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Impact différentiel du vieillissement normal sur le traitement paralinguistique

CHAPITRE III : DISCUSSION GÉNÉRALE

3.2 Volet 1: Vieillissement normal & traitement paralinguistique vocal – apports

3.2.1 Impact différentiel du vieillissement normal sur le traitement paralinguistique

Les résultats obtenus pour l’étude comportementale indiquent que pour trois des quatre tâches de la batterie EPV, la tâche adaptative de discrimination, la tâche de discrimination de sources sonores et celle de mémorisation voix-cloches, les adultes âgés performent moins bien que les jeunes adultes. Ainsi, en dépit du contrôle statistique pour des variables potentiellement médiatrices (acuité auditive et rendement cognitif général), la contribution de l’âge reste significative et les performances des participants âgés sont le plus souvent significativement inférieures à celles des adultes jeunes.

De manière plus précise, en ce qui concerne la tâche adaptative de discrimination, les aînés performent moins bien que les jeunes adultes lors du traitement de stimuli vocaux naturels, mais obtiennent des scores comparables à ceux des jeunes lors du traitement des stimuli vocaux uniformisés (fréquence fondamentale (f0) moyennée). Pour la tâche de discrimination de sources sonores, les performances des adultes âgés sont inférieures à celles des plus jeunes, et ce indépendamment du type de stimuli (vocal ou musical). Enfin, en ce qui a trait à la tâche de mémorisation, les adultes jeunes sont généralement meilleurs que les aînés. Les participants âgés ont toutefois tendance à mieux reconnaitre les sons de cloches que les sons vocaux, alors que les adultes jeunes performent de manière comparable pour le traitement des deux types de stimuli.

Le fait que, comparativement aux jeunes adultes, les aînés performent globalement moins bien à la batterie EPV confirme la présence d’une diminution liée à l’âge de l’efficience du traitement auditif général (pour revue, voir Tun et al., 2012). Ces résultats appuient également les données rendant compte d’un déclin avec l’âge du traitement d’informations vocales de nature non affective, tel que la capacité à discriminer ou à identifier une intonation (ton interrogatif, déclaratif, exclamatif ou neutre; Allen & Brosgole, 1993; Brosgole & Weisman, 1995), ou encore le sarcasme (Orbelo et al., 2005). Lorsque ces derniers résultats sont considérés conjointement aux données provenant de la batterie EPV, un constat significatif ressort : il appert que le vieillissement normal affecte bel et bien les capacités permettant de reconnaître, de comprendre, de discriminer mais aussi de mémoriser les stimuli vocaux et ce, qu’ils soient de nature émotionnelle ou non.

Les résultats d’une tâche de la batterie EPV vont toutefois à l’encontre de cette conclusion, et pour les deux types de stimuli (voix naturelles ou voix avec une f0 moyennée), les performances des adultes jeunes et âgés à la tâche de catégorisation de genre sont tout à fait comparables. Ce résultat indique que la frontière perceptuelle subjective distinguant une voix d’homme d’une voix de femme se situe, pour les deux groupes d’âge, à un niveau équivalent sur le continuum homme/femme utilisé. Une seule étude antérieure s’est intéressée à évaluer l’impact du vieillissement normal sur les capacités de catégorisation d’un matériel paralinguistique vocal non affectif et ce, à l’aide d’une tâche de catégorisation d’âge de vocalisations neutres (Linville & Korabic, 1986). Cette étude indique qu’en dépit d’une fiabilité réduite des performances des adultes âgés (qui sont moins constants dans la répartition de stimuli identiques), ces derniers classent tout de même globalement les vocalisations dans les mêmes catégories d’âge que les jeunes adultes. En analysant la contribution de différentes informations acoustiques dans la performance, Linville et Korabic (1986) mettent toutefois en évidence que malgré des catégorisations équivalentes, les aînés utilisent différemment les informations contenues dans les vocalisations afin d’exécuter la tâche comparativement aux jeunes adultes. Ainsi, pour arriver au même résultat, les deux groupes d’âge utiliseraient des stratégies différentes. Cette conclusion pourrait également s’appliquer aux résultats de la tâche de catégorisation de genres de la batterie EPV. Le protocole expérimental utilisé n’ayant pas été conçu pour évaluer la contribution spécifique, quant à la performance, des diverses caractéristiques acoustiques des stimuli, le présent travail ne permet pas de répondre avec certitude à cette question. Dans le futur, il serait donc intéressant de comparer, pour différentes tâches cognitives, et pour des groupes d’adultes jeunes et âgés, l’apport de certaines informations acoustiques (f0, formants, variation de la fo, etc.) dans la performance comportementale, ce qui permettrait d’explorer l’hypothèse de la mise en place de stratégies de traitement acoustique différentes avec l’âge.

La tâche de catégorisation de genre étant la seule de la batterie EPV pour laquelle les adultes jeunes et âgés ont obtenu des performances similaires, il est également possible que cette absence de disparité provienne d’un biais méthodologique inhérent à la tâche, et que cette dernière ne soit pas suffisamment sensible pour permettre d’éliciter des différences entre les adultes jeunes et âgés. Afin de répondre à cette question, une étude ultérieure pourrait utiliser une tâche de catégorisation de genre ayant un niveau de complexité plus élevé, ce qui

favoriserait la mise en évidence de disparités liées à l’âge. Pour ce faire, une condition utilisant des morphs (c.-à-d., un son formé de la juxtaposition temporelle et fréquentielle des caractéristiques acoustiques de deux sons naturels distincts) se situant plus près du centre du continuum homme/femme que ceux sélectionnés ici, et donc, étant plus ambigus, pourrait être ajoutée à la tâche. De la sorte, les performances de catégorisation de genre des adultes jeunes et âgés pourraient être comparées pour deux niveaux de complexité, et vraisemblablement, l’écart entre les scores des deux groupes d’âge sera plus marqué pour la condition plus ambigüe.

3.2.2 DIFFÉRENCES JEUNES-AÎNÉS : ARTÉFACT LIÉ AUX DIFFICULTÉS COGNITIVES & AUDITIVES