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L'impact de la participation à un programme d'alphabétisation sur le savoir lire

Chapitre 3 : L’efficacité des programmes d’alphabétisation en Afrique

1. L'impact de la participation à un programme d'alphabétisation sur le savoir lire

Une première étape consiste à mesurer le degré de participation à des programmes

d'alphabétisation dans chacun des 25 pays de notre échantillon25 et à identifier leurs

participants, avant dans une seconde étape, d'estimer dans quelle mesure la fréquentation d'un programme d'alphabétisation fait progresser le savoir lire des individus, qu'ils aient été ou non scolarisés durant leur jeunesse. Ces analyses nous permettront de connaître les bénéfices que retirent les individus à avoir suivi un programme et d’estimer le degré de substitution, puis de complémentarité des programmes avec la scolarisation primaire (dans l’organisation actuelle, sont-ils plutôt pertinents pour ceux qui n’ont jamais été scolarisés ou bien pour ceux qui

l’avaient déjà été pendant x années?).

1.1. La participation aux programmes

Dans les enquêtes de ménages du programme DHS, les individus sont interrogés sur leur éventuelle fréquentation d'un programme de la façon suivante : « avez-vous déjà participé à un programme d’alphabétisation ou à tout autre programme incluant l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture (hors scolarisation primaire) ? ». Notons qu’il existe un taux plus ou moins élevé selon les enquêtes, de données manquantes. Cela peut en partie s’expliquer par le fait que dans certains pays, les individus ayant été scolarisés au-delà de l’enseignement secondaire sont considérés comme alphabètes et n’ont donc pas été interrogés sur leur éventuelle participation à un programme d’alphabétisation. Le Graphique 30 ci-dessous présente les résultats pour les 25 pays de notre échantillon.

25 Il existe des enquêtes DHS pour 27 pays, mais les données concernant le Gabon et le Tchad sont incomplètes pour notre recherche (la question sur la participation à un programme d'alphabétisation n'ayant pas été posée ou étant non complétée). Nous avons donc dû retirer ces pays des analyses.

Graphique 30 :Taux de participation des 15-24 ans à un programme d'alphabétisation

On observe qu’il existe une forte variabilité entre les pays dans le niveau de participation de la population des 15-24 ans à un programme d'alphabétisation. La proportion d'individus ayant déjà fréquenté un programme, qui s'établit en moyenne à 5,9 %, varie de 0,8 % au

Mozambique26 à 18,8 % au Sénégal. Comme cela apparaît clairement sur le graphique, la

participation à un programme est relativement faible : si elle est supérieure à 10 % dans 5 des 25 pays de notre échantillon (Sénégal, Burkina Faso, Namibie, Mali et Ethiopie), cela concerne moins de 6 % de la population dans les 20 autres.

Si la faiblesse et la variabilité de la fréquentation des programmes d'alphabétisation offrent sans doute des perspectives intéressantes en termes d'actions, elles soulèvent également plusieurs questions. Au niveau macro, il est possible que ces résultats soient liés au niveau de développement économique des pays, et d'une part, à la situation de l'alphabétisme, ou d'autre part, au niveau de développement de la scolarisation primaire. On peut, par exemple, supposer que dans un pays, qui serait caractérisé (par rapport à la moyenne des autres) par un niveau de richesse élevé, une meilleure rétention au cycle primaire et une population davantage alphabétisée, la fréquentation des programmes soit très différente de celle d'un pays ayant les caractéristiques opposées. Pour tester cette hypothèse, nous avons estimé l’impact du niveau de développement économique du pays (log du PNB par habitant) et dans un premiers temps, du taux d’alphabétisation des individus âgés de plus de 15 ans (modèle 1), et dans un second temps, du taux de rétention au cycle primaire (modèle 2), sur le taux de fréquentation à un programme d’alphabétisation. Les résultats sont présentés dans le tableau 43 ci-dessous.

26 Le Mozambique a ensuite été retiré des analyses, en raison du très grand nombre de données manquantes (96% de l’échantillon) et du très faible effectif d’individus ayant fréquenté un programme.

Tableau 43 :Impact des variables contextuelles sur la fréquentation d'un programme (estimation avec transformation logistique de la variable dépendante)

N = 25

Modèle 1 Modèle 2 Variables

Constante - 7,969 *** - 6,846 *

Log du PNB / habitant + 0,908 ** + 0,688 (ns) Taux d'alphabétisme 15 ans et + - 0,025 ** - Taux d'achèvement du primaire - - 0,019 (ns)

42,7% 9,0%

Seuil de significativité : ns = non significatif ; * = significatif à .05 ; ** = à .01 ; *** = à .001

Les estimations du premier modèle montrent que la participation à un programme d'alphabétisation diminue, à mesure que le niveau d'alphabétisme des individus s'améliore

(avec un pouvoir explicatif assez fort, puisque le R² s'élève à 42,7 %). On note par ailleurs

que la fréquentation progresse, lorsque le niveau de développement économique des pays s'élève. On observe cependant et de façon assez surprenante, que le niveau de développement du cycle primaire n’a aucun impact sur la fréquentation d’un programme d’alphabétisation, indiquant donc qu’il n’existe pas d’articulation entre ce qui se passe dans le cycle primaire et le niveau de développement des programmes d’alphabétisation. Autrement dit, le degré de fréquentation des programmes n'est pas plus élevé dans un pays où les enfants abandonnent davantage l'école avant la fin du cycle que dans un autre, où la rétention serait meilleure, ce qui ne peut manquer d'interroger les politiques menées en faveur de ceux qui n'ont pas été scolarisés ou ont abandonné l'école en cours de cycle.

Si on se place à un niveau micro, le degré de participation aux programmes peut s’expliquer, comme pour d’autres services qu’ils soient éducatifs ou non, par des facteurs liés soit à l’offre, soit à la demande (ici de programmes d’alphabétisation). En effet, il se peut que la politique nationale en matière d'alphabétisation soit faiblement développée et qu’il n’existe donc qu’une offre limitée de programmes, ou alors que les programmes, tels qu’ils sont actuellement proposés, ne représentent pas, du point de vue des individus, un cadre envisageable pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il n’est cependant pas possible de vérifier l'une ou l'autre de ces hypothèses, du fait de l’inexistence de données sur la disponibilité des programmes d’alphabétisation.

De façon complémentaire, nous cherchons à identifier le profil des individus ayant bénéficié d’actions d'alphabétisation. Les programmes s'adressant bien souvent à des publics spécifiques, il s'agit de connaître, au niveau national, les groupes de populations analphabètes ciblés. Sur la base des enquêtes de ménages, il est possible de mettre en lien l'éventuelle fréquentation d’un programme d’alphabétisation et d’une part, les caractéristiques sociales (genre, milieu de résidence, niveau de revenus) des individus, et d’autre part, leur parcours scolaire (plus haute classe atteinte durant la jeunesse). Nous avons donc construit, pour chaque pays, un modèle de régression logistique, de façon à estimer la probabilité des individus de 15 à 24 ans de participer à un programme d'alphabétisation, selon leur genre, leur milieu de résidence, leur niveau de revenus et la plus haute classe atteinte durant leur

jeunesse27. La première information donnée par ces analyses est que, de façon globale, la

fréquentation d'un programme n'est qu’assez peu marquée par les caractéristiques sociales et

scolaires des individus. En effet, si les coefficients de détermination R² s'élèvent à environ

10 % au Cameroun, au Congo, en Guinée, à Madagascar et au Rwanda, leur valeur est inférieure, voire quasiment nulle dans les 19 autres pays de notre échantillon. Cela suggère que la décision de participer à un programme relève d'aspects extérieurs aux caractéristiques des individus. Mais certains facteurs sociaux ou scolaires exercent tout de même un impact significatif sur la probabilité de fréquenter un programme. Le tableau 44 ci-dessous reprend, pour les pays où il existe un effet significatif, les caractéristiques sociales ayant un effet sur les chances des individus de participer à un programme. Les résultats concernant l'impact du parcours scolaire des individus sur leur probabilité de suivre un programme seront présentés par la suite.

De façon globale, on observe qu'au Bénin, au Liberia, en RDC et en Zambie, les caractéristiques sociales des individus n'ont aucun impact sur leur probabilité de fréquenter un programme d'alphabétisation. Dans les 20 autres pays, le genre, le milieu de résidence et/ou le niveau de revenus des individus influent sur les chances des individus de suivre un programme, sachant qu'il n'y a qu'au Mali, que toutes ces caractéristiques ont un impact.

Tableau 44 :Probabilité des individus de fréquenter un programme d'alphabétisation selon certaines caractéristiques

Genre Milieu de résidence Quintile de revenus

Moyenne (%) Homme Femme Urbain Rural Q. 12 Q. 45

(40% + pauvres) (40% + riches) Bénin - - - - - - 4,0 Burkina Faso 18,2 11,7 - - - - 14,6 Cameroun 8,1 1,7 - - 2,9 3,9 3,5 Congo 10,2 3,2 - - 3,8 8,7 5,5 Ethiopie 14,9 8,9 - - 10,0 12,2 11,5 Ghana 5,2 3,0 - - - - 3,9 Guinée 5,9 2,7 - - - - 4,0 Kenya - - - - - - 1,3 Lesotho 5,5 3,7 - - - - 4,5 Liberia - - - - - - 4,1 Madagascar 0,7 3,6 - - - - 1,7 Malawi 2,0 5,1 - - - - 3,3 Mali 15,7 7,1 8,3 12,2 8,3 13,4 10,5 Namibie 10,1 15,0 15,2 10,4 - - 12,3 Niger - - 6,7 3,3 - - 4,1 Nigeria 6,3 3,6 - - - - 4,7 Ouganda 2,2 3,7 - - - - 2,9 RDC - - - - 2,7 10,6 5,8 Rwanda - - 4,5 2,7 - - 2,9 Sénégal - - 8,1 21,6 - - 13,0 Swaziland 1,8 2,9 4,7 1,9 - - 2,3 Tanzanie 3,2 1,0 3,3 1,5 - - 1,9 Zambie - - - - - - 5,0 Zimbabwe - - 6,9 2,9 - - 4,1 Moyenne renseignée 7,3 5,1 7,2 7,1 5,5 9,8 6,4 Moyenne globale 4,6 3,2 2,4 2,4 1,2 2,0 5,5

Parmi les caractéristiques introduites dans les modèles, le genre est, de façon claire, la variable qui introduit des différences dans la fréquentation d'un programme d'alphabétisation dans le plus grand nombre de pays (15 sur 24). Dans 10 pays, les hommes ont une probabilité plus forte que les femmes de bénéficier d'un programme d'alphabétisation. Cela est particulièrement visible au Mali ou encore au Congo, où ils sont respectivement 15,7 % et 10,2 % à suivre un programme, contre 7,1 % et 3,2 % des femmes. La situation inverse prévaut dans seulement 5 pays, et avec des écarts plus modérés (de l'ordre de moins de 4 points). Notons que le genre ne fait cependant que peu de différences dans les chances de participer à un programme : en moyenne, sur l'ensemble des pays dans lesquels il exerce un effet significatif, les hommes sont 7,3 % à bénéficier d'un programme contre 5,1 % des

femmes (les chiffres s'élevant respectivement à 4,6 % et 3,2 % si on prend en compte tous les pays de l'échantillon).

Si on considère maintenant les différences entre milieu de résidence, on constate qu'elles sont discriminantes dans 8 pays. Les individus résidant en milieu urbain ont, de façon très ténue (de l'ordre de moins de 5 points), davantage de chances de suivre un programme d'alphabétisation en Namibie, au Niger ou encore au Rwanda, alors que ceux habitant en milieu rural sont davantage favorisés dans seulement deux pays, au Mali et dans une plus forte mesure, au Sénégal. Dans ce dernier pays, si 21,6 % des ruraux ont déjà fréquenté un programme d'alphabétisation, ils ne sont que 8,1 % des urbains à en avoir également bénéficié. On remarque d'ailleurs que de tous les pays et de toutes les caractéristiques sociales, le milieu de résidence au Sénégal est la variable qui introduit le plus de différences dans la probabilité de participer à un programme d'alphabétisation.

Enfin, le niveau de revenus a un impact sur la probabilité de suivre un programme d'alphabétisation dans 5 pays, et toujours à l'avantage des plus riches. En effet, d'après la moyenne établie pour ces pays, les individus issus des 40 % des ménages les plus aisés sont 9,8 % à suivre un programme, contre 5,5 % de ceux issus des 40 % des ménages les plus pauvres. Si on considère les pays où les écarts sont les plus forts, on voit qu'en RDC et au Congo, si les chances des individus issus des 40 % les ménages les plus pauvres de bénéficier d'un programme sont respectivement de 2,7 % et 3,8 %, elles s'établissent à 10,6 % et 8,7 % pour ceux issus des 40 % des ménages les plus riches. En Ethiopie et au Mali, et davantage encore au Cameroun, l'impact du niveau de revenus est très limité (moins de 5 points).

La dernière dimension qui nous intéresse ici concerne la fréquentation des programmes selon le parcours scolaire des individus. Au-delà de l'amélioration des connaissances concernant le ciblage des publics bénéficiaires d'actions d'alphabétisation, ces analyses constituent une première étape dans la perspective de tester l'hypothèse, selon laquelle les programmes d'alphabétisation seraient plus efficaces en termes d'acquisition des compétences de base en lecture pour les individus n'ayant jamais été ou peu scolarisés. L'idée est donc de voir si ces derniers bénéficient ou non, davantage des programmes que ceux ayant validé davantage d'années de scolarisation primaire. Le tableau 45 ci-dessous présente les estimations tirées des modèles de régression logistique de la probabilité des individus de fréquenter un programme d'alphabétisation selon la plus haute classe atteinte durant leur jeunesse, dans les pays où le

parcours scolaire exerce un effet significatif28. Le Graphique 31 ci-après fournit, pour certains pays, une représentation de ces estimations.

Tableau 45 :Probabilité de fréquenter un programme d'alphabétisation selon la plus haute

classe atteinte

Plus haute classe atteinte durant la jeunesse

0 1 2 3 4 5 6 Ethiopie 8,1 8,9 9,8 10,7 11,8 12,9 14,1 Lesotho 1,2 1,6 2 2,5 3,2 4,1 5,1 Guinée 1,9 2,3 2,8 3,3 4 4,8 5,7 Rwanda 15,4 10,8 7,5 5,1 3,5 2,3 1,6 Zimbabwe 14,1 12,4 10,8 9,5 8,3 7,2 6,3 Namibie 19,7 18,2 16,7 15,4 14,2 13 11,9 Swaziland 11,2 9,2 7,6 6,3 5,2 4,2 3,5 Malawi 10,2 8,2 6,6 5,2 4,2 3,3 2,6 Ghana 9,1 7,7 6,6 5,6 4,8 4,1 3,5 Ouganda 5,7 5 4,4 3,9 3,4 3 2,7 Mali 12 11,5 11 10,5 10 9,6 9,1 Kenya 3,4 2,8 2,4 2 1,7 1,5 1,2 Tanzanie 3,4 3 2,6 2,3 2 1,8 1,6 Burkina 15,3 15,1 14,8 14,5 14,3 14 13,8 Moyenne 9,3 8,3 7,5 6,9 6,5 6,1 5,9

Graphique 31 :Probabilité de fréquenter un programme d'alphabétisation selon la plus haute

classe atteinte

28 Le genre, le milieu de résidence et le niveau de revenus étant toujours introduits dans les modèles comme variables de contrôle.

Une première indication générale est que dans 10 pays de notre échantillon, le parcours scolaire des individus n'exerce aucune influence sur leurs chances de participer à un programme d'alphabétisation. Cela induit de façon mécanique, que dans 14 pays, il existe bien un impact du parcours scolaire sur la probabilité de fréquenter un programme.

Une lecture horizontale du tableau et du graphique montre que cet impact joue selon deux cas de figure. Dans le premier cas, qui concerne l'Ethiopie, la Guinée et le Lesotho, plus les individus ont suivi d'études primaires, plus fortes sont leurs chances de bénéficier d'un programme d'alphabétisation. Dans ces pays, le choix a donc été fait de cibler ceux qui avaient déjà bénéficié d'années de scolarisation, ce qui pose la question, et de façon forte dans le cas de la Guinée (l'Ethiopie et le Lesotho étant caractérisés par un niveau de développement du cycle primaire plus élevé), des actions entreprises en faveur des individus n'ayant jamais été scolarisés et dans chacun de ces pays, de l'effectivité de l'acquisition et de la rétention du savoir lire dans le cycle primaire. Cela dit, les écarts de participation restent très modérés entre un individu n'ayant jamais été scolarisé et un autre ayant achevé le cycle primaire : ils s'élèvent à 3,8 points en Guinée, 3,9 points au Lesotho et 6 points en Ethiopie.

Dans le second cas de figure, dans lequel on retrouve 11 pays, moins les individus ont suivi d'études, meilleures sont leurs chances de suivre un programme d'alphabétisation. Par exemple, au Rwanda, où les écarts selon les parcours scolaires sont les plus importants et qui se caractérise graphiquement par la courbe ayant la pente la plus forte, si les individus n'ayant jamais été scolarisés sont 15,4 % à bénéficier d'un programme, leurs chances passent de 10,8 % lorsqu'ils ont fréquenté l'école une année à 3,5 % quand ils ont atteint la 4e année du primaire et à 1,6 % lorsqu'ils ont achevé le cycle primaire. De façon plus générale, les écarts intra-pays dans la fréquentation d'un programme selon la plus haute classe atteinte restent relativement modérés : excepté au Rwanda, où nous avons vu que la différence de fréquentation entre les non scolarisés et ceux ayant atteint la fin du cycle primaire atteint 12,8 points, dans tous les autres pays, les écarts sont inférieurs à 8 points, voire quasiment nuls dans 7 pays.

Une seconde lecture du tableau et du graphique, verticale cette fois, montre que pour les individus n'ayant jamais été scolarisés, la probabilité de fréquenter un programme d'alphabétisation est très variable selon les pays. Les écarts sont considérables, les chances oscillant entre 3,4 % au Kenya et en Tanzanie à 19,7 % en Namibie. Dans 8 pays, la

probabilité de fréquenter un programme est cependant supérieure à 10 %. Si à l'autre extrême du tableau, on considère les individus ayant atteint au moins la fin du cycle primaire, on voit que les chances qu'ils suivent un programme d'alphabétisation sont quasiment nulles (inférieures du moins à 3 %) dans 6 pays. La probabilité de fréquenter un programme reste relativement (aux autres pays) forte au Burkina Faso (13,8 %) et en Namibie (10,9 %).

Pour conclure sur le profil des bénéficiaires des programmes d'alphabétisation, le tableau 46 ci-dessous résume les informations apportées jusqu'ici, et regroupe, selon chaque caractéristique, les pays dans lesquels ladite caractéristique améliore, de façon significative, les chances de fréquenter un programme.

Tableau 46 :Impact différentiel des caractéristiques sociales et scolaires sur la fréquentation

d'un programme d'alphabétisation dans différents pays

Genre Milieu de résidence Niveau de revenus Niveau de scolarisation Homme Femme Urbain Rural 40% + pauvres 40% + riches Aucune 6 années Burkina Madagascar Namibie Mali Cameroun Burkina Ethiopie

Cameroun Malawi Niger Sénégal Congo Ghana Guinée

Congo Namibie Rwanda Ethiopie Kenya Lesotho

Ethiopie Ouganda Swaziland Mali Malawi

Ghana Swaziland Tanzanie RDC Mali

Guinée Zimbabwe Namibie

Lesotho Ouganda

Mali Rwanda

Nigeria Swaziland

Tanzanie Tanzanie

Zimbabwe

1.2. L'impact de la participation à un programme sur le savoir lire

Maintenant que nous connaissons le niveau de fréquentation des programmes d’alphabétisation et les groupes de population bénéficiaires desdits programmes, nous pouvons examiner l’influence de la fréquentation d’un programme d’alphabétisation sur la performance individuelle en termes de savoir lire. Une idée de base lorsqu’on monte un programme n’est pas d’être satisfait lorsque les activités d’alphabétisation ont effectivement été mises en place, mais de mesurer la satisfaction sur la base du savoir lire acquis par les individus ayant suivi le programme.

Dans les enquêtes que nous utilisons ici, on dispose d’éléments utiles pour déterminer la proportion de ceux qui, ayant fréquenté un programme d’alphabétisation, savent lire (avec ou sans difficulté), sachant que cette « performance » du programme peut, elle-même, être variable d’un pays à l’autre (aussi éventuellement d’un type de programme à l’autre).

Cela dit, un aspect concret demande à être pris en considération dans l’analyse : il s’agit de la nécessité de séparer l’impact i) de la scolarisation éventuelle de l’individu avant d’être admis au programme d’alphabétisation et ii) du programme d’alphabétisation en lui-même. L’école (pour ceux qui l’ont fréquentée, et ce d’autant plus qu’elle a concerné des scolarisations plus longues) a déjà construit certains éléments du savoir lire et l’alphabétisation n’a alors qu’une valeur additionnelle qu’il convient de bien identifier.

De façon simple, on peut écrire que la probabilité de savoir lire (PSL) résulte de la combinaison entre la durée des études initiales (SCOINIT) et la fréquentation d’un programme d’alphabétisation (Alpha), d’où : PSL = f (SCOINIT, Alpha)

Une question pratique est de savoir comment peuvent se combiner ces deux types d’investissement dans la formation de l’individu. Deux types de combinaisons sont possibles. La première est de l’ordre d’une substitution potentielle entre les deux composantes : les deux effets sont simplement additifs, et on peut alors évaluer par exemple (par la comparaison des valeurs numériques des coefficients attachés aux deux variables) l’impact de la fréquentation d’un programme d’alphabétisation en équivalent nombre d’années d’études primaires formelles. La seconde introduit la possibilité d’un degré de complémentarité des effets des deux types de formation. Cette complémentarité (ou interaction), dans l’hypothèse où elle serait statistiquement significative, peut alors être positive (le programme d’alphabétisation a alors un impact d’autant plus grand qu’il s’appliquerait à des individus ayant suivi des études plus longues durant leur jeunesse) ou bien négative (si le programme d’alphabétisation a un impact fort pour ceux qui ne sont jamais allés à l’école et (de façon additionnelle) faible pour ceux qui y sont allés, notamment plusieurs années). Cette distinction est importante, notamment pour déterminer dans quelle mesure un programme d’alphabétisation, tel qu’organisé dans un pays donné, se révèle utile, et avec quelle intensité, pour ceux qui n’ont jamais fréquenté l’école, avec la nécessité alors de le modifier, si l’impact pour cette population particulière est faible.

Sur la base de l’équation donnée ci-dessus, nous avons donc construit, pour chaque pays, des modèles de régression logistique, qui estiment l’impact de la plus haute classe atteinte durant la jeunesse (SCOINIT) et de la fréquentation d’un programme d’alpha (Alpha) sur la probabilité de savoir lire (PSL), en retenant, d’une part, une définition restrictive du savoir lire (sait lire facilement, PSL1) et d’autre part, une définition moins stricte (sait lire même avec difficulté, PSL2)29.

Dans un premier temps, il s’agit de distinguer les pays selon le niveau d’efficacité des programmes qui y sont menés, en identifiant notamment là où les programmes ne sont pas efficaces, c’est-à-dire où l’impact de la fréquentation d’un programme sur le savoir lire n’est pas significatif. Dans un second temps, pour les pays, où les programmes améliorent