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Chapitre 2 Recension des écrits et cadre conceptuel de référence

2.3 Leadership, facilitation et adoption du changement

2.3.6 Impacts de l’agent de changement sur l’adoption des pratiques

Certaines études se sont particulièrement intéressées aux impacts des agents de changement sur la facilitation de l’implantation, l’adoption et la pérennisation de nouvelles pratiques de soins. Lors d’une étude qualitative réalisée auprès de facilitateurs ayant supervisé l’implantation de guides de pratique pour les accidents vasculaires cérébraux, Bidassie et al. (2015) concluent que leur présence physique a contribué à écouter, évaluer, informer, motiver et soutenir les équipes de soins. Par ailleurs, les résultats d’une revue systématique de Baskerville, Liddy, et Hogg (2012) montrent que les pratiques basées sur les données probantes sont 2,76 (IC 95 % [2,18-3,43]) fois plus susceptibles d’être adoptées en première ligne grâce à la facilitation. Cette même étude indique que l’adoption des pratiques est positivement influencée par l’adaptation des interventions au contexte local (

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=0,05), l’intensité (

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=0,03) et le nombre d’interventions (

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=0,004) réalisées par le facilitateur.

Lors d’une étude quasi expérimentale, Kirchner et al. (2014) ont évalué l’effet de la présence de facilitateurs sur l’implantation d’un programme d’intervention visant l’intégration des soins psychiatriques dans sept cliniques de soins de première ligne du Department of Veterans Affairs’ aux États-Unis. Les résultats montrent que les patients des cliniques de première ligne soutenues par un facilitateur avaient neuf fois plus de chance d’être dirigés vers le nouveau programme (RC 8.93,

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=0,001) que les patients suivis dans les cliniques ne bénéficiant pas d’un tel soutien. Lors de leur étude descriptive comparative, Hauck et al. (2013) se sont intéressés aux impacts de stratégies de facilitation sur la pratique basée sur les données probantes (PBDP) dans un établissement de soins aigus de 429 lits du Midwest américain. Ces stratégies incluaient 1) un soutien de la recherche et de la PBDP, 2) la facilitation des mécanismes permettant aux infirmières de discuter de la PBDP, 3) le développement de mentors en PBDP, 4) la génération d’une masse critique d’infirmières sur chaque unité pour promouvoir la PBDP, 5) la facilitation des mécanismes de promotion d’une culture de PBDP, 6) la facilitation de la dissémination des résultats de recherche et faire connaître les chercheurs et, 7) l’amélioration de la qualité des indicateurs de résultats liés à la PBDP. Les résultats indiquent une amélioration de 7 % de la confiance des

infirmières de chevet quant à leur capacité à utiliser les données probantes (F (1, 899) = 52,2,

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<0,001). De plus, ces stratégies ont amélioré l’état de préparation de l’organisation pour utiliser les données probantes de 26 % (F (1, 849) =146,9, 52,2,

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<0,001) et la progression vers une culture de soins basée sur les données probantes de 19 % (F (1, 896) = 128,1,

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<0,001). Par contre, la fréquence à laquelle les intervenants utilisent les données probantes dans leur travail quotidien est demeurée basse et non significative malgré une amélioration observée de 14 %. Outre l’attention portée aux structures et aux processus, les auteurs soulignent que les activités de facilitation doivent être soutenues par l’administration, être adaptées aux besoins des intervenants locaux et comporter du mentorat et des modèles de rôles.

Lors d’un essai randomisé en grappes, Charrier et al. (2008) ont comparé une stratégie standard d’implantation de protocoles de gestion des plaies de pression et des cathéters veineux centraux et périphériques (témoin) et une stratégie d’implantation de ces protocoles supervisée par des facilitateurs (expérimental) auprès de 160 infirmières de dix départements d’un hôpital de soins aigus. Bien que les indicateurs utilisés montrent une amélioration des pratiques chez les infirmières des deux groupes, les résultats indiquent une différence significative (

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<0,05) en faveur des infirmières du groupe expérimental qui ont amélioré 12 indicateurs d’implantation du protocole de gestion des cathéters versus un pour celles du groupe témoin et sept indicateurs d’implantation du protocole de gestion des plaies de pression versus un pour les infirmières du groupe témoin. Au-delà de ces résultats statistiques, les infirmières du groupe expérimental ont observé que la présence de facilitateurs leur procurait un environnement protégé dans lequel elles pouvaient faire part de leurs difficultés et proposer des solutions. Selon ces mêmes infirmières, le principal obstacle rencontré était le temps et les ressources humaines nécessaires pour être en mesure de participer à toutes les rencontres avec les facilitateurs.

Dans le cadre d’une étude qualitative descriptive, Ritchie, Parker, Edlund, et Kirchner (2017) ont évalué l’influence de la facilitation sur qualité de la pratique clinique et l’adhésion à un programme intégré de soins en santé mentale basé sur les données probantes dans 16 sites de quatre organisations desservant 180 766 patients. Les résultats obtenus montrent que les expériences d’innovation les plus réussies ont été observées dans les sites qui ont profité de la présence de facilitateurs et qui présentent un fort leadership structurel s’exprimant notamment par l’engagement et le soutien des gestionnaires et l’autorité dévolue aux facilitateurs lors de l’implantation du programme. Enfin, Kinley, Stone, Butt, Kenyon, et Santos Lopes (2017) ont réalisé une étude évaluative de l’implantation d’un programme de soins palliatifs d’une durée de quatre ans dans 23 établissements de soins prolongés britanniques. Ce programme consistait en six étapes implantées graduellement soit, l’évaluation et la planification des soins, les discussions sur les approches de fin de vie, les soins dans les derniers moments de vie, les soins après le décès, la prestation de soins de qualité et la coordination des soins. Les résultats de l’étude indiquent notamment que les facilitateurs du programme ont

aidé les intervenants à identifier les pratiques de soins à améliorer et que leur présence dans un établissement assurait un suivi plus rigoureux de ce programme.

Ces données semblent indiquer que les agents de changement et les facilitateurs sont en mesure d’influencer positivement l’implantation et l’adoption de certaines pratiques cliniques dans les milieux de soins. Le succès des processus d’implantation de ces pratiques semble cependant fonction de l’adaptation des stratégies et activités de facilitation au contexte local et aux besoins spécifiques des intervenants à qui les nouvelles pratiques de soins sont destinées. Malgré le peu de données disponibles quant à l’implication d’infirmières à titre d’agentes de changement et de facilitatrices dans l’implantation de programmes d’interventions de soins palliatifs spécifiquement destinés aux résidents atteints de démence avancée vivant en CHSLD, les résultats des études répertoriées montrent les impacts positifs de ce rôle de facilitation sur l’implantation de divers changements, ainsi que sur l’adoption et la pérennisation de certaines pratiques de soins basées sur les données probantes. Ces infirmières prodiguent des soins cliniques, agissent comme consultantes, s’impliquent dans la formation et le mentorat de leurs collègues et coordonnent la mise en place des changements nécessaires pour améliorer la qualité des soins. Leur implication en soins palliatifs semble améliorer à la fois la qualité des soins de fin de vie prodigués aux personnes à leurs proches et les connaissances et la compétence des équipes de soins. Les résultats des études disponibles suggèrent toutefois que les infirmières impliquées dans l’amélioration de la qualité des soins doivent posséder des qualités et des compétences spécifiques qui les habilitent à établir des relations interpersonnelles et à s’acquitter de leurs tâches de coach et de coordination dans le respect de la culture de l’organisation. De plus, ces infirmières doivent disposer de ressources suffisantes pour être en mesure de réaliser les interventions requises et jouir pleinement du soutien et de la confiance des administrateurs de ces organisations.

Cependant, les compétences, habiletés et qualités des agents de changements ou facilitateurs qui ont été identifiées dans la littérature scientifique ont été établies dans différents contextes et s’avèrent assez générales. Elles ne sont donc pas spécifiques à l’implantation d’un programme de soins palliatifs dans la démence en CHSLD. De plus, bien que les études empiriques aient permis de mettre en évidence certaines caractéristiques de ces agents de changement et facilitateurs et décrire leurs activités de facilitation et le contexte dans lequel elles sont mises en œuvre, aucune structure à l’intérieur de laquelle ces éléments s’articuleraient et se regrouperaient n’a jusqu’à présent été proposée. La prochaine section présentera les assises conceptuelle et théorique de cette étude, afin de déterminer un cadre de référence qui permettra de mieux circonscrire l’activité de facilitation visant à soutenir l’implantation et l’adoption du changement dans le domaine de la santé.