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3. Résultats

3.4. Synthèse des données recueillies

3.4.1. Impossible d’établir des recommandations « evidence based »

Les recommandations actuelles découlent le plus souvent d’extrapolation de la physiopathologie et des quelques études publiées dans la littérature (26)(56)(57)(75), voire de l’expérience des auteurs (26).

Les auteurs en précisent bien les limites : peu d’études sont disponibles sur cette thématique (50)(51)(55)(57) et il n’y a aucune donnée concernant les pathologies instables (55). Les quelques études interventionnelles publiées incluent un faible échantillon de patients, avec des pathologies à un stade modéré et parfaitement stabilisées.

Maladies coronariennes :

Seulement 3 études interventionnelles, avec des objectifs et des protocoles différents répondent de manière rigoureuse à nos critères (analyse détaillée en annexe 10). Il est difficile de tirer des conclusions à partir de ces petites études comportant de nombreux biais mais les résultats semblent rassurants quant au risque engendré par l’exposition à l’altitude chez les cardiaques.

L’équipe de Wyss (69) a mené une étude interventionnelle avec groupe contrôle étudiant la

réserve coronaire chez des patients avec une cardiopathie ischémique, en comparaison avec des sujets sains, dans le but de traquer des éventuels épisodes d’ischémie infra-clinique.

La réserve coronaire est définie comme le ratio du débit sanguin myocardique au cours d’une hyperémie induite de manière pharmacologique (stress adénosique) sur le débit sanguin

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myocardique de repos, ces débits sanguins étant mesurés à l’aide de techniques de médecine nucléaire (tomoscintigraphie par émission de positons (TEP)). Ils ont observé une baisse de 18% de la réserve coronaire induite par l’exercice chez des patients avec une maladie coronarienne stable, à une altitude simulée de 2500 m, tandis que cette réserve coronaire reste la même chez les sujets sains à une altitude simulée de 4500 m.

Dans leur étude interventionnelle en ouvert, se rapportant à 22 sujets porteurs d’une coronaropathie, Schmid et al (68) ont étudié l’adaptation cardiopulmonaire à la haute altitude en cas de cardiopathie ischémique. Vingt-deux patients, aux antécédents de maladie coronarienne à faible risque (antécédents d’infarctus du myocarde avec ou sans élévation du segment ST, traités par angioplastie ou pontage avec FEVG conservée) ont participé à l’étude. Le protocole comprenait une première épreuve d’effort à 540 m, puis une deuxième épreuve d’effort réalisée à 3454 m d’altitude, à l’intérieur d’un complexe touristique, durant une

courte excursion de 4 heures à 3454 m (montée passive en cabine). Le traitement par béta- bloquants avait été suspendu 5 jours avant l’épreuve d’effort et pendant toute la durée de l’étude. Au cours de l’épreuve d’effort en altitude, il n’y a pas eu d’ischémie myocardique ou d’arythmie. Par contre, une diminution de la consommation maximale d’oxygène et de la durée et l’intensité de l’exercice a été observée. Les auteurs concluent à partir des résultats de

cette étude, qu’une ascension rapide suivie d’un exercice sub-maximal à 3454 m d’altitude est sans danger, six mois après une revascularisation pour un événement coronaire aigu, chez des patients à faible risque, avec une épreuve d’effort normale à faible altitude.

L’équipe de De Vries (67) a mené une étude, dans le but d’évaluer l’impact de la haute

altitude sur la morphologie et la fonction cardiaque chez les patients porteurs de coronaropathies. Huit patients aux antécédents d’infarctus du myocarde, issus d’un groupe à faible risque, ont été comparés à 7 sujets sains contrôles, au cours de la « Dutch Heart

62 Expedition » à l’Aconcagua (6960 m), en Argentine en 2007. Une épreuve d’effort et une

échographie cardiaque ont été réalisées au niveau de la mer et au camp de base (4200 m d’altitude). Aucun patient n’a présenté des symptômes d’ischémie ou d’insuffisance cardiaque durant toute l’excursion (ascension et épreuve d’effort). Il n’y a pas eu de différences

significatives dans la FEVG globale à l’échelle individuelle et dans le score de contractilité myocardique régionale (wall motion score index = WMSI), marqueur d’ischémie, en haute altitude, par rapport au niveau de la mer, et ce, dans les 2 groupes. Une augmentation significative du diamètre du ventricule droit (VD) a été observée dans le groupe patient à 4200 m, par rapport au niveau de la mer, reflétant l’augmentation de la pression artérielle

pulmonaire. Les variations du diamètre du VD semblent identiques dans le groupe contrôle. Les auteurs concluent que les symptômes et les signes échographiques d’ischémie myocardique étaient absents chez les patients à faible risque avec un antécédent de maladie coronarienne pendant ou après l’effort, jusqu’à une altitude de 4200 m. Les patients et les

sujets contrôles sains ont présenté les mêmes modifications écho-cardiographiques suite à l’exposition à la haute altitude. Il semble sans danger pour les patients aux antécédents de

maladie coronarienne, avec une FEVG conservée, appartenant à un groupe à faible risque, de faire une ascension à 4200 m, après une période d’acclimatation correctement respectée. Les auteurs précisent néanmoins, qu’une étude à plus grande échelle est nécessaire…

Asthme :

Les 5 études répondant à nos critères d’inclusion sont des études interventionnelles en ouvert

de faible puissance, avec de nombreux facteurs de confusion non pris en compte (notamment l’administration des traitements au cours de l’étude), qui étudient des sujets volontaires et

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L’équipe de Louie (74) en 2004 s’est intéressée à l’éventuel effet bronchoconstricteur induit par l’exposition à la haute altitude, à travers ses analyses réalisées au cours d’un trek de 2 semaines dans l’Himalaya. Les auteurs n’ont pas observé de diminution surajoutée du DEP en haute altitude chez l’asthmatique, mais il existe une diminution des valeurs de SaO2, qu’ils

expliquent par une probable bronchoconstriction induite par l’altitude. Quelques années plus tard, Bernsten nous propose une nouvelle étude en hypoxie simulée pour étudier l’effet de l’hypoxie d’altitude sur l’hyperréactivité bronchique induite à l’exercice chez des sujets asthmatiques. Les résultats sont discutables mais ne semblent pas en faveur d’une majoration de la bronchoconstriction induite par la simple exposition à l’altitude.

Stokes (73) en 2008 nous rapporte une étude qui étudie les variations des paramètres physiologiques et spirométriques, la survenue d’un MAM, et la détérioration du contrôle de l’asthme, chez des asthmatiques réalisant l’ascension du Kilimanjaro (5895 m), comparés à

des sujets contrôles. Une autre étude avec un protocole comparable a été menée par l’équipe de Huisman (72), lors d’une ascension au pied de l’Everest (6410 m). Vingt-quatre sujets porteurs d’un asthme modéré et bien contrôlé ont participé à cette expédition nommée « De

Ice ». La fonction pulmonaire de ces sujets et les symptômes d’asthme ont pu être évalués au

fur et à mesure des 2 semaines d’ascension, à diverses altitudes, avec des mesures jusqu’à

6410 m. Trois patients asthmatiques ont même atteints une altitude de 7066 m. Les sujets asthmatiques ont été comparés à un groupe contrôle de sujets sains, constitué par les accompagnateurs du trek. Les principaux résultats observés sont : une diminution du VEMS et de la CVF, à la fois chez les asthmatiques et les témoins, sans modification significative du rapport de Tiffeneau (VEMS/CV). Dans les 2 groupes, les valeurs du DEP augmentent avec l’altitude. Il n’existe pas de différence entre les 2 groupes concernant les paramètres

spirométriques mesurés. Les symptômes d’asthme n’ont pas été modifiés avec l’altitude. Seul un sujet asthmatique a présenté un MAM modéré selon le score de Lake louise.

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Plus récemment, Seys (71) a publié une étude sur les effets de la haute altitude et de l’exposition au froid sur l’inflammation des voies aériennes chez les sujets asthmatiques, avec

des mesures du NO exhalé et une analyse des expectorations, marqueurs de l’inflammation bronchique.

Les résultats sont parfois discordants mais le message de toutes ces études est en faveur du caractère sans danger d’un séjour en haute altitude chez un sujet asthmatique.

Malgré l’absence de publications de haut niveau de preuve pour établir des recommandations,

nous pouvons tout de même étudier l’opinion des auteurs par rapport à notre problématique.

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