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1. Recension des écrits

1.4. Impacts sur la santé humaine et la santé publique

Les morsures animales et plus précisément canines posent un problème majeur, de plus en plus préoccupant pour la santé publique, notamment à cause des multiples répercussions potentielles sur la santé physique et mentale des victimes (Dhillon, Hoopes, & Epp, 2018).

1.4.1. Conséquences physiques

Les dommages physiques peuvent aller des blessures mineures aux traumatismes majeurs (par exemple fractures, plaies profondes et/ou disséminées, etc.) qui laissent souvent des séquelles permanentes voire débilitantes (Garvey et al., 2015; Golinko et al., 2016; Hersant et

al., 2012; Kalaba, 2017). La localisation et la sévérité des blessures varient beaucoup selon l’âge de la victime. En effet, plusieurs études ont montré que les adultes étaient plus fréquemment touchés au niveau des extrémités alors que les enfants étaient plus souvent victimes de blessures au niveau de la tête et du cou (Alberghina et al., 2017; Dalton et al., 1988; Feldman et al., 2004; Garvey et al., 2015; Gautret et al., 2013; Hon et al., 2007; Oxley et al., 2018; Ozanne-Smith et al., 2001a; PHAC, 2005; Weiss et al., 1998).

Une étude rétrospective s’est intéressée à tous les cas d’admission d’enfants et d’adolescents (âge < 16 ans) aux services d’urgence et de soins tertiaires à Edmonton -Alberta pour des attaques de chiens, entre 1998 et 2002 (Lang & Klassen, 2015). Les auteurs ont noté que sur les 287 cas répertoriés, près de 25% étaient des cas sévères (touchant surtout la tête et/ou la face), la plupart ont requis plusieurs points de sutures (>10) (n= 64) et certains étaient même associés à des fractures (n = 4). Ils ont également conclu que les cas les plus graves ont été notés chez les enfants de plus bas âge (âge moyen = 6,3 ans). Ces données concordent avec les résultats de l’étude de Kimble et collaborateurs en Australie (2011) qui montrent que la quasi- totalité des enfants admis aux centres de traumatologie de Queensland (98%) pour morsure de chien entre 2003 et 2009 ont nécessité au moins une opération sous anesthésie générale. Par ailleurs, dans un article paru en 2016 dans le British Medical Journal (Veterinary Record), il a été rapporté que le nombre de chirurgie pour reconstruction faciale suite à des attaques de chiens est en hausse chez les enfants mais également les adultes (Mannion & Greenberg, 2016).

1.4.2. Agressions et attaques mortelles de chiens

À travers la littérature, plusieurs travaux se sont penchés sur les attaques mortelles de chiens. Bien que celles-ci soient rares, l’impact d’une telle agression sur la famille, les proches des victimes et sur la société est majeur. De plus, les facteurs de risque de ces agressions restent encore mal élucidés (Mills & Westgarth, 2017).

Entre 1982 et 2006, 264 cas de décès suite aux attaques de chiens ont été répertoriés en Amérique du nord (Mills & Westgarth, 2017) avec 256 cas documentés aux États-Unis seulement entre 2000 et 2009 (Patronek et al., 2013). Les données du système du CDC Wide- ranging Online Data for Epidemiological Research (CDC-WONDER) montrent qu’entre 1979 et 2005, 19 cas de mortalité ont eu lieu chaque année (Langley, 2009). Parallèlement, au Canada,

les données collectées par le SCHIRPT indiquent que 43 cas de décès suite aux morsures de chiens ont eu lieu entre 1980 et 2002 dont 63% incluant des enfants de moins de 10 ans (PHAC, 2005). L’étude de Raghavan (2008) montre que 28 décès ont été rapportés entre 1990 et 2007 pour une moyenne de un à deux cas par an ; 85,7% des victimes étaient des enfants de moins de 12 ans (âge moyen = 5 ans). Selon la même source, au niveau des réserves autochtones, 7 des 11 décès ont été attribués à des attaques de chiens en meutes. En effet, bien que ces évènements soient sporadiques, ils font partie des préoccupations majeures liées aux chiens dans le contexte des communautés autochtones du nord (Dalton et al., 1988; Gottlieb & Misfeldt, 1992; Kalaba, 2017; Schurer, McKenzie, et al., 2015).

1.4.3. Maladies transmissibles aux humains

L’interaction Homme-animal est bénéfique, voire indispensable pour la survie de l’espèce humaine, mais les animaux peuvent constituer aussi une menace à leur santé, notamment à causes de certaines maladies qui sont transmissibles de l’animal à l’être humain, plus communément appelées zoonoses (Damborg et al., 2016; Morens, Folkers, & Fauci, 2004; Wolfe, Dunavan, & Diamond, 2007).

Dans le cas des morsures canines, le risque zoonotique le plus redoutable est sans doute l’infection par le virus rabique. Celle-ci peut résulter d’une morsure ou même d’un simple contact de la muqueuse ou d’une plaie avec la salive virulente (WHO, 2007).

L’OMS estime que jusqu’à aujourd’hui, près de 59 000 personnes autour du monde meurent chaque année à cause de la rage (Hampson et al., 2015; WHO, 2017). Selon la même source, dans plus de 95% des cas, la cause directe de l’infection est une morsure de chien. La rage est par ailleurs responsable de plus d’un million d'années de vie en bonne santé perdues chaque année autour du monde (Cleaveland, Fevre, Kaare, & Coleman, 2002; Hampson et al., 2015). Au Canada, bien que très peu de cas humains de rage aient été décelés depuis 1924, la situation reste préoccupante et la vigilance doit être maintenue notamment dans les territoires du nord à cause de la hausse notée dans les cas de signalements de morsures chez les humains d’une part et de la situation endémique pour la rage du renard arctique couplée à la possibilité de contacts entre les chiens et les canidés sauvages d’autre part (Aenishaenslin et al., 2014; CFIA, 2019; Mork & Prestrud, 2004; Rock et al., 2017). Au Nunavik, territoire d’intérêt pour notre étude, un

portrait épidémiologique de la rage a été dressé en 2014; 112 cas d’exposition à un animal rabique entre les années 1996 et 2009 ont été répertoriés (Aenishaenslin et al., 2014).

D’autres agents pathogènes transmissibles peuvent être à l’origine d’infections plus ou moins graves chez l’Homme (Damborg et al., 2016). On estime que jusqu’à 25% des blessures dues aux morsures de chiens peuvent aboutir à une infection secondaire (Feldman et al., 2004; Mills & Westgarth, 2017). Ces infections résultent généralement du contact de la plaie induite par l’agression avec le microbiote de la cavité buccale de l’animal ou les bactéries existantes au niveau de la peau de la victime. Une étude récente utilisant les techniques de séquençage métagénomique ont permis d’identifier 181 genres différents de bactéries pouvant être présentes dans la cavité buccale d’un chien apparemment sain (Sturgeon, Stull, Costa, & Weese, 2013). À partir des sites de morsures, les bactéries qui ont été le plus souvent isolées sont les pasteurelles (notamment Pasteurella canis) ainsi que certaines bactéries pyogènes comme les streptocoques et les staphylocoques (50% des cas) (Feldman et al., 2004; Talan, Citron, Abrahamian, Moran, & Goldstein, 1999). L’infection à Pasteurella multicoda, bien que moins fréquente, est particulièrement menaçante car en absence de traitement adéquat, elle pourrait se généraliser rapidement donnant des lésions au niveau de l’os (ostéomyélite), au niveau du cœur (endocardite) voire même des infections généralisées (septicémie) qui peuvent aboutir à la mort du patient (Mills & Westgarth, 2017). Finalement, bien que les cas rapportés et documentés jusqu’à présents soient rares, il semble que l’incidence d’infections secondaires dues à des bactéries résistantes à l’instar de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (MRSA) est en hausse chez les personnes mordues (Mills & Westgarth, 2017).

1.4.4. Conséquences psychologiques

Au-delà des effets sur la santé physique des victimes, les morsures peuvent avoir un impact sur leur bien-être mental.

Les traumatismes psychologiques qui surviennent après une attaque de chien s’observent notamment chez les jeunes enfants et dans le cas de blessures sévères et/ou multiples (Ji, Xiaowei, Chuanlin, & Wei, 2010; Peters, Sottiaux, Appelboom, & Kahn, 2004). Des cas de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) ont été documentés chez 12 enfants sur 22 dans une étude menée en Belgique et ce plusieurs mois après la survenue de l’incident (Peters et al.,

2004). Ces signes incluaient notamment un sentiment de peur intense et de méfiance à l’égard des chiens, de l’isolement ou encore de l’irritabilité et de l’hyper vigilance ainsi que de l’agressivité envers les pairs (De Keuster et al., 2006).

En plus des traumas émotionnels majeurs, le problème de morsures canines peut avoir une influence sur le quotidien des gens et leurs habitudes de vie. En l’occurrence, l’étude de Vargo et collaborateurs (2012) dans le territoire des Samoa américaines où plus de la moitié des cas de blessures déclarées est attribuable à des morsures de chiens, montre que ces dernières figurent parmi les principales causes de manque d’exercice. Ceci a été expliqué selon les personnes interviewées par un sentiment d’insécurité et de peur vis-à-vis des chiens errants (Vargo et al., 2012).

La recherche effectuée pour explorer l’ampleur des impacts psychologiques des morsures canines restent, cependant, relativement limitée et peu approfondie (Hon et al., 2007; Mills & Westgarth, 2017).

1.4.5. Coûts engendrés par les morsures canines

Outre les impacts physiques des morsures de chiens, les dépenses engendrées pour les traitements des victimes sont considérables

.

Aux États-Unis, une étude a recensé 6 000 hospitalisations attribuables aux morsures de chiens en 1994 pour des dépenses estimées à 40,5 millions de dollars (Quinlan & Sacks, 1999). Parallèlement, dans le cas des régions où la rage est endémique, le fardeau devient double du fait des coûts de la PPE qui consiste en l’administration de vaccins et/ou d’anticorps afin de prévenir ou limiter toute infection potentielle par le virus rabique (Kularatne, Ralapanawa, Weerakoon, Bokalamulla, & Abagaspitiya, 2016). A cet effet, le fardeau économique globale de la rage canine endémique a été estimé à 8,6 billions de dollars, 20% de ces charges seraient directement liés à la prise en charge des victimes (coûts directs) (Hampson et al., 2015).

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