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III. Structure et fonctions de la sous-unité Ca vββββ

8. Implication des Cav ββββ dans les pathologies humaines

Il est déjà assez clair qu’un déficit d’expression ou qu’une simple mutation du gène exprimant la sous-unité Cavβ peut conduire à un phénotype assez sévère dans les modèles de souris. Cela n’est pas surprenant, vu le rôle crucial des canaux calciques dans les processus physiologiques.

a- Neuropathologie

Plusieurs pathologies humaines issues d’une mutation ou d’un disfonctionnement d’une sous-unité auxiliaire des canaux calciques, ont été décrites. Entre autre, deux mutations humaines dans le gène codant pour la sous-unité Cavβ4 ont été enregistrées chez des patients souffrant d’une épilepsie idiopathique générale, d’une épilepsie juvénile myoclonique (JVM) et d’une ataxie convulsive (Escayg et al., 2000). La première mutation issue d’une terminaison prématurée (R482X) génère une protéine tronquée du coté carboxy-terminal, éliminant moins de 10% de sa séquence. La deuxième mutation est une simple substitution de nucléotide, résultant en la substitution d’une cystéine par une phénylalanine (C104F).

L’analyse fonctionnelle de ces mutants, dans un système d’expression hétérogène, ne révèle pas d’effets forts sur l’activité des canaux calciques. Les deux mutants sont capables de s’associer au canal (Cav2.1). Une faible augmentation de densité de courant est observée pour les deux mutants. Aucun effet n’est enregistré sur la cinétique d’activation. Le mutant R482X présente une faible diminution de la constante de temps rapide d’inactivation, mais pas le mutant C104F. Cet effet négligeable sur le canal soulève une interrogation : comment ces mutations peuvent-elles aboutir à un phénotype neurologique aussi marquant ?

b-Cardiomyopathologie

Une altération de l’activité des canaux calciques est décrite dans le cas d’insuffisance cardiaque humaine. Dans le cas d’une myopathie cardiaque associée à une insuffisance cardiaque, une diminution remarquable de 80% dans la quantité d’ARNm et de protéines des Cavβ est décrite. La sous-unité Cavβ1b est détectée comme étant l’isoforme majeure dans le cas d’une myopathie cardiaque, d’autant plus que dans le tissu normal, la sous-unité majeure n’est que Cavβ2 (Hullin et al., 1999). De plus, les études montrent l’augmentation de l’expression d’une sous-unité Cavβ3 tronquée dans le ventricule gauche atteint d’une cardiomyopathie ischémique, en comparaison au tissu normal (Hullin et al., 2003). Vingt nucléotides manquent dans la sous-unité Cavβ3 tronquée au niveau du domaine d’interaction avec la sous-unité Cavα1. Apparemment, elle est capable de s’associer au canal et de moduler son activité mais d’une façon moins prononcée. Les conséquences pathophysiologiques dues aux changements d’expression des isoformes de la sous-unité Cavβ, dans l’ischémie et l’insuffisance cardiaque, sont loin d’être élucidés.

Une étude très récente révèle également l’implication de la sous-unité Cavβ2 dans l’insuffisance cardiaque. En effet, l’expression de la sous-unité Cavβ2 ainsi que son ARNm est amplifiée avec l’augmentation de l’expression de la sous-unité Cav1.2, ce qui induit une hyperactivité des canaux calciques de type L au niveau des ventricules (Hullin et al., 2007).

c-Maladie autoimmune

Le syndrome myasthénique de Lambert-Eaton (LEMS) est une pathologie humaine autoimmune associée dans 60% des cas à des carcinomes pulmonaires (small-cell lung carcinoma : SCLC) et caractérisée par des faiblesses musculaires et des neuropathies autonomes. Ataxie et dégénérescence cérébrale aiguëe sont aussi reportées chez des patients atteints du syndrome de Lambert-Eaton. La faiblesse musculaire semble être la conséquence d’une diminution de la sécrétion des neurotransmetteurs. En fait, les sérums des patients génèrent des anticorps dirigés contre les composants des canaux calciques dépendants du voltage, au niveau des synapses et des jonctions

neurotransmetteurs. Au cours de la réponse immunitaire, les anticorps ont trois fonctions principales : se lier à l'antigène, ici il s’agit des canaux calciques, activer le système du complément et recruter des cellules immunocompétentes. Les anticorps protègent l'organisme en déclenchant la cascade du complément. Il s'agit d'un ensemble de protéines du plasma dont l'activation permet de détruire le pathogène et de faciliter la phagocytose, l'élimination des complexes immunes et la libération de molécules chimiotactiques. Mais aussi, ils protègent l’organisme par activation des cellules immunocompétentes. Après avoir reconnu un antigène grâce à sa partie variable, un anticorps peut se lier à des cellules du système immunitaire par sa partie constante. Ces interactions revêtent une grande importance dans le déroulement de la réponse immunitaire. Ainsi, les anticorps fixés sur un pathogène peuvent se lier aux macrophages et déclencher une phagocytose. Les lymphocytes NK (Natural Killer) peuvent exercer leur cytotoxicité et lyser les pathogènes qui portent l’antigène.

Des anticorps dirigés contre la sous-unité Cavα1 du canal de type P/Q, induisent une diminution de la libération des acétylcholine suite un influx nerveux (Takamori et al., 2000). Dans certains cas, les anticorps détectés dans le sérum sont dirigés contre la sous-unité Cavβ, ce qui prévient son interaction avec la sous-unité Cavα1 (Raymond et al., 1999). Une activité aberrante des canaux calciques, issue de la dissociation de la sous-unité Cavβ du canal, altère les fonctions présynaptiques essentielles contrôlant la libération des neurotransmetteurs. Les anticorps, incapables de franchir la barrière hémato-méningite, n’atteignent pas le cerveau, d’où l’absence de symptômes pathologiques au niveau du système nerveux central.

d-Ataxie épisodique de type-2 (EA-2)

L'ataxie épisodique de type 2 est une ataxie cérébelleuse caractérisée par des épisodes aigus d'ataxie, de vertige et de nausée qui durent de quelques minutes à plusieurs jours. Des troubles de l'élocution, une diplopie, une dysarthrie, une dystonie, ou une hémiplégie accompagnent ces crises. Les patients atteints présentent une atrophie de cervelet et la moitié présente des migraines. Ces épisodes peuvent survenir de deux fois par an à quatre fois par semaine. Les crises peuvent être déclenchées par le stress, la caféine, l'alcool et la prise de phénytoine. Entre chaque crise, les individus sont

généralement asymptomatiques même si un nystagmus (mouvement anormal des yeux) ou une discrète ataxie peuvent subsister. La prévalence de cette affection est inconnue.

De transmission autosomique dominante, l'ataxie paroxystique est due à des mutations du gène CACNA1A (chromosome 19p13) codant pour la sous-unité Cav2.1 et impliquant les canaux P/Q. Ces mutations codent pour des sous-unités tronquées (Ophoff et al., 1996; Yue et al., 1998) et également pour des sous-unités avec des mutations ponctuelles (Denier et al., 2001; Imbrici et al., 2005; Tonelli et al., 2006; van den Maagdenberg et al., 2002).

Les études fonctionnelles réalisées sur les mutants impliqués dans l’ataxie de type 2 (EA-2) confirment l’expression d’une sous-unité non ou hypo-condructrice (Scoggan et al., 2006; Wan et al., 2005). Les mécanismes moléculaires par lesquels les sous-unités Cav2.1 mutantes engendrent cette pathologie restent un débat. Des études suggèrent que les sous-unités défectueuses créent une insuffisance éminente de courants P/Q (Imbrici et al., 2004) dans le cerveau. Plusieurs résultats présentent l’évidence que les sous-unités Cav2.1non conductrices suppriment la contribution fonctionnelle des canaux Cav2.1natifs par un mécanisme dominant-négatif (Arikkath and Campbell, 2003; Jeng et al., 2006). Cet effet dominant-négatif implique l’interaction de la sous-unité Cavβ avec le domaine AID des sous-unités Cav2.1. Effectivement, l’interaction des sous-unités mutantes avec les sous-unités Cavβ est à la base du disfonctionnement des sous-unités Cav2.1 natives (Raike et al., 2007). Les mutants Cav2.1 de l’ataxie type-2 possèdent le potentiel de séquestrer une quantité importante des sous-unités Cavβ, réduisant ainsi l’effet fonctionnel des canaux calciques composés des sous-unités Cav2.1 dans les neurones.

e-Ataxie spino-cérébelleuse de type 6 (SCA6)

L’ataxie cérébelleuse de type 6 (SCA6) est une maladie autosomale dominante caractérisée par une ataxie, un nystagmus et une dysarthrie. Il s'agit d'une affection dégénérative qui se caractérise par une dégénérescence des cellules de Purkinje et granulaires du cervelet et de certaines cellules du noyau du l’olive inférieure. Les cellules se modifient, perdent leurs caractères spécifiques, pour se transformer en une substance

inerte. Ainsi, leur activité fonctionnelle n'existe plus. La maladie progresse lentement et inexorablement vers des troubles handicapants se caractérisant par une infirmité.

La mutation impliquée dans l’ataxie de type 6 consiste d’une expansion du codon CAG répétés 21 à 33 fois (normalement 4 à 16 répétitions) dans l’exon 47 du gène CACNA1A, codant pour la sous-unité Cav2.1. Cette expansion introduit une séquence polyglutaminergique (polyQ) à environ 100 résidus de l’extrémité carboxy-terminale du canal. Cette expansion polyQ confère une instabilité à la protéine mutante qui a pour conséquence la formation des agrégats cytosoliques de ces protéines, entraînant la mort cellulaire.

Au niveau fonctionnel, l’impact de cette expansion polyQ sur les canaux P/Q a été étudié. En fait, les effets biophysiques de cette mutation dépendent de l’isoforme de la Cavβ co-exprimée. En présence de la sous-unité Cavβ4, l’expansion polyglutaminergique déplace la dépendance au potentiel de l’activation vers des valeurs de potentiels plus hyperpolarisés et augmente la proportion de courant non inactivant. En conséquent, une grande quantité du ca2+ entre dans la cellule, ce qui explique les dégénérescences cellulaires associées. En ce qui concerne l’implication de la sous-unité Cavβ4, parmi les sous-unités Cavβ, elle présente une interaction unique avec l’extrémité carboxy-terminale de la sous-unité Cav2.1. L’expansion polyQ du coté carboxy-terminal altère la biophysique du canal probablement en interférant avec son interaction avec la sous-unité Cavβ4 (Restituito et al., 2000b).

9.Développements thérapeutiques et pharmacologiques