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Distribution spatio-temporelle des cas d’exposition humaine et de rage

4. Discussion

4.1. Retour sur les résultats

4.1.2. Distribution spatio-temporelle des cas d’exposition humaine et de rage

La distribution des cas selon les années a révélé une augmentation importante à partir de 2012 avec un dédoublement entre les années 2013-2014 et 2015-2016. À travers les discussions, il s’est avéré que les changements apportés au système de gestion des cas et à l’outil d’aide à la décision et au signalement ont survenu autour de la même période. Ces changements au sein du système et réseau de la santé ont pu jouer un rôle important en facilitant le processus de déclaration mais aussi indirectement en renforçant la sensibilisation dans les communautés sur les enjeux de santé liés aux morsures de chiens et plus globalement, au contact avec des animaux

potentiellement rabiques. D’autres actions entreprises de façon concomitantes dans les villages ont pu avoir également un impact direct sur le taux de déclaration. Il n’en reste pas moins vrai que des changements importants dans la densité de la population canine pourraient être à l’origine d’une véritable augmentation dans l’incidence des morsures (Babaniyi et al., 2016). Ne disposant pas d’informations fiables sur cet aspect, ceci demeure une hypothèse nécessitant de plus amples explorations.

À travers les analyses, nous avons également noté une augmentation modérée dans les cas signalés durant les mois de mai et d’août. En effet, la majorité des répondants ont signalé une hausse notable dans les signalements pendant les mois plus chauds. Ceci a été précédemment mentionné dans d’autres études et plus particulièrement par rapport aux enfants (Alberghina et al., 2017; Park et al., 2019). L’explication la plus plausible étant que le risque de contact avec les chiens est plus élevé puisque ces derniers sont habituellement gardés à l’extérieur et sont souvent laissés libres (Aenishaenslin et al., 2018; Simon et al., 2017).

Parallèlement, les données récoltées lors des entrevues ainsi que les données de l’ACIA indiquaient que les cas d’expositions humaines reliés à la faune et les cas de rage animale étaient plus fréquemment rapportés en hiver, ce qui concorde avec la littérature sur la rage du renard arctique (Mork & Prestrud, 2004). En se référant à nos données qualitatives, ceci serait attribuable au fait que la saison de piégeage et de trappe des animaux sauvages à fourrure, une tradition toujours pratiquée par les autochtones, se situe entre les mois de novembre et mars. Une autre piste serait le rapprochement des animaux sauvages aux zones d’habitation pendant la saison froide pour chercher la nourriture, tel que mentionné lors des entrevues (Mork & Prestrud, 2004).

Beaucoup moins d’animaux rabiques ont été identifiés dans les villages de la baie d’Ungava en comparaison aux villages de la baie d’Hudson, où l’on voit plus que 70% des cas positifs. Une étude antérieure réalisée sur l’épidémiologie de la rage au Nunavik entre 1999 et 2012 a estimé des taux de couverture vaccinale différents chez les canidés domestiques entre les deux côtes en faveur de la baie d’Ungava (Aenishaenslin et al., 2014). Cette hypothèse reste cependant à vérifier vu l’absence de données fiables sur la vaccination des chiens et l’impact de celle-ci sur l’exposition humaine à la rage.

En effet, depuis 1983 et conjointement avec la faculté de médecine vétérinaire (FMV) à partir de 2017, le MAPAQ offre chaque année des compagnes de vaccination dans les 14 villages, à la demande des maires (Simon et al., 2017). Au cours de ces tournées, l’équipe formée de vétérinaires et d’étudiants tente également de proposer des services de sensibilisation et de former des vaccinateurs locaux. Toutefois, au cours de l’analyse des données de signalements et à travers les discussions avec les représentants des municipalités, nous nous sommes aperçus que le statut vaccinal des chiens au Nunavik demeure dans la plupart du temps inconnu; ceci est dû d’une part à l’absence de services vétérinaires permanents et de dossiers de santé animale facilement consultables et d’autre part à l’impossibilité d’identifier les chiens puisque ces derniers ne sont pas systématiquement enregistrés. Ces interprétations restent donc incertaines et nécessitent plus d’investigations.

En ce qui concerne les canidés sauvages au nord du Québec, la prévalence de la rage a été discuté auparavant; entre 1999 et 2012, la proportion d’animaux rabiques parmi ceux soumis au test diagnostique était très importante (67%, 67% et 90% pour le loup, le renard arctique et le renard roux, respectivement) (Aenishaenslin et al., 2014). Dans notre étude, ceci a été confirmé avec une proportion de 43% de tests positifs parmi les animaux sauvages contre 4% seulement chez les canidés domestiques. Cependant, les cas d’exposition humaine confirmée dans notre étude ont été majoritairement liés aux chiens (60%). Tel que rapporté par d’autres auteurs, la proximité et le contact étroit avec les animaux domestiques les rendent plus susceptibles d’exposer les humains au risque de rage (Richards, Rusk, & Douma, 2019). Ceci confirme le rôle des chiens en tant qu’intermédiaire à l’exposition humaine et de ce fait, l’importance du problème des morsures canines en tant que menace à la santé publique dans un contexte endémique de rage au Nunavik. De plus, nos données contextuelles montrent que le contact entre les canidés sauvages et domestiques au nord, bien que rare, n’est pas impossible. Finalement, bien que le taux de positivité parmi les animaux soumis au test rabique soit relativement élevé au Nunavik par rapport à l’ensemble de la province (MAPAQ, 2018), aucun cas de rage humaine n’a été déclaré durant la période d’étude. Nos analyses ont montré que la PPE a été administrée à toutes les victimes qui ont été en contact avec des animaux révélés rabiques à posteriori et que la décision était plutôt liée au type d’animal impliqué et au site de l’exposition, sans distinction par rapport à l’âge, le sexe ou le village d’exposition. Ceci

démontre le bon fonctionnement du système de prévention de la rage mis en place par le MSSS et l’efficacité de l’algorithme décisionnel utilisé.

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