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4. DISCUSSION

4.7. Implications pour la pratique

Malgré l’identification de critères précis, le dépistage de la dénutrition n’est pas réalisé systématiquement que ce soit en ambulatoire ou en milieu hospitalier.

Au regard de nos résultats, il semble nécessaire de renforcer la lutte contre le risque de dénutrition des seniors réunionnais et la formation des aidants et soignants et de soutenir les actions

transgénérationnelles.

Une attention particulière devrait se porter sur les seniors isolés, veufs ou célibataires, poly- médiqués, à risque de dépression et de chute, ayant été hospitalisés, ou encore aux faibles niveaux de revenus et d’éducation.

L’utilisation d’outils simples tels que le MNA-SF doit être promue parmi les professionnels de santé, afin de dépister des personnes à risque en amont de l’apparition d’une dénutrition.

Il semble important de rappeler aux soignants et de sensibiliser la population au fait que le risque de dénutrition concerne aussi les sujets ayant un IMC normal ou élevé.

La formation des médecins sur le sujet devrait également s’étendre, en augmentant le nombre de Formations Médicales Continues par exemple.

De plus, on pourrait imaginer renforcer l’éducation nutritionnelle via des courriers de dépistage adressés au personnes de plus de 65 ans (comme pour les dépistages des cancers du sein et

colorectal), ou des affiches dans les salles d’attente des médecins et dans les pharmacies, traduites en créole, explicitant les besoins nutritionnels des seniors et les situations à risque. Ces campagnes devraient s’adresser à toute la population réunionnaise, car comme nous l’avons vu, l’aide inter- générationnelle étant importante, les enfants restent des acteurs majeurs de l’alimentation des seniors.

Les courriers pourraient contenir des guides de nutrition adressés au plus de 55 ans et destinés aux aidants, tels que ceux publiés par le PNNS (222) (223).

Une sensibilisation de la population permettrait peut être de faire des problèmes nutritionnels des personnes âgées un motif de consultation.

Le développement du portage des repas pour les personnes âgées isolées, ainsi que les modalités de leur remboursement semble devoir être réévaluées dans le but de renforcer le maintien à domicile et d’éviter l’apparition d’une dénutrition, aux conséquences redoutables.

Des solutions alternatives et intermédiaires avec les familles d’accueil mériteraient d’être développées.

Avec l’essor de la e-santé et de l’utilisation des smartphones par les médecins dans le cadre de leur profession (224) (225), il semble de bon ton de développer l’utilisation d’applications mobiles gratuites telles que « Nutrition Clinique » ou « Nutri’Calc » qui apportent des outils d’aide au diagnostic et à la prise en charge de la dénutrition. Elles sont accessibles hors-ligne pour pallier à l’absence d’accès internet au cours de visites.

Il est fort probable qu'une approche nutritionnelle plus personnalisée pourrait aider à motiver le consommateur individuel à adopter une alimentation et un mode de vie plus sains.

Les résultats de l'étude PoP et de la revue systématique de Webb et al. ont montré qu'une intervention nutritionnelle personnalisée basée sur Internet était efficace pour améliorer les comportements alimentaires par rapport aux conseils traditionnels (226) (227). Une récente méta- analyse portant sur 21 études conclu à une efficacité significative des interventions utilisant les réseaux sociaux pour modifier les comportements (228).

C’est pourquoi, dans le cadre du PNNS 2017-2021, le HCSP recommande d’étendre la présence du site « mangerbouger.fr » sur les réseaux sociaux afin de favoriser sa diffusion et l’appropriation des recommandations nutritionnelles par la population (229).

Ce site a également mis en place une application nommée « la fabrique à menus » qui propose des menus hebdomadaires en fonction des critères que les utilisateurs lui imposent (tels que le temps de préparation, le nombre de personnes, leurs goûts, etc.).

L’application gratuite « Poids plus », développée par la SFNEP (Société Francophone de Nutrition Clinique et Métabolisme) aide les patients à augmenter leurs apports caloriques et protéiques. Citons également le « guide nutri-seniors » disponible en ligne, proposant des idées de recettes adaptées aux seniors (prenant en compte les problèmes bucco-dentaires) et le « mémo-nutrition » à destination des personnes âgées scotchable sur le réfrigérateur (annexe 17), tous deux labellisés par le PNNS (230) (231).

A son image, des recettes de cuisine simples et adaptées aux personnes âgées, traduites en créole, seraient à développer sous forme de brochures distribuées gratuitement dans les cabinets médicaux et pourquoi pas dans les grandes surfaces commerciales.

La lutte contre la dénutrition réduit parfois la prescription du repas à une simple ingestion de nutriments, effaçant alors les dimensions sociales et symbolique de la prise alimentaire pourtant essentielles. Or, les troubles du comportement alimentaire et, par voie de conséquence la mauvaise alimentation, sont souvent provoqués par une rupture du lien social, par l'isolement et la solitude, majorés à l’âge de la retraite.

C’est pourquoi les initiatives telles que la création en 2018 des ateliers de prévention primaire «Atout âge » via le CCAS de Saint-Paul pour les seniors de plus de 55 ans doivent être

encouragées. Ils abordent le thème de la nutrition en proposant des ateliers cuisine, mais aussi les thèmes de l’habitat et de la mémoire.

On pourrait imaginer dans un cadre de santé publique, la création d’ordonnances pour des « ateliers cuisines », destinées aux seniors à risque, à l’image du « sport sur ordonnance » initiée dans

certaines communes de la Réunion.

D’autres actions donnant aux personnes âgées une nouvelle utilité sociale sont donc à développer (concours de recettes, rencontres inter-générationnelles autour d'ateliers de cuisine et de

dégustation, etc.).

A titre d’exemple, une expérience a été menée à Chambéry où, tous les mois, les personnes âgées, leurs proches et voisins, préparent et partagent une soupe. A Paris, l’association des « Petits Frères des Pauvres » propose régulièrement d’offrir un moment associant repas et bal, tout en assurant le transport des personnes âgées.

Enfin, légitimée par la proposition du PNNS 2017-2021 (232), la distribution à visée incitative de coupons «fruits et légumes » gratuits par la CAF (Caisse d’Allocation Familiale), destinée aux personnes à risque de dénutrition serait une piste à étudier.

En effet, plusieurs initiatives, souvent d’ordre national ont été évaluées, et ont montré leur intérêt pour l’amélioration de la consommation alimentaire, mais aussi le statut nutritionnel des

populations (233) (234).

Une attention particulière doit aussi être portée au développement de l’éducation nutritionnelle, d’autant plus chez les seniors réunionnais en situation de précarité financière.

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