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Disparités de résultats : disparités de ressources ?

Chapitre 2 : La scolarisation primaire : une condition suffisante pour savoir lire à

2. Disparités de résultats : disparités de ressources ?

Un premier élément qui pourrait expliquer les disparités de résultats des systèmes éducatifs africains serait que les Etats consacrent des niveaux de ressources financières différents à leur système et que cela ait un impact sur les apprentissages des élèves. En effet, on pourrait s’attendre à ce que les résultats des systèmes éducatifs soient relativement meilleurs lorsque les moyens qui leur sont alloués sont plus importants. On suppose que l’augmentation des ressources dont bénéficient les écoles permet d’améliorer les conditions de scolarisation (davantage d’enseignants, plus de matériel pédagogique, des tailles de classe réduites,…), et par là même la qualité de l’éducation, ce qui aurait une incidence positive sur les

apprentissages des élèves. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons construit des modèles de

régression linéaire sur un échantillon de 24 pays21, de façon à estimer l'effet du niveau de

ressources, représenté ici par le coût unitaire par élève du primaire (en unités de PIB/tête), sur la probabilité de savoir lire des individus de 15 à 24 ans ayant atteint la 6e année du primaire, puis sur le score moyen par pays obtenu par les élèves aux tests de leurs acquis scolaires. Notons que le coût unitaire donne une image agrégée des ressources mobilisées par élève dans le système. D’après les analyses que nous avons conduites, le volume des ressources allouées à l’éducation n’exerce d’influence ni sur le niveau des apprentissages des élèves, ni sur la rétention du savoir lire chez les 15-24 ans ayant atteint la 6e année du primaire (et ce, même en retirant des analyses les pays se trouvant dans des positions extrêmes, tels que le Niger et le Nigeria). Nous avons représenté graphiquement la relation entre ressources et résultats pour les 24 pays de notre échantillon pour lesquels l’information est disponible (Graphiques 20 et 21 ci-dessous).

Graphique 20 :Relation entre le coût unitaire par élève du primaire et la probabilité de savoir

lire des individus ayant atteint la 6e année du primaire

Graphique 21 :Relation entre le coût unitaire au primaire et le score moyen par pays des élèves aux tests de fin du cycle primaire

Une première information tirée de ces graphiques est que le niveau des ressources allouées aux systèmes n’explique quasiment rien des différences de résultats qui existent entre les pays

(les R² s’élevant seulement à 2,1 % en ce qui concerne l’acquisition et la rétention du savoir

lire et à 0,3 % pour le score moyen). On observe également que les pays ayant un même niveau de ressources ont des niveaux de performances très variés. Si l’on considère le Graphique 20, on voit par exemple que pour un coût unitaire quasiment équivalent, la probabilité de savoir lire à l’âge adulte des individus ayant atteint la fin du primaire s’élève à 93,9 % au Burundi et à 80,5 % en Côte d’Ivoire, contre 60 % au Sénégal et 40,9 % au Nigeria. De même, en ce qui concerne le Graphique 21 et en se concentrant sur les mêmes pays, les scores moyens se situent entre 30 au Nigéria et 65,6 au Burundi. Les écarts entre ces pays sont certes les plus extrêmes, mais le même constat s’impose pour les autres pays. Des analyses ont également été conduites en remplaçant le coût unitaire par deux autres variables : le salaire des enseignants en pourcentage du PIB/tête et les dépenses pour l'enseignement primaire (hors salaire des enseignants). Là encore, le niveau des ressources n’a aucun impact sur les résultats des systèmes éducatifs.

De façon générale, ces résultats vont dans le sens de nombreuses études (Hanushek, 1997 ; Mingat et Suchaut, 2000 ; Bernard, 2007). Plusieurs éléments sont avancés pour expliquer cette absence de relation. L’un concerne directement le niveau des ressources, puisque leur montant peut incorporer des dépenses sociales, qui sont, dans une certaine mesure, extérieures

au fonctionnement des écoles et aux conditions d’enseignement, et n’ont donc aucun impact sur les résultats des systèmes. D’autres éléments renvoient à la question de l’organisation de l’école : d’une part, un même coût peut correspondre à des modes d’organisation très différents, et d’autre part, il ne suffit pas de mettre en œuvre un mode d’organisation, pour que cela se traduise par des résultats effectifs (Mingat, 2003). Par exemple, à un niveau plus micro, Bernard (2007) montre, à partir des scores en français et mathématiques des élèves mauritaniens de 5e année du primaire (PASEC, 2006), qu’à ressources égales, les établissements scolaires peuvent avoir des résultats très différents, allant, même en excluant les cas extrêmes, du simple au double. Cela traduit certes l’existence de fortes inégalités en fonction des écoles, mais confirme également que les différences de niveaux de ressources alloués aux établissements ne suffisent pas à expliquer la variété des résultats observés. Ces résultats se retrouvent dans de nombreux diagnostics réalisés dans le cadre des Rapports d’Etat sur le Système Educatif National (RESEN) de différents pays africains, indiquant que les écoles ont des difficultés à transformer les ressources allouées en résultats d’apprentissage chez les élèves.

De façon générale, on observe qu’à partir d’un même montant alloué au système éducatif, les services peuvent être organisés de façon tout à fait différente, tant du point de vue du volume de temps global dédié à l’enseignement que de l’organisation de l’école à l’intérieur de ce temps. C’est sur ces deux aspects que porte la partie suivante.