Chapitre 1 : Utilisation d’un vecteur cellulaire comme outil théranostique : Les cellules
2.2 Evaluation de l’impact des CSM comme outil théranostique dans un modèle de glioblastome
2.2.2 Evaluation de l’impact des CSM modifiées ou non sur la croissance tumorale
2.2.2.2 Impact de la modification des CSM sur la croissance tumorale
Afin de pouvoir utiliser les CSM comme outil théranostique, nous devons les modifier que ce
soit par un gène thérapeutique ou par des nanoparticules. Nous vérifions donc que la
modification des CSM n’entraîne pas une augmentation de la croissance tumorale.
2.2.2.2.1 Marquage des CSM
Les CSM sont des cellules difficilement marquables par des techniques classiques telles que
la transfection cellulaire avec un agent transfectant cationique. D’après la littérature, la
méthode la plus performante est d’avoir recours à des virus tels que les adéno- ou les
lentivirus afin de pouvoir les modifier génétiquement de manière stable.
Ainsi, j’ai marqué de manière stable les CSM avec le gène rapporteur GFP visible en
microscopie de fluorescence ex vivo. Ceci me permet d’évaluer la présence ou non de CSM
dans des coupes tumorales ex vivo, par imagerie ou par biologie moléculaire même si les
CSM sont en cours de différenciation cellulaire. Pour cela, j’ai utilisé des lentivirus de
troisième génération qui permettent d’obtenir une bonne sécurité biologique grâce à l’absence
des éléments nécessaires à la réplication virale. Ces lentivirus m’ont permis de transduire les
CSM avec le gène de fusion Actine-GFP sous le contrôle du promoteur CMV comme le
montre la fluorescence cellulaire émise par la GFP en microscopie (excitation 488nm) deux
semaines après l’infection. L’évaluation du marquage des CSM a été réalisée par cytométrie
en flux. Le marquage avec la GFP grâce aux lentivirus de troisième génération nous a permis
d’obtenir 85,3% de marquage ce qui est très bien pour des cellules souches. Cette proportion
de marquage est en accord avec celle observée par microscopie de fluorescence sur
microscope inversé.
Par ailleurs, afin de pouvoir suivre la distribution des CSM in vivo après leur administration
systémique en utilisant des outils d’imagerie non invasive tels que l’imagerie optique de
fluorescence adaptée à la visualisation du corps entier chez le petit animal ou l’imagerie par
résonnance magnétique adaptée à la clinique humaine, j’ai marqué les CSM avec des
nanoparticules Bangs qui sont constituées d’un cœur d’oxyde de fer visible par IRM et
contiennent un fluorophore proche-infrarouge détectable en fluorescence in vivo. L’efficacité
et la stabilité de ce double marquage ont été vérifiées en cytométrie en flux ainsi que par
imagerie de fluorescence ex vivo (excitation 660nm) d’une goutte de 10µL contenant 25 000
CSM marquées. Vingt-deux heures après la modification des CSM par des nanoparticules
(temps correspondant au moment d’injection des CSM dans nos expérimentations), 82,5% des
CSM sont marquées et la fluorescence est bien visible (Figure 24).
Figure 24 : Marquage des CSM avec la GFP et avec des NP
(A) Les CSM sont infectées avec un lentivirus porteur de GFP. La proportion de cellules marquées est évaluée par cytométrie en flux. Les CSM marquées sont observées en microscopie de fluorescence. (B) Les CSM sont marquées par incubation avec des nanoparticules de fer marquées avec un fluorophore proche-infrarouge. L’efficacité de marquage est évaluée par cytométrie en flux. Adaptée de Pr Stéphane Roux (Besançon, France)
2.2.2.2.2 Impact des CSM modifiées avec un gène rapporteur sur la croissance tumorale
Afin d’évaluer l’impact des CSM modifiées par un lentivirus, j’ai administré des CSM
modifiées avec le gène rapporteur de la GFP dans notre modèle de glioblastome humain
orthotopique implanté chez la souris et évalué la croissance tumorale.
Des cellules de glioblastome humain U87 sont implantées en stéréotaxie en intracérébrale
chez les souris Nude NMRI (n=19). Le suivi de l’évolution tumorale est réalisé par IRM avec
des séquences anat-T2.
Les CSM sont marquées avec le gène de fusion Actine-GFP sous contrôle d’un promoteur
CMV. Treize jours après l’implantation tumorale, les volumes tumoraux sont mesurés par
IRM et deux groupes homogènes de souris sont constitués.
Le lendemain, les souris reçoivent des injections intraveineuses de 5x10
5CSM-GFP (n=15
souris) ou de PBS pour le groupe témoin (n=14 souris).
Le volume tumoral est mesuré par IRM 3, 6 et 10 jours après l’administration des CSM.
Chaque jour de mesure du volume tumoral, des souris de chaque groupe sont sacrifiées afin
de pouvoir faire des analyses histologiques au cours du temps. Ainsi, le nombre de souris par
groupe diminue, avec à la fin de l’expérimentation n=9 souris pour le groupe témoin et n=12
souris pour le groupe traité.
Les résultats obtenus ne mettent pas en évidence de différence significative entre les volumes
tumoraux des deux groupes (Figure 25).
Figure 25 : Effet des CSM marquées avec la GFP sur la croissance tumorale
Suivi par séquence T2 d’IRM de l’évolution de la croissance tumorale d’un glioblastome humain orthotopique implanté chez
des souris Nude. 14 jours après l’implantation tumorale, 14 souris reçoivent 5x105 CSM marquées à la GFP (bleu) injectées
par voie intraveineuse alors que le groupe témoin (n=15souris) reçoit 200µL de PBS (noir).
Nous pouvons retenir que les CSM modifiées avec la GFP par des lentivirus ne favorisent pas
la croissance tumorale dans ce modèle mais en plus elles auraient une tendance anti-tumorale
bien que ce résultat ne soit pas statistiquement significatif.
2.2.2.2.3 Impact des CSM modifiées avec un gène rapporteur et avec des nanoparticules sur la croissance tumorale
L’utilisation des CSM comme outil théranostique peut faire appel à une modification par un
gène thérapeutique mais également à l’utilisation de nanoparticules. De plus, le marquage des
CSM avec des nanoparticules qui fluorescent dans le proche-infrarouge (> 700 nm)
permettrait d’évaluer leur biodistribution in vivo, ce qui n’est pas le cas des marqueurs de type
« GFP » même très décalés dans le rouge.
Cependant, il est primordial de vérifier que la méthode de marquage des CSM modifiées par
un gène rapporteur et par des nanoparticules ne perturbe pas la fonction des CSM et ne
favorise pas l’augmentation de la croissance tumorale.
Pour évaluer cela, j’ai implanté 10
5cellules U87-luciférase+ en intracérébrale en stéréotaxie
dans le striatum chez des souris Nude NMRI (n=16 souris). Les cellules cancéreuses étant
modifiées de façon stable avec le gène de la luciférase, le suivi de la croissance tumorale est
réalisé par bioluminescence après injection intra-péritonéale de luciférine.
Les CSM sont modifiées avec le gène de fusion Actine-GFP sous le contrôle d’un promoteur
CMV et avec des nanoparticules.
13 jours après l’implantation tumorale, la bioluminescence est mesurée et deux groupes
homogènes de souris sont constitués. Le lendemain, le premier groupe de souris reçoit 200µL
de nanoparticules seules par voie intraveineuse (n=8 souris) ; il s’agit du groupe témoin. Le
deuxième groupe reçoit 5x10
5CSM-GFP-NP par voie intraveineuse (n=8 souris).
La croissance tumorale est évaluée par bioluminescence 2, 5 et 9 jours après l’administration
des CSM-GFP-NP.
La comparaison des deux groupes de souris indique qu’il n’y a pas de différence significative
entre les volumes tumoraux du groupe de souris traité par CSM-GFP-NP et le groupe témoin.
Cependant, même si cette différence n’est pas significative, nous retrouvons la même
tendance que celle observée dans les expérimentations précédentes à savoir que les souris
recevant les CSM auraient tendance à présenter un ralentissement de la croissance tumorale
dans notre modèle de glioblastome orthotopique (Figure 26).
Figure 26 : Impact des CSM marquées avec la GFP et avec des nanoparticules sur la croissance d’un glioblastome orthotopique
5x105 CSM marquées avec la GFP et par des nanoparticules ont été injectées par voie intraveineuse chez des souris Nude
xénogreffées avec des cellules de glioblastome humain exprimant la luciférase (U87-Luc) implantées en orthotopique. Evaluation par bioluminescence de la croissance tumorale des tumeurs U87-Luciférase+ chez les souris recevant les CSM-GFP-NP (courbe verte) en comparaison avec le groupe témoin recevant des NP seules (courbe grise).
Ce résultat met en évidence l’intérêt des CSM comme outil théranostique dans la prise en
charge du cancer puisqu’elles peuvent être modifiées et administrées par voie systémique sans
favoriser la croissance tumorale voire même en la ralentissant.
2.2.2.2.4 Impact de la voie d’administration des CSM sur la croissance tumorale
La voie d’administration des CSM peut théoriquement avoir un rôle important dans l’impact
des CSM sur la croissance tumorale. En effet, la circulation vasculaire cérébrale fait que des
CSM administrées par voie intra-artérielle pourraient atteindre plus facilement et en plus
grande quantité la tumeur cérébrale que par la voie intra-veineuse, en s’affranchissant de la
filtration pulmonaire.
Ainsi, 10
5cellules de glioblastome humain U87-Luciférase+ sont implantées en stéréotaxie en
intracérébrale dans le striatum des souris (n=19). L’évolution du volume tumoral au cours du
temps est évaluée par bioluminescence.
Les CSM sont marquées avec le gène rapporteur de la GFP sous contrôle d’un promoteur
CMV puis avec des nanoparticules Bangs. Les CSM-GFP-NP sont donc doublement
marquées. La veille du jour de l’injection, la mesure de bioluminescence de toutes les souris
permet de constituer quatre groupes homogènes de souris. Cinq souris reçoivent 5x10
5CSM-GFP-NP par voie intraveineuse et cinq souris les reçoivent par voie intra-artérielle par
injection dans la carotide interne. Quant aux souris témoins, trois souris reçoivent les NP
seules par voie intra-veineuse et trois souris par voie intra-artérielle.
La bioluminescence est mesurée 2, 5, 7, 9 et 12 jours après l’administration des CSM soit 16,
19, 21 et 26 jours après l’implantation tumorale. En ce qui concerne les souris ayant reçu les
injections intra-artérielles, l’expérimentation a été arrêtée 21 jours après l’implantation
tumorale. En effet, les souris sont sacrifiées lorsque les considérations éthiques le nécessitent
(perte de poids supérieure à 10% ou comportement stressé de la souris). Or, les souris ayant
reçu les injections intra-artérielles ont nécessité un geste chirurgical lourd au moment de
l’injection avec une injection dans la carotide interne nécessitant de sacrifier la vascularisation
externe. C’est pourquoi l’altération de l’état général associée à l’importante augmentation du
volume tumoral, probablement due à l’hypoxie cérébrale partielle, a entraîné leur sacrifice
précoce.
Le graphique (Figure 27) représente l’évolution de la croissance tumorale au cours du temps.
L’importance de l’écart-type pour les souris témoins recevant des nanoparticules (NP) en
intra-artérielle illustre bien la perturbation métabolique engendrée chez ces souris donnant des
résultats très disparates d’une souris à l’autre.
En ce qui concerne les souris recevant les injections par voie intra-veineuse, il n’y a pas de
différence significative entre le volume tumoral des souris témoins et celui des souris traitées
par des CSM-GFP-NP même si les CSM ont, comme dans nos précédentes expériences dans
ce modèle, une tendance à ralentir la croissance tumorale.
Figure 27 : Evaluation de l’impact de la voie d'administration des CSM sur la croissance tumorale
14 jours après implantation de 105 cellules de glioblastome humain U87-luciférase en orthotopique intracérébrale (flèche
orange), 5x105 CSM marquées avec la GFP et des NP sont administrées par voie intraveineuse (ligne verte continue) ou par
voie intra-artérielle dans la carotide interne (ligne rouge continue). Les souris témoins reçoivent des NP par voie intraveineuse (ligne verte pointillée) ou par voie intra-artérielle (ligne rouge pointillée). La croissance tumorale est suivie par
mesure de la bioluminescence in vivo.