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La plupart des traitements de radiothérapie consistent à fractionner le traitement en plu-sieurs séances. La dose standard administrée par séance est d’environ 2 Gy à la tumeur, bien que pour certains traitements, des doses plus élevées soient utilisées en contrepartie d’un nombre de séances réduit. Pour chaque séance, plusieurs faisceaux sont émis depuis différentes positions

pour irradier la tumeur. Cette section donne un aperçu des méthodes de planification et de distri-bution des faisceaux de protons cliniques.

1.3.1 Planification du traitement

Semblable à la radiothérapie conventionnelle, un traitement de protonthérapie est basé sur un plan de traitement soigneusement conçu pour chaque patient. Pour le plan de traitement, une tomodensitométrie (CT) est obtenue avec le patient dans la même position que celle utilisée pen-dant le traitement. Selon la prescription du médecin, un système de planification du traitement est ensuite utilisé pour concevoir des faisceaux de protons qui, ensemble, offrent un bon compro-mis entre une distribution de dose sur tout le volume tumoral et la minicompro-misation de la dose pour les organes à risque. Pour la tumeur, l’objectif est généralement de créer un volume de dose élevée et uniforme. Dans le cas des organes à risque, la tolérance à la dose varie selon le type d’organe et l’historique d’exposition aux radiations du patient.

Différentes options existent pour concevoir des traitements de protonthérapie :

— Chaque faisceau peut délivrer une dose uniforme à la tumeur, semblable au faisceau de protons illustré à la figure1.2.

— Une autre option consiste à utiliser des faisceaux supplémentaires qui délivrent chacun une dose uniforme à une partie différente de la tumeur. Cette option donne plus de possibilités pour épargner les organes à risque, surtout si la tumeur est partiellement enroulée autour d’un tel organe [35].

— Enfin, chaque faisceau peut fournir une distribution de dose non homogène, optimisée pour la tumeur. Cette dernière option est une technique connue sous le nom de protonthéra-pie avec modulation d’intensité (IMPT) [36]. La dose délivrée par l’ensemble des faisceaux donne alors la dose uniforme souhaitée. La modulation d’intensité offre une grande liberté pour optimiser au mieux le plan de traitement. En raison de la complexité de l’optimisation, ce processus est assisté par des algorithmes informatiques certifiés.

La conception de plans de traitement protons nécessite impérativement de déterminer avec précision le parcours moyen du faisceau de protons. Pour cela, les valeurs du pouvoir d’arrêt des protons doivent être déterminées en fonction de l’anatomie du patient. Un algorithme de conver-sion est alors utilisé pour déterminer les valeurs du pouvoir d’arrêt à partir d’un scan CT et de valeurs tabulées de la composition des tissus humains [37].

Ainsi, compte-tenu de la physique qui régit les interactions entre les protons et la matière, de la nécessité de s’assurer que les protons auront une énergie initiale suffisante pour qu’ils puissent atteindre la tumeur et de l’anatomie inhomogène propre à chaque patient, il est obligatoire d’étu-dier pour chaque patient un plan de traitement spécifique.

1.3.2 Accélération et distribution du faisceau

Pour la plupart des tumeurs, les médecins demandent que l’intensité du faisceau de protons puissent atteindre un débit minimum de 2 Gy.min−1. Ce débit de dose est voulu par les médecins pour minimiser le temps pendant lequel le patient doit rester immobilisé et maximiser l’intervalle de temps entre deux séances de traitement.

Cependant la radiobiologie des protons reste peu étudiée en comparaison de la radiothéra-pie conventionnelle et les résultats sont très parcellaires. Il est fortement possible qu’à l’avenir ce débit de dose soit revu en fonction des conclusions des études qui visent à évaluer l’impact sur l’efficacité du traitement d’une modulation de ce débit de dose.

Pour obtenir cette intensité de faisceau, la méthode la plus commune consiste à accélérer des protons à l’aide d’un cyclotron isochrone ou d’un synchrocyclotron. Le premier a l’avantage de fournir une intensité de faisceau plus stable et le deuxième peut accélérer d’autres particules que les protons sur un plus large domaine d’énergie. Néanmoins ces accélérateurs nécessitent l’utili-sation d’aimants supraconducteurs lourds et coûteux.

CHAPITRE 1. L’ESSOR DE L’HADRONTHÉRAPIE

On peut également noter que d’autres méthodes moins conventionnelles suscitent de l’intérêt [38] :

— Le cyclinac, combinaison d’un cyclotron (60 MeV) et d’un accélérateur linaire (60 à 200 MeV) [39] ;

— Les accélérateurs à champ fixe et gradient alterné (FFAG), hybrides entre un synchrocyclo-tron et un cyclosynchrocyclo-tron [40] ;

— L’accélération de protons par l’interaction de lasers ultra-intenses avec une cible solide [41]. Plus précisément, c’est par la focalisation d’une impulsion laser très intense sur une cible mince solide qu’on provoque une expulsion d’électrons et d’atomes ionisés, tels que des protons, avec une énergie liée à la puissance de l’impulsion ;

— L’accélérateur linéaire compact à paroi diélectrique (DWA) où l’accélération des protons est obtenue par un champ électrique non stationnaire généré dans plusieurs cellules compo-sées de diélectriques [42].

Ces autres méthodes ont en commun de vouloir améliorer la structure temporelle du faisceau délivré, en proposant de meilleurs débits de dose et un temps réduit pour faire varier l’énergie des protons. Les deux premières méthodes ont l’avantage de pouvoir délivrer un faisceau (quasi) continu et les deux dernières de proposer un système économique (prix divisé par deux) et com-pact en terme de poids et d’espace. Toutefois, en particulier pour les deux dernières, des déve-loppements restent encore nécessaires pour maitriser la stabilité et le positionnement du faisceau délivré.

Un seul accélérateur de protons peut desservir une à cinq salles de traitement. Un traitement ne peut avoir lieu que dans une seule salle à la fois. Les salles de traitement peuvent être conçues de deux manières différentes : soit avec des faisceaux fixes pour des traitements spécifiques, soit avec des faisceaux à angles multiples. Ces derniers, obtenus à l’aide d’un bras isocentrique rotatif, permettent aux médecins de personnaliser au mieux le traitement des patients [38]. Le transport du faisceau de protons, de l’accélérateur de particules vers la salle de traitement s’effectue à l’aide d’aimants.

Pour mettre en forme le faisceau délivré, il existe actuellement principalement deux méthodes : une première dit de « diffusion passive » et une autre, active, dite de balayage ou « Pencil Beam Scanning » (PBS).

1. Diffusion passive : La diffusion passive d’un faisceau de proton d’énergie fixe, illustrée par la figure1.9a, est la méthode standard de création d’un pic de Bragg étalé. Un faisceau de pro-tons à énergie fixe pénètre dans la tête de traitement, dans laquelle une série de dispositifs mécaniques modulent l’énergie et élargissent le faisceau [43]. Combinée à un compensa-teur de parcours et à un collimacompensa-teur dont le diamètre d’ouverture est usiné sur mesure pour chaque taille de champ de traitement, cette méthode bien établie fournit un faisceau qui est précisément formé au bord distal de la tumeur. Comme la largeur de modulation d’énergie du faisceau de protons est constante dans l’ensemble du champ, l’étendue de la profondeur de la zone de forte dose est fixée pour chaque faisceau. Par conséquent, la diffusion pas-sive ne peut pas entièrement conformer la zone à forte dose du côté proximal de la tumeur. Les neutrons induits par les interactions des protons avec les dispositifs de diffusion et de collimation sont également un inconvénient important [44].

2. Balayage ou Pencil-beam scanning (PBS) : Le balayage est une méthode plus récente qui utilise des faisceaux de protons d’énergies différentes directement sur la cible [45]. Une dis-tribution de dose tridimensionnelle est créée en balayant avec un système d’aimants le fais-ceau dans un plan jusqu’à l’extension du volume cible, tout en modifiant l’énergie des pro-tons pour irradier à de multiples profondeurs. D’une manière plus concrète, l’énergie du faisceau est modulée pour irradier la tumeur « en tranche » ou encore en « couche », chaque tranche correspondant à une énergie des protons. En outre, au niveau de chaque tranche, la tumeur est irradiée par des spots dont la surface est fixe, mais dont le dépôt d’énergie est variable. L’irradiation commence par la couche la plus profonde pour atteindre la couche

la plus superficielle. Chaque dépôt d’énergie prend en compte les dépôts d’énergie précé-dents. Le principe du PBS est illustré sur la figure1.9b.

Par rapport à la diffusion passive, le balayage par PBS offre plus de liberté, et permet à la répartition de la dose de se conformer aux surfaces proximale et distale de la cible. Un autre avantage est la réduction de la production de neutrons. Pour la protonthérapie à modulation d’intensité, le PBS est une condition sine qua non. La possibilité de modifier la dose délivrée pour chaque point permet d’obtenir des distributions de dose non homogènes. Toutefois le mouvement des organes doit être pris en compte pour que le PBS soit efficace.

(a) Principe de la distribution de la dose par technique passive. Le faisceau traverse un collimateur pour s’adapter à la forme de la tumeur, puis il traverse un compensateur afin d’irradier la tumeur de manière homogène. Adapté de [13].

(b) Principe du Pencil Beam Scanning (PBS), ou distribution de dose par technique active : le faisceau tra-verse un modulateur qui permet le choix de l’énergie, donc de la couche à traiter, puis passe à travers deux couples d’aimants, qui donnent l’orientation verticale et horizontale du spot. Adapté de [10].

FIGURE1.9 – Distribution de faisceau par technique passive et active. Le balayage par PBS présente

plu-sieurs avantages par rapport à la diffusion passive, notamment (1) Haute efficacité du faisceau ; (2) Cou-verture uniforme des tumeurs de forme complexe ; (3) Adaptation quotidienne du plan de traitement ; (4) Aucune dose supplémentaire dans la région proximale ; (5) Aucun besoin de bolus et de collimateurs mul-tilames ; (6) Production réduite de neutrons.