• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : LES GANGS CRIMINELS TRANSNATIONAUX COMME

1.2 L'État et l'impact du phénomène des gangs

1.2.1 Les quatre niveaux de l'État menacés par le phénomène des OCT

1.2.1.3 Impacts sur l’ordre public

Les gangs sont nécessairement associés à la violence sous différente forme. De plus, leur présence mène à l'augmentation de l'usage de la violence chez d'autres groupes d'acteurs

45 Une situation qui est définie comme plus qu'une défaillance en tant que source d'autorité, mais plutôt une inhabileté à pouvoir sécuriser l'intérêt général de la population. (Beetham 1991, 209)

non étatiques46 et chez les forces de l'ordre. Comme nous l'avons vu, les gangs utilisent la violence non pas pour défaire le gouvernement en place, mais plutôt pour l'intimider et le contrôler. Malgré cela, c'est une menace directe à la souveraineté étatique puisque l'usage privé de la violence par les gangs met en sérieux péril le supposé monopole étatique de la violence. Plus qu'une simple comparaison de puissance de frappe, l'absence de monopole veut aussi dire que le gouvernement ne peut garantir l'ordre public et qu'il manque à son devoir de sécurisation du territoire. Comment procéder pour explorer le spectre de la violence des gangs? En effet, il est difficile de comparer l'intimidation d'un chauffeur d'autobus pour quelques dollars avec les assauts contre les postes de police locaux. Ce que nous cherchons à mettre en exergue est que chacun des actes de violence perpétués par les gangs fait partie de la même vague d'intimidation qui a pour objectif de maintenir la position de pouvoir des gangs sur les territoires qu'ils contrôlent et ainsi garder leurs marchés illicites stables.

D'après Schmid, le narcoterrorisme peut être défini de deux façons. Dans la définition étroite, ce sont des actes de terrorisme posés par les trafiquants : « activities initiated by drug traffickers using violence or the threat of violence against individuals, property or state, or its agents, to intimidate or coerce people into modifying their actions in a way advantageous to the drug traffickers. » (Schmid 1996, 66) Sullivan nous permet d'inclure toutes leurs actions sous cette notion de « vague » : « a blend of traditional terrorism and quasi-terrorism finds its form in narco-terrorism. » (Sullivan 1997, 97)

Ce qui est important de noter dans cette définition du narcoterrorisme pour les actions d'un groupe criminel violent par nature est que malgré l'absence d'idéologie politique47 définie, les OCT utilisent la violence de façon sophistiquée comme forme de désapprobation des décisions gouvernementales et comme manière d'assurer leurs objectifs économiques (Taylor 1985, 114).48 En effet, si l'on considère l'intensification

46 On peut citer les groupes de sécurité communautaires non enregistrés qui agissent en tant que vigile ou des escadrons de la mort composés d'anciens policiers et militaires qui tentent de faire la loi et de « nettoyer » leur quartier. (Boerman 2007, 11)

47 Voir la discussion sur l'insurrection dans la section 1.1.

48 L'analyse du narcoterrorisme est reliée à l'époque des cartels de Kali (Colombie), mais s'applique encore de nos jours.

des conflits entre policiers militaires et membres des gangs comme une forme de guerre civile, l'argument de l'insurrection sans idéologie suit son cours. Même si l'on doit considérer l'usage de la violence par les gangs comme un crime au sens commun du terme49 et non un acte de guerre dans le sens traditionnel, la menace sérieuse que posent les OCT peut être interprétée comme la force canalisatrice d'une guerre interne dû au niveau d'armement et aux pertes engendrées par l'État. Effectivement, la distinction entre le crime et la guerre est de plus en plus ambiguë maintenant que le concept de guerre a été étendu après la Guerre froide (Van Creveld 1991, 204). Le narcoterrorisme, dans son sens large, est reconnu comme la relation étroite entre les groupes terroristes et les trafiquants, qui représente en fait une alliance strictement d'intérêt.

Williams et Sonoma nous expliquent que le point de convergence entre les deux groupes est basé sur « the willingness of transnational criminal organizations to develop direct links with groups that engage in widespread use of violence for political purposes and the needs of terrorist groups to ensure sponsorship of their activities due to the changed political context at the end of the Cold War. » (Williams et Savona 1996, 26) Ce mariage de convenance rend les opérations étatiques plus difficiles, car les groupes qui traitent du crime sont souvent différents de ceux qui s'occupent des cellules terroristes.50 De plus, cette relation est mutuellement avantageuse au niveau du financement et de l'entraînement au combat ainsi que de la protection que s'échangent les deux groupes. Cette alliance génère le genre de ressources qui permettent aux organisations criminelles de menacer et même d'assassiner les fonctionnaires publics et politiciens opposés au marché de la drogue.

Parmi les victimes potentielles, les plus vulnérables se retrouvent au sein du système judiciaire, car ils font directement face aux gangs et il existe une histoire de menaces de mort et d'exécutions par rapport aux juges et avocats dans les cas reliés aux gangs de trafiquants. C'est l'intimidation qui permet souvent aux criminels d'agir en toute impunité et qui bloque le système judiciaire. L'usage de la violence et de l'intimidation

49 Surtout si l'on prend en compte le spectre complet de la manifestation de la violence des gangs de première génération.

50 Dans les pays latino-américains, on parle de la police et des militaires, alors qu'aux États-Unis on parle plutôt du FBI et le DEA respectivement.

par les gangs de rue érode l'ordre public, la sécurité des citoyens et de l'environnement communautaire, et ce, en partie à cause de cette défaillance gouvernementale51 dans leur devoir de les assurer. La menace posée par les OCT défie le monopole de la violence et la souveraineté interne de l'État et peut rendre inapte la capacité étatique de contrôle de la sécurité sur son territoire. La perception de ce manque de contrôle aux niveaux domestique et international affecte la réputation de l'État.