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Induction d’une plasticité par rTMS

Chapitre 7: Discussion

III. Induction d’une plasticité par rTMS

La plasticité est la capacité du cerveau à se réorganiser, en mettant en place des remodelages à plus ou moins long terme des communications neuronales qui dépassent la période de l’expérimentation ou de l’entrainement. La littérature évaluant les effets de la rTMS sur le cerveau montre que leur durée est supérieure à la période de stimulation, et que ces effets semblent refléter des changements dans les connexions synaptiques (Hallett, 2000 ; Hoogendam et al. 2010). De ce fait, l’action de la rTMS sur le cerveau est assimilée par la communauté scientifique à des phénomènes d’induction de potentialisation ou de dépression à long terme (LTP et LTD). Cependant, la preuve directe que la rTMS induit une plasticité des connexions neuronales demeure à ce jour absente. Grâce à la littérature évaluant les effets de la rTMS sur la physiologie cérébrale, nous pouvons néanmoins penser que la rTMS induit des effets qui correspondent à des caractéristiques fondamentales de la plasticité synaptique (voir ci-dessous).

3.1. Similitudes entre plasticité synaptique et effets induits par rTMS

En premier lieu, quel que soit le paradigme de stimulation considéré (basse ou haute fréquence), les effets de la rTMS persistent au delà de la période de stimulation. Les études appréciant l’excitabilité neuronale montrent que l’amplitude des potentiels évoqués moteurs est modifiée sur une durée pouvant aller jusqu’à 1h après la rTMS (pour une revue voir Hoogendam et al. 2010) et que le nombre de stimulations est un facteur important pour des effets à long terme. A titre d’exemple, Peinemann et collaborateurs (2004) ont montré que 150 stimulations délivrées à une fréquence de 5 Hz n’engendraient pas de modification significative sur l’amplitude des potentiels moteurs, alors que 900 et 1800 stimulations augmentaient l’amplitude de ces potentiels pour une durée respective de 20 et 40 minutes. La modalité temporelle des impulsions délivrées par la stimulation magnétique répétitive est également un facteur important pour le type (« inhibiteur » ou « excitateur ») et la durée de l’effet induit par rTMS. Or, la fréquence de stimulation est également un facteur majeur dans l’induction de la LTP ou de la LTD chez l’animal. Les protocoles de theta-burst développés chez l’animal et chez l’homme montrent également une persistance de la LTP-LTD ou des modifications de l’excitabilité neuronale qui est supérieure aux protocoles standards (Hoogendam et al. 2010). Le niveau d’excitabilité de base du cortex au moment de la stimulation est aussi à même d’influencer les effets de la rTMS. Ainsi l’augmentation de l’excitabilité neuronale induite par un protocole de rTMS à haute fréquence précédant l’application de la rTMS à basse fréquence potentialise la diminution de l’excitabilité induite par le protocole inhibiteur (Iyer et al. 2003). De plus, la réalisation d’un acte moteur

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volontaire avant (Iezzi et al. 2008) ou pendant (Huang et al. 2008) la stimulation s’oppose à la diminution ou à l’augmentation de l’excitabilité induite par la stimulation magnétique délivrée selon le mode theta-burst continu ou intermittent. Etant donné que l’état d’excitabilité cérébrale de base est à même de modifier drastiquement les effets de la rTMS, ce phénomène fait penser à des processus de métaplasticité qui peuvent induire une LTP ou LTD en fonction de l’activité cérébrale préalable (Abraham et al. 1996, 2008).

3.2. Processus sous-tendant la plasticité de S1 ?

Les processus sous-tendant la plasticité de la représentation somatotopique dans S1 après stimulation de M1 demeurent inconnus. Nous pouvons tout de même émettre l’hypothèse selon laquelle la stimulation du cortex moteur induirait une plasticité dans S1 de manière indirecte via des connexions cortico-corticales ou cortico-thalamo-corticales. Cette hypothèse est notamment basée sur des travaux réalisés par Enomoto et collaborateurs (2001) ainsi que Murakami et collaborateurs (2008) qui ont observé des modifications d’amplitude des PES issus de S1 après stimulation du cortex moteur homolatéral ou après un paradigme de stimulations corticales (cortex moteur homolatéral) et périphériques appariées. Ces auteurs ont évoqué un effet indirect sur S1 via les connexions existant entre M1 et S1. De même l’implication de ces réseaux par la rTMS a été mise en évidence grâce à des études combinant la rTMS et la tomographie par émission de positons (Fox et al. 1997). Ces auteurs ont montré que la stimulation magnétique répétée du cortex M1 était corrélée à une augmentation du métabolisme notamment dans S1.

La modification de l’aire de la main dans S1 après rTMS rappelle les observations rapportées par Buchner et co-auteurs (1995, 1999) qui ont étudié la représentation de la main par stimulations somesthésiques du pouce et de l’auriculaire après anesthésie de plusieurs doigts de la main (index, majeur et annulaire) avec ou sans l’attention du sujet dirigée vers la région anesthésiée. Après anesthésie sans contrôle attentionnel, les auteurs ont rapporté un déplacement latéral de la position du dipôle du pouce et un déplacement médial de la position du dipôle de l’auriculaire par rapport à leur position avant l’anesthésie (Buchner et al. 1995, 1999). Ces résultats sont en accord avec ceux exposés dans cette thèse. En revanche, lorsque l’attention du sujet est dirigée vers la région de la main anesthésiée, les dipôles du pouce et de l’auriculaire se déplacent vers la région corticale initialement dédiée aux doigts anesthésiés, soit considérés comme désafférentés (Buchner et al. 1999). Les auteurs ont suggéré que l’anesthésie pouvait induire des altérations dans la balance excitatrice/inhibitrice des neurones corticaux, et que ce phénomène était à l’origine du déplacement de la représentation du pouce et de l’auriculaire. Nous pouvons

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émettre l’hypothèse selon laquelle la stimulation du cortex moteur par rTMS entrainerait le déplacement des dipôles du pouce et du nerf cubital en agissant sur le système d’inhibition cortical.

L’état d’activation ou d’inactivation du système nerveux central est également un paramètre important à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Il a été mis en évidence, grâce à des paradigmes d’étude du système visuel notamment, que les capacités perceptuelles et cognitives du traitement de l’information pouvaient être modifiées en fonction de l’état d’activation des neurones (Silvanto & Muggleton 2008). Ainsi, si la TMS est utilisée avant la présentation du stimulus sensoriel ou avant le début d’une tâche cognitive les capacités perceptives et comportementales du sujet (comme la dénommination d’objets ou la détection d’une cible visuelle) sont améliorées (Töpper et al. 1998 ; Grosbras & Paus 2003). En revanche, si la TMS est appliquée pendant la présentation sensorielle ou le traitement cognitif, les capacités comportementales sont diminuées (Silvanto & Muggleton 2008). Selon les auteurs, cette différence d’effets de la TMS est dépendante de l’état d’activation ou non des neurones. Lorsque la TMS est appliquée avant le début des processus perceptuel ou cognitifs, les neurones sont à leur état d’activité basale. Lorsque la TMS est appliquée pendant le traitement perceptuel ou cognitif, tous les neurones de la région stimulée ne sont pas dans le même état d’activation : alors que ceux impliqués dans le traitement de l’information sont fortement activés, les neurones non impliqués dans cette tâche sont moins actifs, voire inhibés (Silvanto & Muggleton 2008). La différence comportementale observée entre les deux états d’activation neuronale s’expliquerait par le fait que la TMS agirait préférentiellement sur les neurones qui ne sont pas impliqués dans le traitement cognitif. L’action de la TMS resulterait d’une diminution du rapport signal/bruit et engendrerait une perturbation comportementale (Silvanto & Muggleton 2008). Des résultats identiques ont été retrouvés en utilisant le paradigme de stimulation theta-burst continu (Silvanto et al. 2007). La variabilité des effets de la rTMS pourrait ainsi également dépendre de l’état d’activation neuronale de la région stimulée, ce qui nécessite des recherches supplémentaires dans cette thématique.

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IV. Effet différentiel de la rTMS sur la plasticité selon le mode de