, de sorte que lorsqu’un incident arrive (bris, panne, etc.), toute pièce ou matériau défectueux puisse être retracé, et ce, jusqu’à ses premières étapes de transformation (fonderie dans le cas de pièces métalliques). Le nombre d’emplois a atteint en 2005 le niveau d’avant le 11 septembre 2001; cette progression s’est maintenue depuis.
6.2 Vignette d’entreprise
Cette entreprise est située en périphérie de Montréal. C’est une entreprise se spécialisant dans l’outillage de pièces pour l’aérospatiale principalement, ainsi que pour les télécommunications, le domaine militaire, le transport et le secteur médical. Elle a comme client principal une des
grandes entreprises d’aérospatiale située à Montréal; elle complète son carnet de commandes avec les autres constructeurs de la région, ainsi qu’avec d’autres grandes entreprises spécialisées dans d’autres secteurs que l’aérospatiale. L’entreprise emploie un peu plus d’une centaine d’employés, les deux tiers en atelier et le tiers dans les bureaux de l’entreprise.
6.3 Portrait du métier d’agent de méthodes
L’appellation standard est celle de technologue et technicien en génie mécanique (CNP 2232), celle d’agent de méthodes étant une des appellations utilisées en entreprise, aux côtés de celles de concepteur‐dessinateur d’outillage, de structure ou de système, de programmeur de machine‐outil à commande numérique, de vérificateur, d’inspecteur de la qualité, ou de rédacteur technique, selon la description de tâches et l’emphase mise sur l’une ou l’autre d’entre elles dans une entreprise donnée. Dans ce cas‐ci, son superviseur décrit le poste d’agent de méthodes comme « la personne qui écrit la recette ». D’un point de vue technique, c’est LA personne‐ressource pour chacune des pièces; on trouve un agent de méthodes par cellule dans l’entreprise. Le travail de l’agent de méthodes organise en grande partie le travail des machinistes ainsi que, dans une moins grande partie, celui des assembleurs. Il consigne par écrit les méthodes à suivre pour fabriquer une pièce donnée. C’est donc dans la nature même de son poste de transmettre ses savoirs, puisqu’il écrit sur papier, de façon structurée, les méthodes qu’il préconise en fonction de la pièce à fabriquer. L’accès à ce métier passe généralement par un diplôme d’études collégiales en construction aéronautique ou en génie mécanique.
6.4 L’agent de méthodes hautement qualifié
D’abord, l’organisation du travail en cellules tend en partie à niveler l’expertise de chacun, puisque les trois ou quatre travailleurs de la cellule partagent certains savoirs. Ce partage ne vise cependant pas les savoirs plus pointus associés au métier de chacun, ni ceux de l’intégration de chacune de ces expertises, assurée, dans le cas de celui rencontré, par l’agent de méthode hautement qualifié. Du fait de l’organisation du travail en cellule, un client va souvent échanger avec l’agent de méthodes d’une cellule, ce qui simplifie les communications et en assure une plus grande efficacité.
La nature du parcours professionnel de ce travailleur contribue également à sa haute qualification. En effet, il a travaillé longtemps pour une grande entreprise qui se trouve à être la principale cliente de l’entreprise qui l’emploie maintenant. Incidemment, cet historique a été un atout dès son embauche. Connaissant de l’intérieur la production dans la grande entreprise où se retrouvent les produits de la PME, il a donc une vision du « destin » de la pièce au‐delà de sa production dans l’atelier de l’entreprise. Il a également une connaissance approfondie des exigences du secteur, de par des années d’expérience comme superviseur de machinistes, qui font de lui un atout précieux, ce que souligne son superviseur dans l’entreprise où il travaille maintenant. Il est aguerri à la résolution de problèmes propres à ce secteur. Ceci lui permet entre autres d’interpréter les plans ‐ très précis ‐ avec un supplément d’information par rapport à ce qui se trouve sur papier, sachant à quoi les pièces serviront et ce dont le client de l’entreprise a besoin. Ce sont des compétences accumulées avec les années d’expérience. Il précise que quoique la théorie soit très importante pour la compréhension du travail à faire, « la réalité ne se passe pas comme la théorie la décrit » : une fois dans le métier, c’est complètement différent. C’est également un passionné de la précision et du travail consciencieux dans la fabrication des pièces. Il aime profondément réussir la fabrication des pièces commandées, de sorte qu’il n’envisage aucunement le départ à la retraite, même s’il approche peu à peu l’âge de 65 ans, à partir duquel il pourrait quitter pour la retraite. Les principaux défis relevés se trouvent au niveau de la résolution de problèmes, impliquant les autres membres de la cellule. Il suit périodiquement diverses formations continues (logiciels, formations techniques spécialisées), auxquelles il participe avec enthousiasme. Quoique l’essentiel de ses savoirs ne soient pas codifiés par écrit, de par le travail en cellules, la base est partagée avec les machinistes.
La dimension des normes de qualité demandées dans ce secteur amène des exigences dans la qualité du travail, qui doit être exécuté à l’intérieur de « cotes de tolérances » très précises (jouant à l’échelle de millièmes de pouce). Ces pièces doivent être fabriquées en trois dimensions; il faut également tenir compte de la méthode de fabrication pour éviter des erreurs, par exemple en considérant la pression exercée par un étau. Son travail à l’intérieur de la cellule, comme agent de méthodes, consiste principalement à concevoir comment la pièce sera machinée, avec des précisions pour éviter les erreurs qui pourraient être faites sur une telle
pièce. La fabrication de la pièce comportant plusieurs étapes, il faut avoir une vue d’ensemble afin d’en organiser les étapes et la production et d’être en mesure d’assurer un produit final qui corresponde aux critères demandés, toujours à l’intérieur des cotes de tolérance.