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2. Les astrocytes en conditions pathologiques

3.3. c Importance de la neuroinflammation

La neuroinflammation est une caractéristique commune à de nombreuses conditions pathologiques aigües comme neurodégénératives. Elle implique les astrocytes, la microglie et les cellules immunitaires du système périphérique, qui peuvent agir soit à distance, soit en infiltrant le SNC.

Les différents partenaires de la neuroinflammation

Les astrocytes réactifs

Bien que certains astrocytes réactifs soient observés autour des DNF formant ainsi une couronne

(Bouvier et al., 2016), ils sont essentiellement observés autour des plaques amyloïdes chez l’Homme

et les modèles animaux de la MA (Figure 4). Cependant, les plaques amyloïdes ne sont pas systématiquement entourées par des astrocytes (Simpson et al., 2010).

Des astrocytes atrophiés peuvent aussi être observés à distance des plaques dans certains modèles murins de la MA (Olabarria et al., 2010). De plus, des études montrent que la réactivité astrocytaire peut être observée avant la formation des plaques dans des modèles murins de la MA (Heneka et al.,

2005). Grâce à des études par TEP avec des traceurs spécifiques des astrocytes réactifs, il a été

montré que les astrocytes deviennent réactifs à des stades très précoces de la maladie, voire même avant l’apparition des symptômes (Carter et al., 2012 ; Rodriguez-Vieitez et al., 2016). Les astrocytes réactifs pourraient donc jouer un rôle dans l’initiation et la progression de la MA.

La microglie réactive

Décrites pour la première fois en 1920 par Del Rio Hortegua, les cellules microgliales sont les cellules immunitaires du SNC, présentant d’importantes capacités migratoires et phagocytaires (Heneka et

al., 2014). L’origine de ces cellules est déterminée depuis peu. Elles proviennent de progéniteurs

erythromyéloïdes du sac vitellin, qui entrent dans le cerveau où ils se différencient en cellules microgliales (Ginhoux et al., 2010). Elles constituent une population dynamique qui scanne l’environnement en continu grâce à leurs nombreux prolongements ramifiés et qui interagit finement avec les neurones (Li et al., 2012).

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La réactivité microgliale peut être induite par des « Pathogen associated molecular patterns » (virus,

bactéries, champignons, parasites) et des « Danger associated molecular patterns », dont l’Aβ, induisant de multiples cascades pro-inflammatoires et conduisant à la formation de l’inflammasome et à la production de cytokines (Venegas and Heneka, 2017 ; Publication 4 en annexe). Cette réactivité se traduit par des changements morphologiques : elle passe d’une morphologie très ramifiée à une morphologie dite amiboïde, présentant de très courts et fins prolongements (Figure

14). Une fois sous forme amiboïde, la capacité migratoire de la microglie est réduite (Lively and Schlichter, 2013), contrairement à son activité phagocytaire qui est augmentée (Hickman et al., 2008).

Dans la MA, la microglie réactive est essentiellement positionnée autour des plaques amyloïdes

(McGeer et al., 1988) mais ne semble pas s’organiser spécifiquement autour des DNF (Bouvier et al., 2016). La microglie est donc positionnée en première ligne pour dégrader les plaques amyloïdes (Cf §4.4).

Figure 14 : Les changements morphologiques de la microglie reflètent son activation.

A) Morphologie classique d’une cellule microgliale IBA1+ (rouge) homéostatique dans l’hippocampe de souris sauvage, B) Morphologie amiboïde caractéristique de l’activation de la microglie, observée notamment à proximité des plaques amyloïdes (bleu) dans le modèle 3xTg-AD, modèle de la MA. Echelle = 10 µm.

La microglie réactive est couramment classée en deux catégories : M1, pro-inflammatoire et M2, anti-inflammatoire (Varnum and Ikezu, 2012). Bien qu’une transition du phénotype M2 vers le phénotype M1 au cours de la maladie soit souvent proposée, cette classification fait l’objet de forts débats puisque l’activation microgliale apparait plutôt sous de multiples états qui dépendent du contexte pathologique précis (Lire Ransohoff, 2016 pour une discussion complète).

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Figure 15 : L'activation des DAM se produit en deux étapes.

Illustration schématique des stades d’activation des DAM, observées notamment autour des plaques amyloïdes. Chaque stade se caractérise par une modulation de l’expression de multiples gènes dont les gènes clés sont présentés ici. Les flèches vertes représentent une diminution de l’expression, les flèches rouge symbolisent une augmentation (Keren-Shaul et al., 2017). Abréviations : AD = Alzheimer’s disease, ALS = Amyotrophic lateral sclerosis, DAM = Disease-associated microglia.

Une étude très récente a mis en évidence une nouvelle catégorie de microglie, dynamique au cours de la MA, basée sur leur profil d’expression génique : les DAM (Disease-associated microglia) (Keren-

Shaul et al., 2017). Elles sont retrouvées essentiellement autour des plaques amyloïdes dans un

modèle murin transgénique de la MA, mais elles ont également été observées chez les patients et dans d’autres pathologies, comme la sclérose latérale amyotrophique. Les DAM apparaissent via deux stades d’activation (Figure 15). Le premier stade est indépendant de Trem2 (Triggering receptor expressed on myeloid cells 2), récepteur majoritairement microglial, impliqué dans l’inflammation et la phagocytose (Ulrich et al., 2017). A ce stade, on observe une diminution de certains gènes comme « C-X3-C motif chemokine receptor 1 » ou Tmem119 (Transmembrane protein 119 precursor) mais aussi la surexpression de gènes liés à la MA comme Apoe (Apolipoprotéine) et Tyrobp (TYRO protein tyrosine kinase-binding protein). Le second stade d’activation des DAM est Trem2-dépendant et se caractérise par une surexpression de gènes liés à l’inflammation comme Ccl6 (C-C chemokine ligand 6) ou à la phagocytose tels que Ctsl (Cathepsine l). Cette nouvelle classe a été complétée par une seconde étude transcriptomique qui a mis en évidence deux autres classes de cellules microgliales en fonction du stade (précoce ou tardif) de la MA. La microglie étudiée à un stade précoce présente un profil transcriptionnel différent des DAM de stade 1, et pourrait correspondre à un stade plus « naïf ». Par contre, la microglie étudiée à un stade tardif a un grand nombre de gènes communs avec les DAM2 (Mathys et al., 2017). Ces données suggèrent donc la présence de différents types de cellules microgliales, évoluant au cours de la pathologie et appuient le fait que la classification M1/M2 n’est pas suffisante.

Les cellules immunitaires du système périphérique

Il existe deux types de réponses immunitaires : innée et adaptative. Dans le cerveau, la réponse innée est médiée par la microglie. Le SNC possède également des cellules myéloïdes non

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microgliales, dont les macrophages méningiaux et les macrophages des plexus choroïdes, qui ne sont

pas présents dans le parenchyme cérébral en conditions physiologiques (Figure 16). La réponse immunitaire adaptative se caractérise principalement par la participation des LT (lymphocytes T) et des LB (lymphocytes B). Les LT sont responsables de la réponse cellulaire (reconnaissance de l’antigène) alors que les LB sont responsables de la réponse humorale (production des anticorps suite à la reconnaissance d’un antigène). Des lymphocytes sont observés dans les méninges (Figure 16) et pourraient influencer les fonctions de cerveau sans même entrer dans le parenchyme cérébral.

Figure 16 : Localisation des cellules immunitaires au niveau du SNC en conditions physiologiques.

Les leucocytes (granulocytes, lymphocytes T et B) restent dans les vaisseaux sanguins et n’entrent pas dans le parenchyme cérébral en conditions physiologiques. Les cellules immunitaires dans le SNC incluent la microglie, présente dans le parenchyme, et les macrophages non parenchymateux (macrophages périvasculaires, méningiaux et des plexus choroïdes) (Prinz and Priller, 2017). Abréviations : CSF = Liquide céphalo-rachidien, CD4+ T cell = Lymphocytes T CD4+, DC = Cellules dendritiques.

Au cours de la progression de la MA, la BHE subit de nombreuses modifications dont une augmentation de sa perméabilité (Bowman et al., 2007), notamment due à l’altération des cellules endothéliales par l’Aβ ou par certaines cytokines (Desai et al., 2002). Cette altération de la BHE permet l’entrée de multiples substances neurotoxiques comme des cytokines pro-inflammatoires libérées par les cellules immunitaires périphériques (Persidsky et al., 2006), voire l’entrée des cellules elles-mêmes dans le SNC (Cf §4.3).

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Inflammation et MA : apport des études génétiques

Des études épidémiologiques suggèrent un rôle prépondérant de l’inflammation dans la MA et sont à la base des essais cliniques ciblant la neuroinflammation (Pour plus de détails, voir §3.4.b).

Néanmoins, la recherche sur la réponse inflammatoire dans la MA s’est intensifiée récemment depuis l’avancée des études génétiques. En effet, de nombreux facteurs de risques génétiques identifiés par les études d’associations génétiques (GWAS) sont liés au système immunitaire. Ces gènes incluent : Clusterine, « Complement component 3b/4b receptor 1 » tous deux impliqués dans la cascade du complément, « Major histocompatibility complex, class II - DR 5β » impliqué dans la présentation d’antigènes, Il-6, Il-1β, Il-10, Ccl2, Ccl3, codant pour des cytokines et chemokines, etc.

(López González et al., 2016).

D’autres facteurs de risques pour la MA pointent vers les cellules gliales comme ApoEε4 et TREM2. L’allèle ε4 du gène Apoe (ApoEε4) est le plus grand facteur de risque pour la MA, contrairement à l’allèle ε2 qui est protecteur. L’allèle ε4 augmente de 3 à 4 fois le risque de développer cette pathologie (Corder et al., 1993). Les astrocytes expriment fortement ApoE, qui transporte le cholestérol des astrocytes aux neurones (Bu, 2009). Ceci suggère donc un rôle important des astrocytes dans la MA. La découverte récente d’une mutation rare sur le gène TREM2 (mutation R47H), qui augmente de 3 à 5 fois le risque de développer tardivement la MA, a renforcé le rôle de la microglie dans la MA (Guerreiro et al., 2013; Jonsson et al., 2013). TREM2 est l’un des récepteurs transmembranaires les plus exprimés par la microglie (jusqu’à 300 fois plus que dans les astrocytes)

(Hickman and El Khoury, 2014). L’hypothèse la plus évidente est donc que la mutation R47H entraine

une diminution de la phagocytose microgliale, induisant une augmentation de la charge amyloïde. Un partenaire de TREM2, nommé TYROBP ou DAP12, est également au cœur des recherches actuelles. Une analyse d’expression génique sur le génome entier de patients atteints de la MA a mis en avant un module, groupant essentiellement des gènes de l’immunité innée, qui corrèle avec la maladie

(Zhang et al., 2013). TYROBP apparaît comme le meilleur régulateur de ce module. Une étude

récente suggère que de rares variants de Tyrobp pourraient augmenter le risque de développer une forme précoce de la MA (Pottier et al., 2016 ; Cf Ulrich et al., 2017 pour une revue détaillée sur le rôle

de TREM2 dans la MA).

De plus, le sexe est un facteur de risque majeur dans la MA (Incidence plus forte chez les femmes ;

Gao et al., 1998). Plusieurs études mettent en avant des différences morphologiques et fonctionelles

des cellules impliquées dans l’inflammation, dont les astrocytes et la microglie, au cours du développement mais également chez l’adulte (Cf Schwarz and Bilbo, 2012 ; Nelson and Lenz, 2017

pour revues). Une plus forte inflammation est d’ailleurs observée chez la femme après la ménopause,

probablement due aux modifications hormonales (Uchoa et al., 2016). Ces données suggèrent donc également un rôle de l’inflammation dans la susceptibilité des femmes à développer la MA.

Enfin, d’autres études basées sur la modulation de l’inflammation dans les modèles animaux de la MA mettent en avant son rôle dans la MA. Ces études, directement en lien avec mon projet de thèse, seront discutées dans le chapitre 5.

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La pathologie amyloïde, la pathologie Tau et la neuroinflammation, tous les trois centraux dans la MA

sont donc ciblés par les nombreux essais cliniques en cours.

Traitements et essais cliniques

3.4.

Il n’y a à l’heure actuelle aucun traitement curatif de la MA. L’enjeu social et économique que représente la MA a conduit à plus de 200 essais thérapeutiques. La moitié de ces essais ont déjà été arrêtés pour cause d’inefficacité ou d’effets secondaires trop importants (Source : Alzforum.org). Pour qu’un médicament soit mis sur le marché, au moins une amélioration sur un test de mémoire doit être observée ainsi qu’une amélioration de la vie quotidienne du patient. Seuls cinq essais cliniques ont été à ce jour approuvés, procurant seulement des traitements symptomatiques pour les patients présentant des altérations cognitives modérées.

3.4.a. Traitements symptomatiques disponibles

Les quatre molécules (Donepezil, Galantamine, Rivastigmine et Tacrine) actuellement disponibles visent le système cholinergique, dont les efférences arrivent dans le néocortex et l’hippocampe. Ce système est fortement impliqué dans les processus de mémoire et subit une importante dégénérescence chez les patients atteints de la MA (Schliebs and Arendt, 2006). L’objectif de nombreux essais est de favoriser la neurotransmission cholinergique limitant la dégradation de l’acétylcholine, neurotransmetteur produit par les neurones cholinergiques et donc déficitaire dans la MA. La Tacrine est le premier inhibiteur de l’acétylcholinestérase mis sur le marché. Il est depuis majoritairement retiré à cause de ses effets secondaires trop importants sur le foie. Le Donepezil, la Galantamine, la Rivastigmine et la Tacrine améliorent modestement et temporairement la cognition des patients (Blennow et al., 2006).

La cinquième molécule, la Mémantine, est un antagoniste non compétitif, avec une affinité faible à modérée des récepteurs au glutamate de type NMDA (N-méthyl D-aspartate). Elle bloque ainsi l’hyperactivité des récepteurs NMDA observée chez les patients (Cf §4.1.a), sans bloquer leur activité normale, évitant l’excitotoxicité du glutamate (Nyakas et al., 2011). Ce médicament présente de nombreux intérêts cliniques puisqu’il permet de diminuer les hallucinations, l’agitation, l’agressivité et l’irritabilité des patients présentant ces symptômes ou de retarder leur apparition (Reisberg et al.,

2003 ; Gauthier et al., 2008).

Ces médicaments sont généralement bien tolérés par les patients et induisent des effets secondaires majoritairement limités à des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements et diarrhées). Ces effets secondaires sont souvent réduits en commençant le traitement avec de faibles doses, progressivement augmentées (Blennow et al., 2006). Mais bien que leur efficacité et leurs bienfaits sur la cognition et l’état global soient établis, les effets de la Mémantine et des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase sur le déclin cognitif des patients restent modérés (Raina et al., 2008).

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