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La courbe de dose en profondeur illustrée par la figure1.2montre le grand potentiel des fais-ceaux de protons pour délivrer une dose élevée au volume tumoral tout en épargnant les tissus

CHAPITRE 1. L’ESSOR DE L’HADRONTHÉRAPIE

environnants. Cependant, il s’agit d’une image quelque peu optimiste, car elle ne montre pas les incertitudes inhérentes à la délivrance d’un tel faisceau à un patient. Ce sont ces incertitudes qui représentent un important défi dans le domaine de la protonthérapie. Puisque la fin du parcours des protons correspond à un endroit où le faisceau présente le gradient de dose le plus fort, si on sous-estime le parcours des protons (undershoot), il est possible que le bord distal de la tumeur ne reçoive pas la dose prévue, comme l’indique la figure1.10. En revanche, si on sur-estime le parcours des protons (overshoot), il est possible que les tissus sains et les organes à risques (OAR) reçoivent une dose supplémentaire importante.

FIGURE1.10 – Illustration de l’impact des incertitudes sur le parcours des faisceaux de photons et de

pro-tons. Si une sur-estimation (overshoot) ou une sous-estimation (undershoot) du parcours avec des fais-ceaux de photons n’a pour conséquence qu’une petite différence de dose pour les organes à risque, ce n’est pas le cas pour des faisceaux des protons où la différence est considérable. Figure adaptée de [46].

1.4.1 Sources d’incertitudes

Lorsqu’on veut déterminer le parcours des protons, il existe de multiples sources d’incerti-tudes. Celles-ci ont été examinées par Paganetti [47]. Bien que les différentes sources d’incerti-tudes ne soient pas précisément quantifiables, des estimations raisonnables peuvent être faites.

Une grande partie de ces sources d’incertitudes concernent la mesure du pouvoir d’arrêt à par-tir de la tomodensitométrie du patient. Une conversion doit être effectuée entre les mesures d’at-ténuation des rayons X et le pouvoir d’arrêt des protons. Cependant, les mesures d’atd’at-ténuation des rayons X nécessitent l’utilisation de certaines hypothèses sur la composition et le potentiel d’ionisation des tissus [48]. De plus, une même valeur d’atténuation des rayons X peut corres-pondre à des pouvoir d’arrêt différents. Dans une moindre mesure, les incertitudes liées aux bruit de l’image [49], à l’étalonnage et à la résolution spatiale [50] du balayage CT ont également un impact sur le calcul du pouvoir d’arrêt. La méthode utilisée pour déduire les pouvoirs d’arrêt des protons à partir des unités Hounsfield n’est donc pas exacte.

Paganetti [47] a estimé que l’incertitude sur le calcul du parcours due à ces incertitudes est de ±2,7% du parcours du faisceau dans l’eau pour la plupart des sites tumoraux, évaluée à un niveau de confiance de 1,5σ. En réalité, ces incertitudes peuvent être bien plus grandes pour certains cas particuliers comme lorsque le patient porte des implants métalliques. En effet, ces implants pro-voquent des artefacts qui dégradent la précision de la mesure en unités Hounsfield. En complé-ment, une incertitude aléatoire estimée à ±0,9 mm est attribuée à la reproductibilité du faisceau et au positionnement du patient.

Au-delà de ces incertitudes liées à la détermination des propriétés anatomiques du patient, l’algorithme utilisé pour calculer le parcours des faisceaux de protons peut également être une source d’incertitude. Toutefois, dans des tissus relativement homogènes, l’incertitude

supplémen-taire due au calcul de la dose est presque négligeable. Dans le cas d’interfaces entre tissus de den-sités différentes, le calcul de diffusion des protons est plus compliqué. Les algorithmes de calcul de dose par pencil beam, qui sont couramment utilisés dans les systèmes cliniques actuels, peuvent introduire une incertitude sur le parcours des protons allant jusqu’à environ 2,5% pour des sites de traitement avec des contraintes spécifiques [47]. Enfin, l’évolution anatomique du patient, comme un changement de poids [51], peut également rajouter des incertitudes puisque dans ce cas le plan de traitement initialement prévu ne correspondra plus à l’anatomie réelle du patient pendant le traitement. Enfin le mouvement associé au cycle respiratoire doit également être pris en compte pour le traitement de certaines tumeurs, comme celles de l’abdomen et des poumons.

Selon les sources d’incertitudes prises en compte dans le calcul de la dose par un algorithme analytique, Paganetti [47] estime alors que ce dernier aboutit à une incertitude totale de :

— 2,7% du parcours + 1,2 mm, si l’on exclut les incertitudes dues à la biologie et celles dues aux inhomogénéités latérales.

— 4,6% du parcours + 1,2 mm, si l’on inclut en plus les incertitudes dues aux inhomogénéités latérales. Ce type d’incertitude est particulièrement important pour les cas qui présentent des géométries complexes.

Paganetti [47] souligne qu’en introduisant un calcul de dose par un code Monte-Carlo, cette incertitude totale peut être réduite à 2,4% + 1,2 mm.

1.4.2 Marges de sécurité appliquées au traitement

Les incertitudes ne sont pas devenues problématiques avec la protonthérapie mais font éga-lement partie depuis longtemps du quotidien de la radiothérapie classique par rayons X. Cepen-dant, nous avons pu voir que les distributions de dose délivrées par rayons X sont nettement moins sensibles aux incertitudes que celles obtenues par protons (voir figure1.10). Cette relative insen-sibilité des rayons X a permis de gérer avec succès les incertitudes via des marges calculées selon un formalisme simple développé par le « Netherlands Cancer Institute » (NKI) [52]. En proton-thérapie, comme les aspects géométriques et dosimétriques sont indissociables, ce formalisme a été adapté pour tenir compte des incertitudes sur la position des OAR et des incertitudes liées à l’imprécision sur les données physiques nécessaires pour prédire la profondeur de parcours en ajoutant une marge de sécurité supplémentaire.

Concrètement pour être sûr de couvrir entièrement la tumeur avec la dose prescrite, lors de la conception du plan de traitement, la partie distale du faisceau est positionnée au-delà de la partie distale de la tumeur, comme on peut le voir sur la figure1.11où la partie distale du faisceau est représentée par une ligne pointillée verticale. On peut noter que comme une partie des incerti-tudes sont aléatoires, le positionnement de la partie distale du faisceau est en réalité une position moyenne.

Afin de préserver les OAR présents autour de la tumeur, les incertitudes de parcours doivent également être prises en compte lors du choix des directions d’irradiation de la cible. Si un OAR est situé juste après la cible dans la direction du faisceau, une marge est nécessaire pour s’assurer que le faisceau n’atteindra pas cet OAR. Cette marge est également dessinée sur la figure1.11. Ainsi, pour pouvoir concevoir un plan de traitement avec un faisceau dans la direction de l’OAR, une importante séparation peut être nécessaire entre la tumeur et l’OAR.

En réalité, en raison du gradient de dose distal fini ou la présence d’autres organes voisins, il est généralement nécessaire de trouver un compromis entre la couverture de la tumeur et la mini-misation de la dose aux OAR et aux tissus sains. En effet, comme on peut le constater sur la figure 1.12qui présente trois différentes stratégies présentant différents compromis pour concevoir un plan de traitement, il apparait nettement moins risqué d’utiliser plusieurs faisceau pour couvrir la tumeur.

Néanmoins on peut remarquer que si l’utilisation de plusieurs faisceaux opposés permet de couvrir entièrement la tumeur, sans exposer les OAR, cette stratégie peut délivrer une forte dose

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aux tissus sains. Dans ce cas, compte tenu des faibles pénombres latérales des faisceaux de pro-tons, il peut être plus intéressant d’utiliser ce que l’on appelle un « patch » (figure1.12c). Lorsque la forme de la tumeur est complexe et « entoure » un OAR, la tumeur va être traitée en deux mor-ceaux, pour protéger au maximum l’OAR. Ce type de stratégie reste néanmoins sensible aux in-certitudes sur le parcours des protons en raison des gradients de dose potentiellement importants des champs individuels qui sont supposés « patcher » les gradients de dose latéraux des autres faisceaux.

Dans certains cas, il peut donc ne pas être possible de pouvoir concevoir un traitement cli-nique avec les marges appliquées en routine clicli-nique. De plus, on peut noter que, pour certaines tumeurs, des marges supplémentaires peuvent alors être ajoutées en raison de la difficulté d’im-mobilisation et d’installation du patient, ou en raison du mouvement du patient pendant le trai-tement rendant encore plus délicat la conception d’un plan de de traitrai-tement.

FIGURE 1.11 – Pour être sûr de couvrir entièrement la tumeur en dose, lors de la conception du plan de

traitement, la partie distale du faisceau est positionnée au-delà de la partie distale de la tumeur. Dans le même temps, le plan de traitement est également conçu pour minimiser la dose déposée sur les OAR, en imposant une marge entre la position moyenne de la partie distale du faisceau et un OAR en aval. Si l’OAR est situé plus près de la cible, il peut ne pas être cliniquement possible d’utiliser un faisceau dans cette direction.

FIGURE1.12 – Illustration de trois différentes stratégies de planification de traitement en protonthérapie et de leur éventuelle sensibilité aux incertitudes sur le parcours des faisceaux de protons. Figure adaptée de [46].

1.4.3 Impact clinique et contrôle qualité

Concevoir un plan de traitement de protonthérapie robuste face à l’incertitude sur le calcul du parcours moyen des protons a un coût. En effet, en raison des marges à prendre lors de la conception des plans de traitement, une dose supplémentaire est administrée au patient.

Ainsi, la capacité à pouvoir valider l’exactitude d’un plan de traitement sera particulièrement importante pour faire reconnaître et accepter la protonthérapie pour de nombreuses indications. Bien que la précision des systèmes médicaux modernes pour délivrer le faisceau de protons soit exceptionnellement élevée, l’exigence de conformité en thérapie protonique est beaucoup plus stricte qu’en radiothérapie conventionnelle.

Toute erreur sur le parcours peut emmener à délivrer aux tissus sains une dose potentielle-ment très importante ou entraîner une sous-dose importante dans le volume tumoral. La préven-tion de telles erreurs dans la protonthérapie est cruciale pour minimiser les complicapréven-tions tout en maintenant le contrôle de la tumeur. L’utilisation des protons en thérapie est une arme à double tranchant : la caractéristique même qui la rend favorable au traitement des tumeurs, à savoir le profil du pic de Bragg en fin de parcours, est la même qui autorise une faible marge d’erreur.

De plus, même si nous avons vu que les incertitudes dans le positionnement du patient, les paramètres de faisceau et les calculs de planification de traitement ne dépassent généralement pas les 3% [47], il est possible que la dose effectivement administrée s’écarte fortement de la dose attendue en raison de changements dans la morphologie du tissu avant irradiation.

De tels changements peuvent survenir à la suite d’un mouvement de l’organe, du remplissage d’une cavité ou d’une réduction (ou d’une augmentation) du volume de la tumeur. Étant donné que les plans de traitement sont généralement fondés sur une seule tomodensitométrie (TDM) à rayons X effectuée au début du traitement et que les schémas de traitement sont habituellement fractionnés sur plusieurs semaines, ces changements quotidiens de la morphologie peuvent ne pas être contrôlés et entraîner de plus importantes erreurs sur la dose administrée que celles qui sont habituellement observées.

Par conséquent, en protonthérapie, il est particulièrement important de pouvoir contrôler la qualité du traitement afin de pouvoir utiliser ce type de thérapie à son potentiel maximum. Dans le contexte de cette thèse,le contrôle qualité est défini comme étant toute technique qui permet de s’assurer in-vivo que le traitement délivré est conforme au plan de traitement.