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1. La Collection Henry Birks d’orfèvrerie canadienne 15!

1.1 La Collection Birks ; perspectives historiques 16!

1.1.2 Importance et envergure de la Collection 27!

Les objets de la Collection Birks sont tous collectionnés par Henry G. Birks entre mai 1936 et septembre 1979. En consultant les documents contenus dans le Fonds Henry Birks & Fils conservé à la Bibliothèque et Archives du MBAC, nous avons pu déterminer que la Collection comprend environ 7 091 objets, ce qui représente un nombre supérieur à celui de toutes les collections publiques d’orfèvrerie canadienne du pays réunies. Cet énoncé est impressionnant et, considérant notre intérêt pour l’orfèvrerie québécoise, ce résultat statistique devient très important car il s’est avéré être le déclencheur de notre question de recherche. Nous avons consulté des documents qui montrent qu’une liste datant de 1980 situe les objets en cinq grands types : 4 820 couverts (Flatware), 573 pièces domestiques, 255 pièces d’orfèvrerie de traite, 949 pièces de culte et 32 objets divers, tels que des poinçons d’orfèvres, des moules, des matrices ainsi que des instruments d’orfèvres. Il convient de noter qu’une entrée au catalogue peut contenir plus d’une pièce, ce qui explique que les divers inventaires émis par la firme et le Musée comptent moins d’articles que le nombre exhaustif total. Le livre d’acquisition de Henry G. Birks, cédé au MBAC lors de la donation, contient des directives détaillées propres à l’entretien, à la réparation et à l’acquisition de nouvelles pièces. Chaque objet y est identifié par un nom, un numéro d’inventaire et, lorsqu’il est possible, sa provenance exacte, ses dimensions et son poids sont indiqués, de même que la date de son acquisition et, quelques fois, son prix. De plus, de nombreuses entrées sont accompagnées de photographies des poinçons et des motifs gravés sur l’objet en question.

Villeneuve (1998 : 30) explique que la Collection est cataloguée de manière spécialisée et selon des centres d’intérêts précis. En effet, onze champs de classification sont établis selon le lieu de fabrication de l’objet ou de son fabricant25 : Québec, Canada, Savage, Inconnu, États-Unis, Maritimes, Hendery & Leslie, Birks, Angleterre, Pays étrangers et Australie. L’orfèvrerie du Québec y est séparée en cinq sous-catégories distinctes, soit Québec, Montréal, Savage, Hendery & Leslie et Henry Birks & Fils. Les pièces étrangères forment des sous-groupes moins nombreux, comprenant notamment des ustensiles et des petits objets que H. G. Birks reçoit en cadeau ou qu’il obtient pour des prix dérisoires. Dans un autre inventaire effectué en 1980 par le MBAC, d’autres catégories relatives à l’orfèvrerie québécoises sont identifiées : 244 entrées sont inscrites sous l’intitulé « Birks », 1 033 entrées à « Hendery & Leslie », 1 226 entrées à « Québec », 1 714 entrées à « Canadian » et 358 entrées à « Inconnu ».

Un héritage manifeste pour le peuple canadien

Dès les débuts de sa constitution, Henry G. Birks accepte « en guise d’honoraires des pièces d’orfèvrerie, notamment à l’issu de règlements de successions » (Villeneuve 1998 : 29) et acquiert de manière rigoureuse des pièces pour leur valeur esthétique, leur valeur historique et leur contexte de réalisation. La Collection Henry Birks d’orfèvrerie canadienne contient des pièces ecclésiastiques et domestiques, des couverts et de la coutellerie, de l’orfèvrerie de traite et honorifique en argent massif ou plaqué et en or, créés par des orfèvres canadiens, européens, états-uniens et australiens sur une période historique allant des débuts de la colonisation française au milieu du 20e siècle. De plus, la réputation de la majorité des orfèvres représentés par la Collection n’est plus à faire, étant depuis longtemps appréciés et étudiés par les historiens de l’art. Elle peut ainsi être désignée comme la plus remarquable au pays en termes de qualité et de représentativité de l’orfèvrerie québécoise, offrant un large éventail de ce type de production artistique. En date du 14 août 1980, l’association des

25 Ces champs sont, en ordre chronologique d’apparition dans le livre d’acquisition, les suivants : Québec –

Canada – Savage – Inconnu – États-Unis – Maritimes – Hendery & Leslie – Birks – Angleterre – Pays étrangers – Australie.

antiquaires du Canada l’évalue à 4 355 455 $, ce qui démontre la préciosité qu’un tel trésor pourrait représenter en 2017.

L’orfèvrerie incarne un pan de l’histoire culturelle canadienne et québécoise remontant jusqu’aux débuts de la colonisation française. Son importance et sa pertinence dans les institutions culturelles et muséales ne doit pas être négligée et le développement de la recherche dans ce domaine mérite d’être davantage considéré. L’étude de cet art permet d’apporter des précisions sur les modes de vie d’autres générations de Québécois et de Canadiens, d’illustrer de quelle manière les réseaux ainsi que les partenariats culturels et sociaux se sont constitués, comment le système de marchandage est articulé et de quelle manière s’opèrent les échanges entre les producteurs et les marchands au début du 20e siècle. De plus, l’examen de cette question contribue aux études comparatives orientées autour des spécificités des arts décoratifs des régimes français (1608-1759) et britannique (1760-1840) ainsi que de la confédération canadienne (1840 à aujourd’hui). Retracer l’histoire de l’orfèvrerie permet de mettre en lumière les contextes sociopolitiques québécois du passé et de rendre tangible la manière dont ils ont influencé la production artisanale au sens large. Cette démarche contribue aussi à déterminer les conditions de vie professionnelle des orfèvres, les types d’ouvrages effectués, leurs significations ainsi que leurs usages. Elle renseigne sur l’évolution du mécénat au Canada, sur la façon dont se manifestent les formes de prestige et sur le rôle social que sous-tend la possession d’objets précieux. Finalement, l’analyse des pièces d’orfèvrerie du Québec peut permettre de reconstituer l’évolution des styles utilisés en arts décoratifs et de retracer les tendances et les formes « à la mode ». Ces objets perdurent à travers les âges en raison de leur potentiel esthétique, de leur résistance, de leur malléabilité et de leur utilité : « The romance of silver is as old as the human perception of beauty » (Ryrie- Birks Ltd. 1925 : 4).