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1 Le développement des études d’événement

1.4 Importance en Finance

Si l'analyse d'événement est répandue dans un grand nombre de domaines des sciences économiques, la finance reste son domaine privilégié. La contribution des études d'événement s'exprime autour de deux champs distincts. Le premier, la finance d'entreprise, utilise cette technique afin de déterminer l'impact d'un événement issu, le plus souvent, d'une décision managériale à caractère financier. Le second est fortement lié à la notion d'efficience des marchés. Il connaît actuellement un développement sans précédent sous l'impulsion des problèmes soulevés par l'utilisation des techniques d'analyse d'événement sur le long terme. Cette partie étudie, en premier lieu, les principaux thèmes abordés en finance d'entreprise à l'aide de l'analyse d'événement, puis s'intéresse à l'évolution de l'analyse d'événement au sein du paradigme de l'efficience.

1.4.1 Finance d'entreprise et analyse d'événement

Mesurer l'impact d'une décision sur le prix du titre permet de juger la perception de l'événement par le marché et, en particulier, les actionnaires de l'entreprise. Ainsi, sous l'hypothèse de rationnalité de ces derniers, un impact positif, autrement dit une augmentation du prix, sanctionne une bonne décision, alors qu'au contraire un impact négatif permet de déceler une certaine désapprobation. Par ailleurs, elle fournit une mesure de l'accroissement (ou de la baisse) de valeur d'une firme lors d'un événement. Ce dernier peut être alors expliqué par différentes variables financières fonctions de l'étude entreprise. L'apport de l'analyse d'événement à la finance d'entreprise est considérable puisqu'elle permet non seulement de jauger la perception que le marché a d'un événement, mais aussi de tester les théories. Dans ce dernier cas, on cherche à déterminer si le comportement du prix du titre est conforme à la prédiction fournie par

la théorie testée. Si une théorie ne parvient pas à décrire correctement le comportement du prix, alors elle est rejetée ou du moins fortement ébranlée16.

Ainsi l'apport de l'analyse d'événement à la finance d'entreprise est crucial. Il convient d'examiner les thèmes les plus fréquemment abordés. Afin de cerner au mieux les liens entre l'analyse d'événement et la finance d'entreprise, nous procédons à l'étude du nombre de références regroupées sous le label du code JEL G3 « Corporate Finance and Governance » et obtenues lors l’interrogation de la banque de données ECONLIT. Les subdivisions à l’intérieur du code G3, au nombre de huit, sont résumé dans le tableau 1- 4.

Tableau 1-4 : Ventilation des références à l’intérieur du code G3.

Code Dénomination Nombre de références

G300 General 3

G310 Capital Budgeting ; Investment Policy 12 G320 Financing Policy ; Capital and Ownership Structure 139

G330 Bankruptcy ; Liquidation 17

G340 Mergers ; Acquisitions ; Restructuring ; Corporate Governance

159

G350 Payout Policy 75

G380 Government Policy and Regulation 5

G390 Other 2

Les thèmes principaux qui se dégagent du tableau 1-4 sont récurrents en finance d'entreprise. Ils sont particulièrement liés à la problématique de la structure du capital. Les codes G320 (financement de l'entreprise) et G340 (fusions, acquisitions et autres restructurations) qui réalisent les meilleurs scores en sont la preuve. Un troisième thème ressort de notre analyse. Il s'agit des politiques de distribution regroupés sous le code G350. La faible représentation des codes G310, et G330 s’explique par la difficulté à collecter de l’information concernant les événements et en particulier leur date. Comment analyser une faillite ou une liquidation ? La seule possibilité consiste à

examiner l’impact d’un tel événement sur les firmes qui sont exposées en tant que créancières. Ainsi les résultats obtenus ne sont pas surprenants.

La figure 1-10 décrit l’évolution temporelle des références normées des codes G320, G340 et G350. Entre 1991 et 1995, les codes concernant les fusions-acquisitions (G340) ainsi que la structure du capital (G320) fluctuent faiblement. Seul le code en rapport avec les politiques de distribution (G350) est fortement en hausse jusqu’en 1994. En revanche, les évolutions des trois codes sont très similaires entre 1995 et 1998. Ils connaissent une forte hausse entre 1995 et 1997, ce qui correspond vraisemblablement à la parution de nombreux articles utilisant les techniques d’analyses d’événement long terme. La hausse est particulièrement importante pour les problématiques de structure du capital. Historiquement les premières études utilisant les performances long terme se sont intéressées aux introductions en bourse ainsi qu’aux émissions d’actions nouvelles.

Figure 1-10 : Evolution des principaux codes JEL en finance d’entreprise. 0 2 4 6 8 10 12 14 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 N ombre de références G 340 G 320 G 350

Figure 1-11 : Evolution des publications en analyse d’événement concernant les principaux groupes formés 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 A nnée N om bre de références D istribution M odification C apital A cquisition Bénéfices

Afin de confirmer les phénomènes détectés à l’aide des codes de la classification JEL, nous déterminons les occurrences de différents événements dans notre base entre 1991 et 1998. Nous retenons les événements les plus fréquemment étudiés en finance d’entreprise, à savoir ceux qui touchent la politique des dividendes, les rachats d’actions, les augmentations de capital, les introductions en bourse, les fusions- acquisitions, les annonces de bénéfices et les divisions d’actions. La figure 1-11 représente l’évolution du nombre d’analyses d’événement consacrées à chacun de ces thèmes17. Pour des raisons de lisibilité du graphique, nous avons été amené à regrouper certaines catégories. Ainsi, la politique des dividendes et les rachats d’actions forment l’ensemble distribution. Le groupe modification de capital comprend les augmentations de capital ainsi que les introductions en bourse. Enfin, la catégorie division d’actions est omise sur le graphique. En effet, elle est de faible importance, mais présente toutefois une croissance à partir de 1994.

L’évolution comparée des quatre courbes de la figure 1-11 montre une brusque croissance du nombre de publications entre 1995 et 1998. Les études concernant les distributions semblent être les seules exceptions. Cette brusque croissance s’explique de nouveau par la production de recherches qui visent à déterminer l’impact d’un événement sur le long terme. Les événements récurrents, comme les dividendes, sont plus difficiles à étudier sur le long terme. En effet, afin d’effectuer une telle étude, il est nécessaire que l’événement ne se reproduise pas pendant un laps de temps variant entre trois et cinq ans après le premier événement. Or, les dividendes sont versés trimestriellement aux Etats-Unis et annuellement en Europe. Cependant, il existe des études long terme, en particulier celle de Michaely, Thaler et Womack (1995), mais ces dernières s’intéressent alors à des changement dans la politique du versement des dividendes comme, notamment, les omissions de dividendes.

L’évolution la plus marquée touche les publications qui concernent les modifications du capital. Un nombre très important de publications a fait suite à l’article de Ritter (1991). Sa publication constitue un événement marquant pour le milieu académique, puisqu’il montre que suite à l’introductions en bourse, les titres sont pénalisés sur le long terme. C’est bien la question qui préoccupe tous les chercheurs en finance. En effet, si les

même se trouve mise en question. Le marché des titres boursiers est lui-même en danger puisque sans nouvelle introduction sa mort à terme est programmée. C’est pourquoi de nombreuses publications se sont assigné le but de comprendre et d’expliquer ce phénomène. Le sujet étant d’importance, on conçoit aisément que de nombreux chercheurs aient été attirés par ce problème complexe qui de prime abord met en cause le paradigme de l’efficience des marchés ainsi que les modèles d’évaluation d’actifs. Par un phénomène d’entraînement bien compréhensible, l’article de Ritter va générer un intérêt pour l’analyse de toutes les décision financières sur le long terme. Si, dans un premier temps, ces analyses se sont multipliées afin de documenter les résultats dans le cas d'événements comme les augmentations de capital, les divisions d’actions, les dividendes ou les rachats d'actions, les objectifs actuels ont quelque peu changé, puisque nombre d'études cherchent à exhiber l'absence de réaction sur le long terme à l'aide de nouveaux apports méthodologiques18 ou dans des contextes institutionnels différents19.

1.4.2 L’évolution au sein de l’efficience des marchés

Comme nous l’avons déjà remarqué dans la partie 1.1.2., l’analyse d’événement est affiliée à l’efficience des marchés dont elle constitue une méthode pour tester la forme semi-forte. Afin de constater l’évolution des contributions en analyse d’événement par rapport au paradigme de l’efficience des marchés, nous sélectionnons l’ensemble des articles qui font référence au code G140 de la classification JEL intitulé « Information and Market Efficiency ; Event Studies ». Comme nous l’avons remarqué précédemment, il est incorrect d’analyser la série brute du nombre de publications appartenant à cette catégorie. C’est pourquoi, à l’aide de la base de donnée ECONLIT, nous recensons les articles publiés qui comportent le code G140 dans leur classification. Nous obtenons ainsi l’ensemble des articles publiés en économie après 1991 en liaison avec le paradigme de l’efficience des marchés. Le rapport entre les deux séries est alors calculé. Il correspond à l’importance du thème de l’analyse d’événement au sein de la problématique de l’efficience des marchés. La figure 1-12 représente l’évolution de ce rapport au cours du temps. D’un niveau proche de 20% en 1991, le rapport double et se

18

Voir Eckbo, Masulis et Norli (2000) qui emploient des mesures de performance conditionnelles

19

retrouve à presque 40% en 1998. Une telle augmentation semble contredire les conclusions précédentes où nous avions avancé que l’analyse d’événement était parvenue à maturité.

Dans un premier temps, les études d’événement se sont concentrées sur l’impact court terme d’un événement sur la valeur de la firme. Les études ont été effectuées, dans un premier temps, à l’aide de données mensuelles puis les performances des ordinateurs s’améliorant, il a été possible d’utiliser des données quotidiennes. Le nombre d’événements à étudier étant relativement restreint malgré les raffinements méthodologiques apportés au cours du temps à l’analyse d’événement, le nombre de publications concernant l’impact sur le court terme a fini par stagner voire diminuer. Cependant, ces propos sont à nuancer en raison de la diffusion de l’analyse d’événement à d’autres domaines des sciences économiques, ce qui a permis de soutenir, en partie, la croissance du nombre de publications.

Figure 1-12: Evolution de l'analyse d'événements au sein du paradigme de l'efficience des marchés. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année Rapport (% )

A partir de 1991, des études sur le long terme plongent l’analyse d’événement au sein du grand débat sur l’efficience des marchés. En réaction aux conclusions de Ritter (1991), deux approches s'opposent. La première suppose que les investisseurs sont rationnels ce qui implique que les mesures effectuées par Ritter (1991) sont erronées. Il convient donc d'examiner précisément les techniques d'analyse d'événement sur le long terme. Les premières simulations, effectuées par Barber et Lyon (1997) ainsi que par Kothari et Warner (1997), montrent qu'il est très difficile, voire impossible, de définir une technique valable et fiable en l'absence d'un modèle d'évaluation adéquat. Pire encore, Mitchell et Stafford (2000) montrent que les résultats varient substantiellement en fonction des modèles utilisés. Ainsi, l'analyse d'événement rejoint l'évaluation des actifs financiers : quel est le bon modèle ou du moins quel est le meilleur modèle d’évaluation en l’état des connaissances ?

L'alternative consiste à supposer que, dans une certaine mesure, les investisseurs sont irrationnels. Cette seconde approche se développe rapidement sous l'égide de la finance comportementale. Au sein de cette dernière sont élaborés des modèles destinés à prendre en compte notamment les phénomènes de sur ou sous réaction des cours boursiers. Or, comme le remarque Fama (1998), les introductions en bourse semblent entrer dans la catégorie des sur réactions étant donné qu'une réaction positive est perçue à court terme et que cette réaction est corrigée négativement à long terme. Ainsi, l'analyse d'événement se retrouve au cœur du débat qui oppose partisans et adversaires du concept d'efficience des marchés.

Conclusion

L’analyse d’événement est une méthodologie de tout premier plan, tant par la qualité des publications l’utilisant que par le nombre même de ces publications. Notre étude a montré que son évolution n’a pas été linéaire : elle a progressé de la finance d’entreprise vers d’autres domaines des sciences économiques. Cette progression a permis de soutenir la croissance du nombre de publications au fil des ans. Enfin, ce type d’étude s’est orientée récemment vers des problématiques long terme ce qui lui a permis un rayonnement encore plus grand au sein de la finance.