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Incorporation de l’EdU à l’ADN

Dans un premier temps, j’ai cherché à savoir s’il était possible de détecter la présence d’EdU incorporé à l’ADN de la souche hts hdrB (HvYC0). Pour cela, j’ai effectué une culture à partir d’une colonie isolée dans du YPC supplémenté en thymidine. La culture est ensuite lavée de la thymidine par centrifugation, qui est remplacée par 100 µM d’EdU. Cette culture est incubée pendant une nuit afin que la souche puisse incorporer un maximum d’EdU à son ADN, puis l’ADN génomique a été extrait grâce à une colonne de silice. J’ai greffé grâce au kit « Click-iT EdU » une molécule d’Alexa 488 sur l’EdU. L’ADN étant en suspension, j’ai mesuré l’émission sur une plage de 500 à 600 nm grâce à un fluorimètre. Dans un premier temps, j’ai obtenu

70 un signal présentant un maximum d’émission à 517 nm (maximum d’émission de l’Alexa 488) dans tous mes échantillons, et ce pour toutes les conditions, témoins négatifs inclus. Les réplicas de cette manipulation montrent que pour une condition de croissance donnée, l’intensité du signal collecté est très variable, allant parfois du simple au double. Les résultats présentés figure 21b correspondent à des exemples représentatifs des données obtenues. On peut voir par exemple, pour l’expérience présentée, que les conditions sans EdU donnent un signal plus fort que dans la condition avec EdU.

Collecter un signal indiquant la présence de l’Alexa 488 dans le témoin négatif laisse entrevoir trois possibilités : soit l’Alexa se greffe de manière non spécifique, scénario peu probable car l’un des intérêts de la chimie click est justement sa spécificité car on ne retrouve pas dans le vivant de groupe azide ni de groupe alcyne, soit l’on mesure un signal qui ne provient pas de l’Alexa, soit les étapes de lavage sont mal effectuées. Afin de tester la seconde hypothèse, l’absorption à 517 nm de tous les tampons a été mesurée, mais aucun signal n’a été détecté. En s’intéressant à la structure de la molécule d’Alexa 488, on se rend compte qu’elle possède plusieurs charges négatives (Fig. 21a). La purification de l’ADN après chimie-click se faisant grâce à une colonne de silice, et donc grâce à ses charges négatives, on peut émettre l’hypothèse que la molécule d’Alexa est également retenue sur la silice, et éluée en même temps que l’ADN. J’ai donc changé de principe de purification pour passer à une purification par chromatographie d’exclusion, séparant les molécules en fonction de leur taille. Dans la figure 21c, les deux courbes correspondent au même échantillon, purifié soit par colonne de silice, soit par gel d’exclusion. Dans le cas d’une purification par gel d’exclusion, le signal mesuré par le fluorimètre est perdu dans toutes les conditions de culture.

Il est également intéressant de noter que la condition « EdU » dans la figure 21b et « ADN purifié par colonne de silice » de la figure 20c correspondent aux mêmes conditions expérimentales, ce qui témoigne de la grande variabilité de l’intensité du signal obtenu lors des réplicas, et ce pour toutes les conditions testées.

Nous avons maintenant des conditions expérimentales dans lesquelles notre témoin négatif est bien négatif, mais il nous faut conclure que nous ne sommes pas capables de détecter un signal nous permettant de conclure à la présence de l’EdU dans l’ADN. J’ai cherché un témoin positif pour disposer de conditions expérimentales dans lesquelles il serait possible d’obtenir un signal spécifique de l’EdU et des conditions de culture dans lesquelles l’EdU est détectable.

Comme témoin positif, mes tests de culture avec une souche d’E. coli ΔthyA ΔdeoA disponible au laboratoire ont montré un faible signal à 517 nm (maximum d’émission de l’Alexa 488). J’ai essayé d’obtenir la souche eCOMB (Pham et al. 2013), qui correspond à une souche d’Escherichia coli optimisée pour l’incorporation des analogues de la thymidine, afin de m’en servir comme témoin positif, mais l’équipe ayant publié cette souche n’a jamais répondu à ma demande.

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Figure 21 : Mesure de l’efficacité d’incorporation de l’EdU par la souche HvYC0. (A) Structure de la molécule d’Alexa 488. (B) Mesure de l’émission d’une suspension d’ADN après chimie-click avec de l’Alexa 488 et purification par colonne de silice. (C) Mesure de l’émission d’une suspension d’ADN après chimie-click avec

de l’Alexa 488 et purification soit par colonne de silice (bleu), soit par un gel d’exclusion (orange).

J’ai alors essayé d’optimiser les conditions de culture pour H. volcanii dans le but de détecter un signal spécifique de l’EdU. Pour cela, différentes conditions ont été testées:

- une période de sevrage de 4h en thymidine avant l’ajout de l’EdU, - de doubler la concentration de l’EdU (200µM),

- des temps de culture jusqu’à la phase de latence,

- des temps de culture court (5 à 15 minutes) afin de minimiser l’effet cytotoxique éventuel de l’EdU - une culture en milieu casa (qui n’est pas un milieu riche),

- une culture en présence à la fois de thymidine et de EdU,

A B

72 - une culture en présence d’inhibiteur de la synthèse des pyrimidines (uridine et déoxyguanosine).

Aucune de ces conditions n’a permis de détecter la présence d’EdU dans l’ADN.

Un témoin positif ne présentant qu’un faible signal empêche d’exclure la possibilité que l’absence de signal soit due à un problème technique lié à la réaction de chimie click. Mais il est toutefois très probable que l’absence de signal reflète bien l’absence d’EdU dans l’ADN, soit parce que l’EdU est dégradé avant ou après son incorporation à l’ADN, soit parce qu’il n’est pas incorporé ; ou une incorporation transitoire entraînant un effet cytotoxique empêchant sa détection. Il m’a été suggéré d’utiliser l’ara-EdU lors de la culture cellulaire à la place de l’EdU, qui correspond à un dérivé de l’uridine qui est moins toxique que l’EdU mais conservant les même propriétés (Neef and Luedtke 2011). Cependant, le suivi de croissance en présence de cet analogue montre un retard de croissance comparable à celui obtenu avec l’EdU (Fig. 20b).