• Aucun résultat trouvé

Impact de l’acidification des océans sur la phase adulte de la crépidule

Impact de l’acidification des océans sur le gastéropode invasif Crepidula

Chapitre 2 Impact de l’acidification des océans sur la phase adulte de la crépidule

1. Etat de l’art sur l’impact de l’AO sur les mollusques marins

En tant que phylum abondant, largement distribué dans les océans et producteurs majeurs de CaCO3 dans les écosystèmes marins, les mollusques ont largement été étudiés

dans un contexte d’augmentation de la pCO2. Les caractéristiques morpho-fonctionnelles et

écologiques au sein de ce phylum sont très variées avec des espèces benthiques et d’autres planctoniques, certaines mobiles et d’autres sédentaires, avec une coquille externe ou un reliquat de coquille interne. Les différences de sensibilité au CO2 étant potentiellement liées

au niveau organisationnel de l’animal, à ses besoins énergétiques et à son mode de vie (Pörtner et al. 2004), les réponses des différentes espèces de mollusques à l’AO sont très variables comme le montrent les différentes réponses des bivalves, gastéropodes et céphalopodes listées dans la revue de Parker et al. (2013).

En milieu côtier, les principaux représentants des mollusques sont les bivalves et les gastéropodes. Une revue récente de Gazeau et al. (2013) recensant les réponses de ces espèces (21 espèces de bivalves et 8 espèces de gastéropodes) à l’augmentation de la pCO2 a souligné

que, malgré de nombreux impacts négatifs de la pCO2 sur différentes fonctions écologiques et

comportementales, la majorité des études portant sur la calcification ou la croissance coquillère (22 expériences) ne démontraient pas d’impact de l’augmentation de la pCO2 pour

des diminutions de pH inférieures à 0,4 unités par rapport à la valeur actuelle (Figure II2-1). Cette absence d’effet sur un processus réputé sensible à l’AO serait due aux capacités des organismes à réguler leur équilibre acido-basique internes, à la minéralogie de la coquille mais aussi aux conditions environnementales de l’habitat des organismes. En effet, les mollusques des habitats côtiers subissent de fortes variations de la pCO2 et de nombreuses

espèces sont certainement déjà adaptées aux faibles pH.

Les effets de l’augmentation de la pCO2 peuvent aussi affecter des fonctions

physiologiques autres que la calcification comme la respiration, l’excrétion, la capacité à se nourrir ou les réponses immunitaires (Figure II2-1) (Parker et al. 2013). Alors qu’aucune étude n’a à ce jour étudié la réponse du bilan énergétique total d’une espèce dans des

- 110 -

conditions élevées de pCO2 (Gazeau et al. 2013), il est important d’étudier ces processus en

parallèle pour comprendre la sensibilité des organismes à l’AO et quelles peuvent être les fonctions métaboliques ou physiologiques privilégiées dans un tel contexte de stress ainsi que les régulations mises en place pour s’adapter à l’augmentation de la pCO2.

Figure II2-1: Résumé des impacts de l'AO sur les juvéniles et adultes de bivalves et gastéropodes pour les études considérant une diminution de pH inférieure ou égale à 0,4 unités. D’après Gazeau et al. (2013)

Dans les zones côtières où les conditions environnementales ne sont pas optimales (salinité fluctuante, hypoxie, limitation en nourriture …), l’AO peut être un facteur additionnel poussant les organismes et écosystèmes en dehors de leurs tolérances physiologiques (Pörtner 2012). Les études sur les impacts conjugués de l’augmentation de la température et de la pCO2 sur les mollusques ont mené à des observations contradictoires, les

effets de l’AO pouvant être diminués (Brennand et al. 2010; Waldbusser et al. 2011) ou, comme dans la majorité des cas, exacerbés (Lannig et al. 2010; Schalkhausser et al. 2012; Watson et al. 2012a) par la température. Alors que seulement 26 % des études sur les bivalves et gastéropodes traitent à la fois de l’augmentation de pH et de température, il est important dans un contexte de changement climatique global d’étudier l’interaction de ces deux facteurs pour éviter de sous-estimer leurs effets futurs sur les mollusques benthiques.

- 111 -

2. Réponse métabolique de la crépidule à un stress thermique dans

différentes conditions de pCO

2

2.1 Contexte général

L’importance des impacts écologiques engendrés par l’arrivée de la crépidule sur les côtes européennes en fait une espèce clé dans les écosystèmes côtiers qu’elle a massivement colonisés. Il est apparu important d’étudier les réponses métaboliques de cette espèce dans un contexte de changement climatique et en particulier d’acidification des océans afin de mieux comprendre quels sont ses “points sensibles” et ses futurs impacts sur les communautés.

Dans un contexte de changement global, il est nécessaire de prendre en compte l’interaction de différents facteurs afin de ne pas sous-estimer leurs effets simples et conjugués sur la physiologie des organismes. La température étant un facteur abiotique majeur contrôlant les processus métaboliques et biochimiques des êtres vivants, les effets de l’augmentation de la pCO2 et de la température ont été testés sur des individus adultes de

l’espèce C. fornicata provenant de la population naturelle du site de la Barre des Flots en baie de Morlaix (Figure II2-2).

- 112 -

La première expérience, réalisée par Sophie Martin et Joëlle Richard entre janvier et juin 2010 a permis de mesurer les différences de résistance à un stress thermique de crépidules conditionnées plusieurs mois à différents niveaux de pCO2. Les résultats obtenus

au cours de cette première expérience font l’objet du premier article de ce chapitre (Article n°3). Une expérience de 6 mois (janvier-juin 2012) a ensuite permis de mesurer différentes réponses métaboliques (respiration, excrétion, calcification, filtration) de petites (supposées mâles) et grandes (supposées femelles) crépidules dans différentes conditions de pCO2 et de

température. Le deuxième article du chapitre (Article n°4) relate les résultats obtenus au cours de cette seconde expérimentation.

2.2 Résumé de l’article n°3 :

L’objectif de cette expérience était de tester les capacités de résistance à un fort stress thermique de crépidules adultes acclimatées depuis plusieurs mois à différentes conditions de

pCO2 prévues pour la fin du siècle. Faire subir des stress brutaux à des organismes n’est pas

représentatif des conditions futures auxquelles ils seront soumis dans un contexte de changement global mais permet d’obtenir des réponses physiologiques intéressantes reflétant les capacités de résistance au stress des organismes.

Les crépidules, élevées depuis 3 mois à des pCO2 de 380, 550, 750 et 1000 µatm ont

subi une augmentation rapide de température à une vitesse de 1°C 12 h-1 entre 18 et 36°C, température létale atteinte au cours de l’expérience. La respiration des mâles et des femelles a été estimée par des mesures de la consommation en oxygène à 18, 22, 26, 30 et 34°C. A partir de ces données, des relations entre les taux de respiration et la température ont été construites pour les mâles et femelles séparément, dans chaque condition de pCO2 et des Q10 ont été

calculés dans chaque traitement. L’état de santé des spécimens a aussi été estimé à partir d’indices de condition calculés au début et à la fin de l’expérience dans les différents traitements et par comptage des individus morts.

Bien que la respiration ait augmenté significativement avec la température, aucun effet de la pCO2 n’a pu être détecté ni sur la consommation en oxygène, ni sur les valeurs de Q10, ni

sur les indices de condition calculés à la fin de l’expérience, ni sur les taux de mortalité. La crépidule, déjà connue pour être une espèce eurytherme et euryhaline semble donc être une espèce très résistante à l’augmentation de la pCO2, qualité qui pourrait lui donner un avantage

- 113 -

Article n° 3