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Impact de la thixotropie sur le process de production industrielle

CHAPITRE 3 : COMPORTEMENT A L’ETAT FRAIS

3.3. Impact de la thixotropie sur le process de production industrielle

Le phénomène de thixotropie des bétons autoplaçants est bien connu. (Saak et al., 2001), (Assaad et al., 2003) et (Billberg, 2003) ont montré que la thixotropie peut présenter des avantages dans le cas des bétons autoplaçants comme la réduction de la poussée exercée sur les coffrages et la réduction de la ségrégation statique après leur mise en place. (Roussel, 2006a) a néanmoins relevé un inconvénient majeur de la thixotropie, qui est le risque d’hétérogénéité en cas de coulage multicouches. En effet, durant la mise en place, si la couche de béton inférieure se restructure rapidement avant la mise en place d’une deuxième couche supérieure, les deux couches peuvent alors ne pas se mélanger et créer une interface constituant une zone perméable de moindre résistance.

Dans la fabrication de BFUP à l’échelle industrielle, le volume de béton fabriqué est réduit à la moitié de la capacité du malaxeur comme nous avons pu le tester. Ceci signifie qu’il est nécessaire dans certains cas de réaliser un coulage en multicouches pour des pièces volumineuses. A cette problématique s’ajoute des temps de malaxage plus longs que pour des bétons ordinaires. Face à ces contraintes de production et compte tenu du caractère thixotrope des BFUP de notre étude, il est donc indispensable d’évaluer le temps critique entre deux bétonnages afin d’éviter les impacts sur les performances mécaniques et de durabilité des éléments fabriqués.

(Roussel et Cussigh, 2008) ont montré qu’il est possible de déterminer le temps critique entre deux bétonnages à partir du coefficient Athix selon l’équation (3 – 6) :

•k =3.5}–ℎ

bℎ—˜ (3 – 6)

Où :

 Tc est le temps critique à respecter entre deux coulages (secondes) ;

 Athix est l’indicateur de thixotropie (Pa/s) ;

 h est la hauteur de la deuxième couche de béton (m) ;  ρ est la masse volumique de béton (kg/m3)

Cette équation est valable si le comportement rhéologique du matériau est de type Binghamien et que la hauteur de la deuxième couche de béton est supérieure à 10 cm. Les applications visées en BFUP sont en général des structures de faible épaisseur. Nous avons néanmoins décidé de déterminer les valeurs de ce temps critique à titre informatif de manière à permettre à l’industriel de constituer une base de données et d’informations sur le comportement thixotrope des formulations de BFUP développées. Le temps critique a été calculé pour chaque formulation et présenté dans le Tableau 3 - 4.

Tableau 3 - 4 : Temps critique à ne pas dépasser entre les bétonnages des BFUP étudiés

Béton Thixotropie

Athix (Pa/s)

Classification Temps critique (Tc) en minutes 880-2%-FS 0,23 Thixotrope 49 880-2%-MK 0,43 26 880-1,5%-MK 0,27 41 680-2%-MK 0,32 34

Le temps critique diminue lorsque la thixotropie augmente. Par conséquent, le BFUP incorporant la fumée de silice présente le temps critique le plus élevé (49 minutes) par rapport à ceux à base de métakaolin. La plus forte thixotropie est obtenue avec la formule 880-2%- MK, induisant le plus faible temps critique de 26 minutes. Ce délai est légèrement plus court par rapport au temps total d’un cycle de fabrication d’une pièce in situ, comme le montre le Tableau 3 – 5.

Tableau 3 – 5 : Temps total d’un cycle de bétonnage d’un élément de préfabrication

Actions Temps (minutes)

Pesée des matériaux 3

Malaxage à sec 2

Malaxage humide 8

Malaxage humide avec fibres 2

Vidange 1

Transport du seau jusqu’à la pièce

à couler 2

Bétonnage 7-10

Temps de fabrication et

approvisionnement 15-18

Temps total maximal 28

Le temps total maximal de fabrication est de 28 minutes et le temps hors bétonnage est de 18 minutes. Afin d’éviter les conséquences de la thixotropie dans le cas d’un bétonnage en multicouches, 2 méthodes peuvent être appliquées pour éviter une reprise de bétonnage. La première consisterait à laisser le béton de la première gâchée dans le seau en attendant le

malaxage de la deuxième gâchée. Le temps de malaxage étant de 12 minutes, lorsque la deuxième gâchée est vidangée, les deux bétons se mélangent bien dans le seau sous le poids propre du nouveau béton, qui peut être assimilé à une contrainte de cisaillement qui peut casser facilement la surface de l’ancien béton qui s’est structurée par thixotropie. Une deuxième méthode consisterait à enchaîner le malaxage de la gâchée suivante dès la vidange dans le seau de la gâchée précédente. Pendant la phase de transfert du sceau vers la pièce et de bétonnage qui dure 9 à 11 minutes, le malaxage se déroule pendant environ 12 à 15 minutes si l’on tient compte de la pesée des matériaux. Néanmoins, une dessiccation de surface, non étudiée dans les études rhéologiques grâce aux précautions du dispositif d’essai qui la limite, peut être non négligeable dans le hall de préfabrication de l’usine et entrainer une rigidification de la couche supérieure accentuant l’effet de reprise de bétonnage. Une autre méthode consisterait enfin à casser mécaniquement la surface de la première couche de béton coulé par un procédé mécanique (type râteau) ou avec une aiguille vibrante avant de verser la deuxième couche. Toutefois, l’utilisation de l’aiguille vibrante n’est pas conseillée dans le cas des BFUP en raison des perturbations générées dans l’orientation des fibres, qui peut impacter défavorablement ses propriétés, en particulier le comportement en traction des éléments préfabriqués.

CONCLUSIONS

Le comportement à l’état frais des quatre formulations de BFUP établies dans le chapitre 2 a été investigué dans ce chapitre. Dans l’optique de proposer des préconisations et des bonnes pratiques de production et de mise en œuvre de ces nouveaux matériaux en usine de préfabrication, il était primordial d’étudier les paramètres rhéologiques à l’état frais, dès la fin du malaxage, et leurs évolutions dans le temps.

La caractérisation à l’état frais a été réalisée au moyen des essais classiques tels que l’étalement au mini-cône et l’écoulement à la mini-boite en L. Des mesures ont également été effectuées au rhéomètre à béton afin de caractériser plus finement les propriétés à l’état frais, de déterminer les évolutions de l’aptitude à l’écoulement et les effets de structuration dans le temps grâce à l’analyse des seuils statiques de cisaillement et des viscosités plastiques. Ces essais ont ainsi été réalisés immédiatement à la fin de malaxage et après différents temps de repos pour les quatre formulations de BFUP.

Tous les BFUP de notre étude peuvent être considérés comme autoplaçants. En effet, les valeurs d’étalement au mini cône à la fin de malaxage sont comprises entre 30 et 34 cm, ce qui est conforme aux indications de (Wille et al., 2012). Les temps d’écoulement à la mini- boite en L (T_Lbox_2) relevés pour les quatre BFUP montrent que la formulation avec fumée de silice comporte un temps d’écoulement plus faible que celui des BFUP qui incorporent du métakaolin. Ceci est lié probablement à la différence de morphologie entre les grains de fumée de silice, sphériques, et de métakaolin, sous forme de plaquettes. Les mesures au rhéomètre à la fin du malaxage ont mis en évidence un comportement de type Binghamien dans la plage des gradients de vitesses étudiés, comme attendu. Les résultats des essais au rhéomètre dès la fin du malaxage ont montré que les BFUP à base de métakaolin sont caractérisés par une viscosité relativement élevée par rapport à la formule avec fumée de silice, pour la même raison de la forme en plaquette irrégulière de cette fine. Les formules 880-2%-FS et 880-2%-MK, de volume de pâte et de fibres quasiment comparables, présentent un seuil statique (contrainte de cisaillement nécessaire pour faire s’écouler le matériau au repos) très proche. Une réduction de la valeur de ce seuil a été constatée pour la formule 680- 2%-MK, qui contient le plus faible volume de pâte, et pour 880-1,5%-MK, valeur minimale du seuil, qui est la moins dosée en fibres, démontrant l’influence de ces deux paramètres de formulations sur les propriétés rhéologiques.

Les mesures de l’étalement au mini cône, de l’écoulement à la mini-boite en L, et celles au rhéomètre, après différents temps de repos, ont permis d’étudier l’évolution des grandeurs rhéologiques en fonction du temps. Les résultats montrent une augmentation de tous les paramètres avec le temps de repos, sauf pour la viscosité plastique de la formulation à base de fumée de silice. Cette différence de comportement traduit une restructuration supérieure pour les BFUP avec métakaolin qui affecte leur aptitude à l’écoulement dans le temps. Elle pourrait s’expliquer encore une fois par la morphologie distincte des deux ultrafines, avec la forme régulière et ronde des particules de fumée de silice plus favorables à l’écoulement que celle irrégulière de type plaquettes du métakaolin qui augmente les frottements entre ses grains. Elle pourrait être également induite par une absorption d’eau différée du métakaolin.

L’investigation de la thixotropie a permis de montrer que toutes les formulations de BFUP de notre étude étaient thixotropes selon la classification proposée par (Roussel, 2006a). Celles à base de métakaolin présentent une thixotropie supérieure à celle du BFUP avec la fumée de silice, vraisemblablement pour les mêmes raisons qu’avancées pour les autres résultats

rhéologiques à savoir la forme des grains. Le mélange le plus thixotrope est 880-2%-MK qui contient le plus de pâte et de fibres.

A partir du coefficient Athix, nous avons déterminé le temps critique, qui représente le

délai maximal entre deux couches de béton lors du coulage de pièces de structure de grand volume au-delà duquel le béton ne se mélange pas correctement, créant le risque d’une interface de reprise de bétonnage qui peut affecter localement les propriétés mécaniques et de transfert. Les résultats ont montré que la formule 880-2%-MK, la plus thixotrope, présente évidemment le temps critique le plus court (26 minutes). Par rapport au temps estimé nécessaire pour la séquence de malaxage, environ 15 minutes, pesée des matériaux comprise, et au temps total maximal en tenant compte de la vidange du malaxeur, du transport du seau et du bétonnage de la pièce, soit autour de 28 minutes, le risque de créer une interface singulière est réel. Des solutions pratiques ont donc été proposées.

L’étape de caractérisation à l’état frais des formules de BFUP établies dans le chapitre 2 étant réalisée, nous pouvons désormais entamer la caractérisation à l’état durci de ces BFUP afin notamment de les situer de manière réglementaire selon les prénormes matériaux BFUP (PR NF P18-470) et calculs des structures (PR NF P18-710). Ce sera l’objet du chapitre 4.

CHAPITRE 4 : COMPORTEMENT A