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1.3 Cas du tore

2.1.1 Indice de Maslov

Consid´erons une structure presque-complexe J sur E compatible avec ω : J est un endomorphisme de E, de carr´e −1l, qui pr´eserve ω, avec ω(u, Ju) > 0 pour tout vecteur non-nul u de E. Muni de la forme (u, v)J = ω(u, Jv)− iω(u, v) l’espace E devient un espace vectoriel hermitien. Nous noterons Λ(E) la grassmannienne lagrangienne de E : c’est la vari´et´e form´ee par les sous-espaces de E qui sont isotropes pour E et de dimension maximale pour cette propri´et´e.

Lemme 2.1.1 Si L0 et L1 sont deux lagrangiens de E, il existe un endomorphisme uni-taire u de E tel que u(L0) = L1.

Preuve : si e = (e1, . . . , en) est une base d’un lagrangien L, orthonorm´ee pour le produit scalaire Re(·, ·)J, alors e est ´egalement une base de E, consid´er´e comme espace vectoriel complexe. Choisissons alors (pour i = 0, 1) une base ei = (ei1, . . . , ein) de Li, orthonorm´ee pour Re(·, ·)J. L’application C-lin´eaire u : E→ E telle que u(e0j) = e1j convient. 2 Soient u1 et u2 deux endomorphismes unitaires de E tels que uk(L0) = L1 (k = 1, 2). L’endomorphisme unitaire u−12 ◦ u1 pr´eserve L0. Soit e = (e1, . . . , en) une base de

L0 orthonorm´ee pour le produit scalaire Re(·, ·)J. La matrice de l’application C-lin´eaire u−12 ◦ u1: E → E dans la base e (consid´er´ee comme base complexe de E) est ´egalement la matrice de l’isom´etrie u−12 ◦ u1|L0 de l’espace euclidien (L0, Re(·, ·)J). Nous avons donc

detC(u−12 ◦ u1)∈ {±1}.

Nous obtenons donc que si u est endomorphisme unitaire de E tel que u(L0) = L1, le nombre complexe (de module 1) det2C(u) ne d´epend que de L0 et de L1. On le note det2

L0L1. Il v´erifie, par construction, la relation de cocycle : det2L0L2 = det2L0L1· det2L1L2.

En particulier, si (Lt) est une courbe continue dans Λ(E), la variation de l’argument du nombre complexe det2WLt (compt´ee en tours), ne d´epend pas du choix de W ∈ Λ(E). On note ∆(det2Lt) ce nombre.

Proposition 2.1.2 Si (Lt) est une courbe dans Λ(E) qui reste toujours transverse `a un lagrangien donn´e W , on a : |∆(det2Lt)| ≤ n.

Il est classique que l’application

Λ(E) → S1

L 7→ det2 L0L

induit un isomorphisme entre les groupes fondamentaux (voir [2, 10]). Par ailleurs, il est ´egalement bien connu que, pour tout lagrangien W , l’intersection avec l’hypersurface (singuli`ere)

{L, dimL ∩ W > 0},

engendre le groupe H1(Λ(E), Z). Il n’est donc pas surprenant que le fait de rester trans-verse `a un lagrangien donn´e, empˆeche une courbe de Λ(E) de “trop tourner” (voir [2]). Prouvons maintenant la proposition.

Preuve : notons OW l’ouvert des lagrangiens transverses `a W . Puisque W et JW sont orthogonaux pour le produit scalaire Re(·, ·)J, nous avons la d´ecomposition en somme directe : E = W ⊕ JW . Notons p la projection orthogonale sur JW . Si L ∈ OW, l’ap-plication J ◦ p|L : L → W est un isomorphisme. Il existe donc un endomorphisme f de W tel que L = Lf := {f(x) + Jx, x ∈ W }. Notons que le fait que le sous-espace Lf soit lagrangien est ´equivalent au fait que l’endomorphisme f : W → W soit sym´etrique pour le produit scalaire Re(·, ·)J. L’application f 7→ Lf est donc un diff´eomorphisme de l’espace des endomorphismes sym´etriques de W sur OW. On a :

det2WLf = n Y k=1k+ i)2 1 + λ2 k ,

o`u les λksont les valeurs propres de f . Maintenant, si (ft) est un chemin d’endomorphismes sym´etriques de W , de valeurs propres λ1(t)≤ · · · ≤ λn(t), la variation de l’argument du nombre complexe n Y k=1k(t) + i)2 1 + λk(t)2

2.1. NOMBRE DE ROTATION SYMPLECTIQUE 49

est inf´erieure ou ´egale `a n. En effet chacun des nombres λk(t) + i reste confin´e sur la droite

R + i et a un argument qui varie d’au plus un demi-tour. 2

Nous sommes maintenant prˆets `a construire le quasi-morphisme Φ : fSp(E, ω) → R. Rappelons que nous identifions l’espace fSp(E, ω) `a l’espace des classes d’homotopie (`a extr´emit´es fixes) de chemins issus de l’identit´e dans Sp(E, ω). Si [γ] ∈ fSp(E, ω) et L0 ∈ Λ(E), notons ϕL0([γ]) = ∆(det2t· L0)).

Lemme 2.1.3 Si L0 et L1 sont deux lagrangiens, on a :

L0([γ])− ϕL1([γ])| ≤ 2n.

Preuve : fixons un lagrangien W , transverse `a L0 et L1. On fixe un chemin (Ls)s∈[0,1], contenu dans l’ouvert des lagrangiens transverses `a W . Notons alors u(t, s) = det2Wt·Ls). Puisque le lacet u|∂[0,1]2 est contractile, et que ∆(u(0, s)) et ∆(u(1, s)) sont tous deux born´es par n, nous obtenons :

|∆(u(t, 0)) − ∆(u(t, 1))| ≤ 2n.

C’est le r´esultat voulu. 2

Remarquons maintenant que nous avons l’´egalit´e

ϕL0([γ]· [η]) − ϕL0([γ])− ϕL0([η]) = ϕγ1·L0([η])− ϕL0([η]).

Le membre de droite est born´e par 2n. L’application ϕL0 est donc un quasi-morphisme sur le groupe fSp(E, ω), dont l’homog´en´eis´e Φ ne d´epend pas de L0, d’apr`es le lemme 2.1.3. Pour tout lagrangien L on a :

Φ([γ]) = limp→∞1 p∆(det

2tp· L)). Proposition 2.1.4 Le quasi-morphisme Φ est continu.

Preuve : si x∈ fSp(E, ω), on montre par r´ecurrence sur k l’in´egalit´e : |ϕL0(xkp)− kϕL0(xp)| ≤ 2nk.

En divisant par kp et en faisant tendre k vers l’infini, nous obtenons : |Φ(x) −1pϕL0(xp)| ≤ 2np .

La continuit´e de ϕL0 implique alors celle de Φ. 2

Remarquons que les groupes infinis cycliques π1(Sp(E, ω), Id) et π1(Λ(E)) poss`edent chacun un g´en´erateur canonique. Pour cela identifions E muni de la structure presque-complexe J et du produit hermitien (·, ·)J`a Cn. Notons At(z1, . . . , zn) = (e2iπt·z1, z2, . . . , zn). Nous identifions donc At`a un ´el´ement de Sp(E, ω). Le lacet (At)0≤t≤1 repr´esente alors un g´en´erateur du groupe π1(Sp(E, ω), Id) et le lacet (At(Rn))0≤t≤1

du groupe π1(Λ(E)) (voir [2, 10]). Ces deux g´en´erateurs ne d´ependent pas du choix de la structure presque complexe J.

Nous avons vu que le quasi-morphisme Φ : fSp(E, ω)→ R ne d´epend d’aucun choix de point base dans la grassmannienne lagrangienne. Il est ´egalement ind´ependant du choix de la structure presque-complexe. En effet, si T est le g´en´erateur (d´efini ci-dessus) du groupe infini cyclique

π1(Sp(E, ω), Id) ,→ fSp(E, ω),

on v´erifie ais´ement que Φ(T ) = 2. Ainsi les deux quasi-morphismes homog`enes Φ et Φ0 construits `a partir de deux structures presque-complexes J et J0 distinctes, prennent la mˆeme valeur sur l’´el´ement T . D’apr`es un argument de Barge et Ghys [10], que nous rappelons maintenant, cela entraˆıne qu’ils sont ´egaux. En effet le quasi-morphisme ho-mog`ene Ψ = Φ− Φ0 : fSp(E, ω) → R s’annule sur le groupe cyclique π1(Sp(E, ω)) ⊂ f

Sp(E, ω). Puisque ce groupe est contenu dans le centre de fSp(E, ω), Ψ descend en un quasi-morphisme homog`ene ψ : Sp(E, ω)→ R. Nous appliquons alors le :

Lemme 2.1.5 ([10]) Tout quasi-morphisme homog`ene ψ : Sp(E, ω) → R est identique-ment nul.

Preuve : le fait qui permet d’´etablir ce lemme est que le groupe Sp(E, ω) est uniform´ement parfait : tout ´el´ement de Sp(E, ω) est le produit d’un nombre uniform´ement born´e de commutateurs.

Rappelons que si a et b sont dans Sp(E, ω), nous avons l’in´egalit´e |ψ([a, b])| ≤ δ(ψ),

o`u δ(ψ) est le d´efaut de ψ. En effet puisque ψ est homog`ene et invariant par conjugaison, ψ(a) + ψ(ba−1b−1) = 0 et donc ψ([a, b]) = ψ(a· ba−1b−1)− ψ(a) − ψ(ba−1b−1). La valeur ψ([a, b]) est donc born´ee par le d´efaut de ψ. On d´eduit ais´ement de cette in´egalit´e que si γ ∈ Sp(E, ω) est le produit de k commutateurs, on a : |ψ(γ)| ≤ (2k − 1)δ(ψ). Si a ∈ E, nous noterons ta: E → E la transvection symplectique d´efinie par :

ta(x) = x + ω(x, a)a.

Il n’est pas difficile de s’assurer que ta est un commutateur (voir [10]), et, d’apr`es [31], tout ´el´ement de Sp(E, ω) est produit d’au plus dim(E) ´el´ements de la forme t±a. Nous en d´eduisons que ψ est born´e (en valeur absolue) par (2dim(E)− 1)δ(ψ). Pusique ψ est

homog`ene, il est identiquement nul. 2

Indiquons finalement que l’on peut donner d’autres descriptions du quasi-morphisme Φ, qui permettent de le calculer effectivement [10].