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Un inconvénient tempéré par la faculté de saisir plusieurs fois les mêmes soutes

Dans le document La saisie de soutes (Page 79-83)

Si la double saisie est interdite en matière de saisie conservatoire de soutes (§1) celle-ci n’est pas prohibée en droit commun ce qui pourrait constituer un palliatif pour le créancier s’étant vu substituer une garantie égale à la seule valeur des soutes (§2).

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§ 1. La saisie multiple encadrée en matière de saisie de navire

La restriction posée par la convention de 1952 - Selon l’article 3.3 de la

convention de 1952, « un navire ne peut être saisi et caution ou garantie ne sera

donnée, plus d’une fois dans la juridiction d’un ou plusieurs des Etats contractants pour la même créance et par le même Demandeur ». Ainsi, dès lors qu’un navire a

été saisi et que cette saisie a donné lieu à mainlevée du fait de la fourniture d’une garantie, le créancier saisissant ne pourra pas saisir une nouvelle fois le même navire pour la même créance. Le créancier doit ainsi faire preuve de la plus grande prévoyance lorsqu’il fixe le quantum de sa créance. La jurisprudence a eu l’occasion de le rappeler dans le cadre de la saisie du navire Reppublica-di-Amalfi (CA Rouen, 2 avril 1992, navire Reppublica-di-Amalfi DMF 1993.245, obs. Y. Tassel). En l’espèce, il s’agissait d’un créancier qui avait obtenu pour sûreté et conservation de sa créance la saisie conservatoire du navire de son débiteur. Il avait ensuite accepté la substitution de la saisie par une caution destinée à garantir « jusqu’à concurrence de

$ 260 000 et 630 000 F français en principal, intérêts et frais ». Or la procédure se

prolongeant, le créancier s’était aperçu que la garantie fournie était insuffisante pour couvrir les intérêts moratoires de l’obligation. Il demandait alors l’autorisation de procéder à une nouvelle saisie au titre d’« une garantie complémentaire pour une

créance complémentaire de celle déjà garantie ». La demande a été sèchement

rejetée sur le fondement de l’article 3.3. de la convention. La créance « complémentaire », n’était certainement pas nouvelle.

Le champ d’application de la restriction – Selon la cour de cassation, la portée de

l’interdiction est toutefois limitée aux saisies pratiquées dans les Etats contractants (Cass. com. 8 mars 2011, navire Indian Empress, DMF 2011.424, rapp. Potocki, obs. Y. Tassel ; Rev. transp. 2011, no 84, obs. M. Ndendé). Au regard de la formulation de l’article 3.3 de la convention, cette interprétation n’allait pas de soi, ce d’autant que le principe de l’effet relatif des conventions ne paraît pas devoir être la règle en la matière. Comme le relève M. Ndendé en effet, la convention autorise la saisie de navires battant pavillon d’un Etat non contractant (art. 8 al 2 et 3).

Une restriction justifiée ? - La doctrine a salué l’arrêt en considérant qu’« il n’était pas illégitime de préférer la garantie de paiement des créances à la liberté de navigation des navires commerciaux dont nombre d’entre eux sont exploités par des armateurs notoirement indélicats » (Y. Tassel). La considération paraît assez

dangereuse dans la mesure où elle instaure une présomption de fraude à l’endroit des armateurs.

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Fraude et abus de droit, clefs de lecture de la convention de 1952 ? - C’est encore

la fraude, cette fois aux droits des créanciers qui a servi de motivation à la thèse inverse c’est-à-dire à l’extension de la prohibition de la saisie multiple aux Etats non signataires. Dans une espèce où un créancier d’OW Bunkers avait saisi une première fois le navire aux Etats-Unis et avait obtenu une garantie en contrepartie de la mainlevée, le juge français a considéré que la saisie effectuée en France était caractéristique d’un abus de droit (CA Pau, 2ème Ch. Sec. 1 15 sept. 2015 navire HC

Nadja Maria ; O. Cachard « La lettre ou l’esprit ? » DMF 2016.112). On en conclut

avec M. Ndendé que « les règles juridiques issues de cette convention sont choisies

avec davantage le souci de l’opportunisme devant les situation à régir, que celui de la rigidité des principes fondamentaux ». Il est dès lors aujourd'hui difficile de

déterminer si une saisie effectuée dans un Etat contractant après une saisie obtenue dans un Etat non contractant sera maintenue par le juge français dans la mesure où les tribunaux ont encore tout récemment considéré que « l’existence de la garantie

antérieurement consentie en contrepartie de la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en Tunisie, Etat non signataire de la Convention, ne constitue pas en elle même un obstacle au droit de saisir à nouveau le navire au Havre. En effet l’interdiction édictée par l’article 3§3 de la Convention de 1952 de saisir un navire plus d’une fois dans la même juridiction d’un ou plusieurs Etats contractants pour la même créance et par le même demandeur, est limitée aux saisies pratiquées dans les Etats contractants » (CA Rouen, 17 févr. 2017 navire Alhani DMF 2017.311, obs. G.

Piette).

L’exception de la « raison valable » - Le principe posé par la convention de 1952

comporte une exception : la réitération d’une saisie pour une même créance est possible lorsqu’il y a une « raison valable ». L’insuffisante attention du créancier quant à la détermination du montant de sa créance ne saurait constituer une « raison

valable » selon la cour de cassation (CA Rouen, 2 avril 1992, navire Reppublica-di- Amalfi DMF 1993.245, obs. Y. Tassel). En revanche, le juge a pu refuser la

mainlevée de la seconde saisie lorsque la garantie fournie à l’occasion de la première s’avérait insuffisante pour faire face à la créance litigieuse (Cass. com. 8 mars 2011, navire Indian Empress, DMF 2011.424, rapp. Potocki, obs. Y. Tassel ; Rev. transp. 2011, no 84, obs. M. Ndendé). Toutefois la cour ne s’est pas fondée sur la notion de « raison valable ».

Les précisions apportées par la nouvelle convention - La convention de 1999 a le

mérite de préciser la notion de « raison valable » en indiquant trois situations : celle où la nature ou le montant de la sûreté n’est pas suffisant mais à condition que le

La saisie de soutes 75 montant ne dépasse pas la valeur du navire, celle où la personne qui a déjà constitué la sûreté n’est ou ne paraît pas capable d’exécuter son obligation, et celle enfin où la mainlevée de la saisie ou la libération de la sûreté est intervenue dans une situation dans laquelle il faut exclure l’intention du créancier de renoncer à sa garantie. La convention semble ainsi admettre qu’un créancier puisse procéder à une nouvelle saisie pour une même créance dans la mesure où la première garantie n’a pas été à même de désintéresser le créancier dans la seule limite de la valeur du navire et dans la limite sans doute de la fraude aux droits des créanciers dans le cadre d’une procédure collective.

Absence de prohibition en droit commun - En l’absence de règles équivalentes, la

saisie multiple de soutes peut apparaître comme un palliatif à la faiblesse de la garantie accordée pour les créanciers.

§ 2. La saisie multiple ouverte sans restrictions en matière de saisie de soutes

L’avantage de la saisie de soutes – Le droit commun ne prohibe pas la saisie

multiple. Un créancier pourrait donc à priori procéder à une première saisie des soutes au sein d’une juridiction, obtenir une première garantie puis poursuivre à nouveau le navire dans un nouveau port afin d’obtenir une nouvelle garantie permettant de le désintéresser complètement.

Conclusion : La fixation du montant de la garantie substituant la saisie à la seule

valeur des soutes rend le succès d’une saisie de soutes aléatoire. Cet inconvénient peut toutefois être dépassé par une succession de saisies.

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Titre 2. Efficacité de la saisie de soutes en tant que mesure

d’exécution

L’étude de l’effectivité de la saisie de soutes en tant que mesure d’exécution passe par celle de la saisie-vente des soutes (Chapitre 1). Au lendemain de l’arrêt Res

Cogitans, cette étude ne saurait être complète sans une prise en compte la saisie

revendication (Chapitre 2).

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