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2.5 Étude sur l’impact du dépôt de peinture sur la thermique

2.5.1 Impact du dépôt de peinture

Dans le but d’avoir une couche de peinture d’épaisseur minimale et uniforme déposée sur le clinquant tout en gardant une émissivité maximale, une étude a été menée sur trois propriétés de la peinture, son épaisseur, son uniformité et son émissivité.

Mesures d’épaisseur et uniformité

Dans le protocole d’origine, la peinture est appliquée en plusieurs fois pour que tout le clinquant soit recouvert et que l’émissivité soit la plus importante. La peinture est appliquée lorsque le clinquant est déjà formé en demi-cylindre. Ceci implique des épaisseurs de peinture assez importantes (≥ 75µm) au centre du clinquant où les mesures de températures sont faites. Une nouvelle méthode d’application de la peinture est donc indispensable pour minimiser l’ef- fet de conduction à travers la couche de peinture tout en gardant une émissivité maximale (l’émissivité dépend de l’épaisseur de la couche de peinture).

Plusieurs méthodes ont été envisagées pour modifier l’émissivité de la feuille de métal. Du traitement de surface du métal (anodisation, chromage) au dépôt d’autres substances (dépôt de carbone, dépôt avec différentes peintures) selon plusieurs procédés (en bombe, aérographe ...) une méthode est ressortie pour diminuer l’épaisseur : c’est l’application de peinture à l’aide d’applicateurs manuels à spirale, figure 2.23.

Figure 2.23 – Applicateur manuel à spirale, photo et schéma.

Cet applicateur est une tige en acier inoxydable entourée d’un fil, en acier inoxydable également, de diamètre 30µm. L’épaisseur du revêtement est régie par la zone de la rainure entre les bobines de fil qui est donc de 30µm. Cette rainure permet à la bonne quantité de revêtement de passer à travers en laissant une épaisseur uniforme derrière le passage. La zone de rainure est déterminée par la taille du fil : plus le fil est fin, plus la rainure est fine. Avec ce

procédé de revêtement, on peut obtenir une épaisseur précise et régulière de quelques µm au mm selon les différentes tiges disponibles. Pour plus de commodité, l’applicateur est positionné dans un rail pour le guider et garder une pression constante lors de l’application sur la feuille. Seule la vitesse peut varier et est entièrement dépendante de l’utilisateur. Enfin pour éviter des plis de la feuille de métal, on mouille légèrement le dessous de la feuille avant d’appliquer la peinture pour la plaquer contre le support. On obtient ainsi des couches de peinture reproductibles, uniformes de l’ordre de 25 - 30 µm, contrairement à la première méthode de dépôt inhomogène et non reproductible (figure 2.24).

Figure2.24 – Comparaison d’épaisseur d’une partie d’un clinquant après et avant optimisation du dépôt de peinture, vue au microscope.

Dans le but d’avoir des mesures précises, il faut connaître l’épaisseur optimale de peinture déposée pour avoir une émissivité qui ne varie pas sur la surface du clinquant. En effet, l’émissi- vité est directement liée à l’état de surface du matériau et donc à l’épaisseur de peinture (figure 2.25).

Cette figure représente l’évolution de la température pour un même créneau de puissance en considérant l’émissivité de la peinture à 0.94. Une différence non négligeable est visible selon l’épaisseur de peinture déposée. Ainsi à 14µm, l’émissivité maximale n’est pas atteinte et la température est mal corrigée. A 25µm, on atteint la valeur attendue. À 160µm, on observe une évolution plus lente et un fort abaissement de la variation de température : l’inertie thermique de la peinture devient trop importante et lisse la courbe.

Études expérimentales radiatives

L’émissivité monochromatique directionnelle ǫ(λ, T, θ, φ) correspond au rapport de la lumi- nance du matériau avec celle du corps noir pour une direction et longueur d’onde données (Eq. 2.8).

Figure 2.25 – Évolution des niveaux de la caméra infrarouge selon différentes épaisseurs de peinture.

ǫ (λ, T, θ, φ) = Lmateriau(λ, T, θ, φ)

Lo(λ, T, θ, φ)

(2.8) Ainsi sur la gamme des longueurs d’ondes recherchée, on obtient l’émissivité totale direc- tionnelle ǫ(T, θ, φ) comme : ǫ (T, θ, φ) = Rλ2 λ1 Lmateriau(λ, T, θ, φ) dλ Rλ2 λ1 Lo(λ, T, θ, φ) dλ (2.9) Cette donnée est intéressante pour les études avec de la thermique infrarouge car cette équation permet de relier la luminance dans une direction avec la température. Pour la mesurer, on différencie deux méthodes différentes : la méthode directe où on mesure directement le rayonnement émis par la surface et les méthodes indirectes où les propriétés sont déduites par réflectométrie dans le domaine spectral de l’infrarouge étudié. C’est le cas de la sphère intégrante qui est utilisée pour mesurer l’émissivité des échantillons. Le principe est de mesurer le coefficient de réflexion ρ et d’en déduire l’émissivité directionnelle équivalente à l’aide de la loi de Kirchhoff. Ainsi pour une surface opaque en équilibre thermique avec l’environnement, pour une longueur d’onde donnée, on écrit ρ(T, θ, φ) + ǫ(T, θ, φ) = 1. Concrètement, la sphère intégrante est recouverte intérieurement d’un revêtement en infragold réfléchissant et diffusant pour la gamme 1.5-15µm avec une réflectance=0.94. Deux sources infrarouges, différentes selon qu’on soit dans le proche infrarouge (Source NIR) ou l’infrarouge moyen (Source MIR) sont utilisées. Elles permettent d’éclairer l’échantillon dans une direction donnée avec un angle d’incidence de 8 à 12o. Une fois que la lumière atteint l’échantillon, elle est diffusée dans toutes

les directions selon la réflectance du matériau jusqu’à atteindre après plusieurs réflexions le détecteur. Ainsi le détecteur mesure une fraction de l’ensemble de la lumière réfléchie pour donner la réflectance de l’échantillon. Le fonctionnement de la sphère intégrante est présenté sur la figure 2.26.

Ce coefficient de réflexion connu et comme la luminance du matériau est relié par le co- efficient de réflexion par Lmateriau=(1-ρ(λ, T, θ, φ))*Lo avec la loi de Kirchhoff, on détermine

l’émissivité par : ǫ (T, θ, φ) = 1 − Rλ2 λ1 ρ (λ, T, θ, φ) .Lo(λ, T, θ, φ) dλ R∞ 0 Lo(λ, T, θ, φ) dλ (2.10)

Figure2.26 – Principe de fonctionnement d’une sphère intégrante (Monchau [70]).

Lo est la luminance du corps noir déduit de la loi de Planck, ρ le coefficient de réflexion

directionnel hémisphérique sur la gamme de longueur d’ondes [λ1, λ2]. Il est possible de prendre en compte la sensibilité de la caméra infrarouge, dans ce cas :

ǫ (T, θ, φ) = 1 − Rλ2 λ1 s (λ) .ρ (λ, T, θ, φ) .Lo(λ, T, θ, φ) dλ R∞ 0 s (λ) .Lo(λ, T, θ, φ) dλ (2.11) où s(λ) est la sensibilité du capteur. Ce terme est aussi présent au dénominateur car on se réfère à une surface étalon lors de la mise en fonction du système.

À l’aide de la méthode présentée ci-dessus, plusieurs mesures ont été faites sur des échan- tillons aux épaisseurs de peinture comprise entre 5 et 150µm (figure 2.27).

Figure 2.27 – Mesure du coefficient de réflexion selon la longueur d’onde du clinquant nu. Lors des mesures d’émissivité avec le spectromètre, des pics sont apparus selon certaines longueurs d’ondes précises (figure 2.27) sur la gamme de la caméra infrarouge. En effet, plu- sieurs gaz sont présents dans l’atmosphère et ces pics correspondent à l’absorption de ces gaz,

Figure 2.28 – Absorption des principaux gaz présent dans l’atmosphère.

notamment ici ce sont les longueurs d’ondes caractéristiques de l’H2O pour le pic 1 (3.5µm) et du CO2 ou NO2 pour le pic 2 (4.5µm sur la figure 2.28).

L’émissivité est ainsi déduite de ces mesures et varie selon l’épaisseur de la peinture (figure 2.29).

(a) (b)

Figure 2.29 – Mesures d’émissivité selon 2 méthodes d’applications en a) et opacité de la peinture noire Belton en b).

Le clinquant nu a une émissivité très faible, typique d’un métal, de l’ordre de 0.2. Les clinquants revêtus atteignent leur émissivité maximale de 0.94 pour une épaisseur d’environ 20µm minimum. Il est à noter que l’émissivité dépend de l’état de surface du matériau. En effet entre 5µm et 20µm, la peinture n’a pas la même émissivité selon la méthode d’application.

La figure 2.29 montre la différence d’émissivité obtenue pour la même peinture (Belton) appliquée à l’aide d’un applicateur spécial (courbe rouge) et avec un spray (courbe verte) en fonction de la température. À même épaisseur, l’applicateur à spirale permet d’obtenir une émissivité plus importante (ce qui suggère un état de surface plus homogène). Cette dernière

solution est ainsi retenue. L’applicateur en spirale est ainsi la meilleure méthode pour notre étude.

Par ailleurs, l’évolution exponentielle de l’émissivité par rapport à l’épaisseur peut être conve- nablement approchée par un modèle de type :

ǫ = ǫcl+ (ǫsat− ǫcl)



1 − eep/p (2.12)

avec ǫ l’émissivité, ǫcl l’émissivité du clinquant nu, ǫsat émissivité saturée de 0.94, p la

profondeur de pénétration (m) et ep l’épaisseur de la peinture (m). La relation linéaire entre

le logarithme de l’émissivité normalisée (ǫ - ǫcl )/( ǫsat - ǫcl ) et l’épaisseur est illustrée par la

courbe de la figure 2.29.b).

Le coefficient directeur de cette courbe est égal à -1/p. Nous obtenons une valeur de pro- fondeur de pénétration de 4.68 µm : c’est la valeur pour laquelle 63% du rayonnement incident est absorbé. À 3p (14µm), 95% du rayonnement est absorbé ; la couche de peinture peut être considérée comme opaque (la transmitance τ ≃ 0). Un compromis entre épaisseur et émissi- vité a donc été trouvé, il faut au minimum 20µm de peinture pour obtenir sa meilleure efficacité. Il est maintenant intéressant de connaître l’erreur commise sur la température dans le cas où il y aurait moins de 20 µm de peinture. En effet, lors des calculs, on considère l’émissivité de la peinture à 0.94 car on ne connaît pas l’épaisseur de la couche de peinture, seulement qu’on doit avoir l’émissivité stationnaire. Cela peut induire une erreur sur les niveaux de caméra infrarouge mesurés et donc sur la température, voir figure 2.30.

Figure 2.30 – Erreur faite sur les niveaux de la caméra lorsque l’émissivité est différente de 0.94.

On déduit d’après la figure 2.30, l’écart de température commis, figure 2.31. On définit cet écart pour plusieurs émissivités comprises entre 0.8 et 0.94 comme étant la valeur relative de la température entre la température prise avec la bonne émissivité T (c’est à dire pour les épaisseurs ≤ 20µm) et la température obtenue en laissant l’émissivité à 0.94, T0.94(c’est à dire pour les épaisseurs ≥ 20µm). Cette erreur dépend de l’étalonnage de la caméra infrarouge qui change pour chaque campagne d’essai, en fonction du temps d’intégration, de la fréquence de la caméra et donc de la gamme de température dans laquelle on se situe. Cependant, l’écart maximal trouvé est de 7% si on considère une émissivité de 0.8 (qui correspond à 10µm) et est de 1% si on considère une émissivité de 0.92 (qui correspond à une épaisseur de 15µm, ce qui pourrait être dans notre gamme d’épaisseur).

Enfin, l’influence de la température sur l’émissivité a été étudiée expérimentalement de manière directe, figure 2.32. Le but étant de chauffer une surface peinte avec la peinture noire

(a) Erreur sur la température pour une gamme de tem- pérature ≤ 100oC.

(b) Erreur sur la température pour une gamme de tem- pérature ≥ 100oC.

Figure 2.31 – Erreur commise sur la température lorsque l’émissivité est différente de 0.94 pour les très faibles épaisseurs de peinture.

assez longtemps pour avoir une valeur stationnaire de la température et la mesurer avec une sonde platine. On compare ensuite ce résultat avec la valeur obtenue en chauffant un corps noir à la même température avec une émissivité connue. Il est ainsi possible de remonter à une émissivité moyenne sur une large gamme de température.

Deux campagnes ont été menées pour obtenir cette courbe, une pour des températures ≤100oC (points noirs) et une autre à plus hautes températures (points rouges). Le but a été de mesurer la différence de niveau infrarouge de la peinture chauffée par rapport à ce que donne un corps noir en connaissant la température de l’objet. On remarque que l’émissivité est bien égale à 0.94 sur la gamme de température étudiés.

Figure2.32 – Émissivité en fonction de la température dans la gamme utile de température.

Cette étude permet de mieux appréhender les erreurs de mesure faites précédemment en négligeant la conduction dans la peinture dans le bilan d’énergie global mais ce temps de conduction dans la peinture devient important lorsqu’on étudie les phénomènes transitoires. Une étude supplémentaire est donc nécessaire pour étudier ces transitoires et prendre un bilan d’énergie corrigé.