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Impacts de l'orientation militariste de l'intervention: déficit d'autonomisation et de

Chapitre 4. Analyse: déficit de l'approche de sécurité humaine

4.2 Orientation militariste de la mission canadienne et support aux États-Unis et à l'OTAN:

4.2.1 Impacts de l'orientation militariste de l'intervention: déficit d'autonomisation et de

L'orientation militariste qu'a prise la mission canadienne à Kandahar a eu des impacts importants sur la sensibilité de la mission envers l'autonomisation et la sensibilité aux besoins locaux des Kandaharis. En effet, la mission étant majoritairement enlignée sur les priorités et décisions des FC,11 cette dynamique a eu pour effet de miner la sensibilité générale de

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l'intervention face à ces critères de sécurité humaine étant donné que les militaires sont moins soucieux des besoins d'autonomisation et de consultation que les agences civiles.

Ces impacts sont notamment visibles au sein des quatorze rapports canadiens. Pour les trois codes liés au critère de protection de sécurité humaine où les FC sont intensément impliquées,12 ces codes ont accumulé un seul point sur une possibilité de quarante-deux en ce qui a trait au critère de consultation des besoins locaux. En effet, on remarque, dans l'analyse des quatorze rapports, plusieurs extraits liés aux trois codes du critère de protection où, bien qu'il y ait présence du critère de protection, il y a une absence de processus de consultation des besoins locaux:

111 (Protection des individus): Il est indispensable que l’ANA [Armée nationale afghane] soit bien dirigée, bien entraînée et bien équipée pour que le gouvernement afghan exerce sa souveraineté et maintienne la sécurité à un niveau suffisamment élevé pour exercer ses pouvoirs efficacement et assurer la bonne marche des activités de développement (Canada 2009b, 9).

112 (Protection des droits): Le Canada a continué de prendre part à la formation et au développement, à tous les niveaux, de la PNA. Tout le programme de formation de la PNA par la FIAS a été placé sous la direction d'un major-général canadien. Les Forces canadiennes encadrent les membres du personnel des quartiers généraux responsables des services de police dans les six provinces du Sud (Canada 2010d, 7).

101 (Humanitaire): L'aide humanitaire continuera d'être acheminée aux réfugiés, aux rapatriés et aux déplacés à l'intérieur de la province de Kandahar et du pays. Le déminage et la sensibilisation aux risques que représentent les mines [...] se poursuivent dans plusieurs parties de la province de Kandahar (Canada 2009c, 10-1).

De surcroît, il est à noter que les Forces canadiennes étaient également impliquées dans les différents processus de reconstruction et de développement comme le mentionne le premier rapport de 2008: « les Forces canadiennes se consacreront davantage au renforcement des capacités des forces de sécurité afghane à Kandahar, de même qu’à l’appui des activités du gouvernement et de la reconstruction » (Canada 2008b, 8). Cependant, comme nous l'avons vu précédemment au tableau 4, les rapports canadiens n'ont obtenu qu'un total de dix points sur une

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possibilité de quatre-vingt-dix-huit pour le critère de consultation des besoins locaux pour tous les codes liés à l'autonomisation. De plus, il s'avère que les dix points récoltés ne sont pas attribuables au travail des FC, mais bien au travail de d'agences civiles canadiennes. L'analyse des différents rapports suggère donc de façon évidente que le travail des Forces canadiennes n'a pas su faire preuve de sensibilité à la consultation des besoins locaux autant en matière de protection et d'autonomisation.

Or, au-delà de l'analyse des rapports, des auteurs identifient également que les Forces canadiennes ont nui aux processus d'autonomisation étant donné que les militaires ne sont pas considérés comme des acteurs pouvant assurer un bon processus d'autonomisation et de développement notamment en matière d'économie, d'éducation, de santé, de gouvernance, etc. À vrai dire, ces différents projets d'autonomisation et de développement sont rarement inclus dans le travail typique des militaires. Albo et Klassen (2013, 296) corroborent cette conclusion en expliquant que l'orientation très militariste de la mission canadienne, notamment en termes d'effectifs et de pouvoir de prise de décisions, « [...] has rendered the operation incapable of reaching out to Afghan population or engaging in actual development work ». En effet, au plus fort de l'intervention canadienne, les effectifs respectifs des forces canadiennes et des agences civiles divergeaient de façon impressionnante avec 2 950 militaires contre 120 civils canadiens (Canada 2012, 1). De plus, il s'avère qu'à de nombreux égards, les décisions des agences civiles étaient subordonnées, voire secondaires, aux décisions des militaires, comme il le sera démontré à la section 4.2.2.1, notamment puisque les civils pouvaient rarement quitter les camps militaires canadiens par mesure de sécurité (Albo et Klassen 2013, 296).

Il en va de même en ce qui a trait au processus de consultation des besoins locaux où les auteurs expliquent que selon le Senlis Council (aujourd'hui le International Council on Security and Development) plusieurs communautés locales de Kandahar ont identifié les troupes

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canadiennes comme étant agressives, indifférentes, militaristes et avec peu d'aptitudes à la communication (Albo et Klassen 2013, 296). Ils démontrent également qu'étant donné leur manque évident de connaissances de la population locale, ces comportements des FC ont mené la population locale à craindre la présence des troupes étrangères à Kandahar.

Bref, l'analyse des différents rapports propose que l'orientation militariste de la mission canadienne constitue une hypothèse intéressante qui pourrait avoir nui de façon importante au processus d'autonomisation et de consultation des besoins locaux essentiels à l'approche de sécurité humaine. C'est notamment pour ces raisons que « [...] it is the Taliban, not the Canadian Forces, that have won 'hearts and minds', or at least political influence, in southern Afghanistan » (Albo et Klassen 2013, 296). Ainsi, avec en moyenne 250 militaires canadiens pour 47 agents civils où les militaires ne sont pas considérés comme étant « [...] the best development partners for local administration » (Albo et Klassen 2013, 296) il s'avère que la mission canadienne a davantage «[...] alienated the population, which increasingly supports the insurgency or opposes the presence of foerign troops » (Albo et Klassen 2013, 294). Il semble donc de plus en plus évident que le manque de sensibilité des FC aux besoins locaux et à l'autonomisation des Kandaharis a nui à l'approche de sécurité humaine de la mission et pourrait donc avoir contribué aux échecs. Toutefois, de futures recherches sont nécessaires afin de déterminer le lien causal concret entre ce déficit et les échecs de la mission.