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Impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur le fonctionnement cognitif

PARTIE IV :CAS D’UNE AUTRE SUBSTANCE PSYCHOACTIVE : L’ALCOOL

1. A LCOOL

2.1. Impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur le fonctionnement cognitif

2.1.1. Objectif du travail

Le but de cette étude était d’évaluer l’impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur les performances cognitives chez des salariés du Sud de la France.

2.1.2. Population et méthode

La population d’étude est issue de l’étude de cohorte VISAT (cf. page 21) qui permet de suivre 3237 salariés du Sud de la France depuis 1996. Les sujets inclus devaient avoir réalisé les deux entretiens de suivi (en 2001 et 2006). Nous avons exclus les sujets ayant présenté des problèmes psychiatriques qualifiés de sévères dans le passé ou au cours du suivi.

2.1.2.1. Evaluation des performances cognitives

Afin d’évaluer les performances cognitives des sujets au cours du suivi, l’enquête VISAT comportait plusieurs tests psychométriques que nous rappelons brièvement ci- dessous :

- le test du rappel de mots immédiat permettant d’évaluer la mémoire à court terme,

- le test du rappel de mots différé permettant d’évaluer à long terme,

- le test de reconnaissance des mots permettant d’évaluer la stratégie de mémorisation,

- le Digit Symbol Substitution Subtest (DSST) reflétant la vitesse d’exécution et de raisonnement,

- le test de recherche visuelle spatiale évaluant l’attention sélective du sujet.

Une amélioration des performances cognitives sera observée lors d’une augmentation générale des scores aux tests de mémoire et au DSST et d’une diminution générale des scores au test de la recherche visuelle spatiale.

2.1.2.2. Mesure de l’exposition à l’alcool

Pour chaque recueil, la consommation d’alcool est évaluée à partir d’une question récurrente permettant de savoir si le sujet consommait de l’alcool quotidiennement.

Nous avons ainsi défini 2 catégories de consommateurs chacune formée de 3 modalités:

- Consommateurs définis selon la chronicité d’usage :

 Non consommateurs quotidien d’alcool : pas d’exposition aux 3 enquêtes (1996,

2001 et 2006).

 Consommateurs chroniques: consommation quotidienne d’alcool à chaque

enquête (1996, 2001 et 2006).

 Consommateurs ponctuels: consommation quotidienne d’alcool au cours d’une

enquête au minimum (1996 ou 2001 ou 2006).

- Consommateurs définis selon l’ancienneté d’usage :

 Non consommateurs quotidien d’alcool : pas d’exposition aux 3 enquêtes (1996,

2001 et 2006).

 Consommateurs anciens: consommation quotidienne d’alcool en 1996 et/ou en

2001 mais pas en 2006.

 Consommateurs récents: consommation quotidienne d’alcool au moins en 2006.

Ces deux catégories d’exposition ont été analysées de manière distincte.

2.1.3. Analyse statistique des données

L’analyse statistique des données a été réalisée sur le logiciel SAS® version 9.1.

Dans ce travail, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément en raison des habitudes de consommation très différentes selon le genre. Dans un premier temps, nous avons décrit la population d’étude et la consommation quotidienne d’alcool au cours du suivi. Nous avons utilisé un test du Chi² afin de comparer les hommes et les femmes. Dans un second temps, nous avons évalué l’impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives entre 1996 et 2006 à l’aide d’une analyse de covariance en tenant compte de l’ensemble des facteurs de confusion pouvant influer sur la prise d’alcool ou sur les performances cognitives. La variable à expliquer était la moyenne au score cognitif obtenue en 2006 à chaque test psychométrique.

2.1.4. Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été soumis à publication dans Alcoologie et

Addictologie et sont détaillés dans l’article présenté page 154.

2.1.5. Synthèse générale

Nous avons étudié les effets à long terme de la consommation d’une autre substance psychoactive que les médicaments psychoactifs car l’alcool est très utilisé en France, notamment pour des raisons culturelles, et souvent de manière quotidienne. De plus, les données de la littérature sont très controversées sur ce sujet.

Dans notre échantillon, 28% des salariés étaient des consommateurs quotidiens d’alcool au cours de l’enquête de 2006 et 15% étaient qualifiés de consommateurs chroniques d’alcool au cours des 10 années de suivi, majoritairement des hommes. Ces résultats montrent que l’alcool reste une substance psychoactive très utilisée en France. L’objectif de notre travail était d’évaluer l’impact d’une consommation à long terme d’alcool sur le fonctionnement cognitif chez des sujets relativement jeunes et sans démence diagnostiquée avant ou pendant les 10 années de suivi.

Cependant, cette étude présente un biais d’information important car l’évaluation de la consommation d’alcool n’a été possible qu’à travers une seule question posée par le médecin du travail. En l’absence de données concernant le type de boisson consommé et la quantité prise quotidiennement par les sujets enquêtés, nous avons du émettre l’hypothèse d’une consommation d’alcool modérée afin d’interpréter nos résultats. Nous avons donc refait l’analyse en excluant les sujets considérés comme « buveurs excessifs » par le médecin du travail et nous avons retrouvé les mêmes résultats.

Nous avons ainsi pu mettre en évidence les effets différents d’un usage quotidien et modéré d’alcool sur les performances cognitives selon le genre chez des sujets relativement jeunes (≤ à 62 ans à l’inclusion):

- chez les hommes, un impact négatif sur la mémoire lors d’une consommation récente d’alcool,

- chez les femmes, un impact positif sur l’attention visuo-spatiale après arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool.

MÉMOIRE

Impact d’une consommation quotidienne d’alcool sur le

fonctionnement cognitif chez des salariés : résultats de l’étude VISAT

Mme Olivia Boeuf-Cazou, MSc*, Mlle Laure Pourcel, MSc*, Dr Maryse Lapeyre-Mestre MCU-PH*

*Université de Toulouse; UPS, Unité de Pharmacoépidemiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F-31000 Toulouse, France.

Auteur correspondant: Mme Olivia Boeuf-Cazou - Université de Toulouse; UPS, Unité de Pharmacoépidemiologie EA3696, Faculté de Médecine Purpan, 37 Allées Jules Guesde; F- 31000 Toulouse, France. Tel.: +33-5-61145918; Fax: +33-5-61255928; E-mail: boeuf@cict.fr

Titre de l’article: Alcool et performances cognitives

Résumé :

L’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France après le tabac. De nombreuses études ont montré l’impact négatif d’un abus d’alcool sur les fonctions cognitives. Cependant, un effet protecteur lors d’une consommation d’alcool faible à modérée est actuellement discuté. Nous avons évalué l’impact de la consommation d’alcool sur les performances cognitives de 1251 salariés issus de la cohorte VISAT (Vieillissement, Santé, Travail) suivis pendant 10 ans. Les sujets ont été interrogés à l’inclusion (1996), à 5 ans et à 10 ans à partir de questionnaires standardisés. A chaque enquête, des tests psychométriques ont mesuré les performances mnésiques et attentionnelles. L’exposition à l’alcool a été mesurée selon la chronicité d’exposition ou son ancienneté. Les variations des scores cognitifs ont été évaluées par analyse de covariance après ajustement sur plusieurs facteurs de confusion. 14,9% des salariés, surtout des hommes, étaient consommateurs chroniques et 27,7% étaient consommateurs récents en 2006. Nous avons observé un impact négatif sur la mémoire chez les hommes lors d’un usage ponctuel d’alcool et une amélioration des performances attentionnelles chez les femmes lors d’une exposition ancienne.

Mots-clés :

Summary:

Impact of daily consumption of alcohol on cognitive functioning among workers: results of the VISAT study.

Alcohol is the most consumed psychoactive substance in France after tobacco. Many studies have underlined a negative effect of alcohol abuse on cognitive functions. Nevertheless, the protective effect of low-to-moderate consumption of alcohol is discussed. We evaluated the impact of alcohol consumption on cognitive performance among 1251 workers from the VISAT cohort (Aging, Health and Work) with a 10-year follow-up. Subjects were interviewed at baseline (in 1996), at 5 years and at 10 years with standardized questionnaires. In each survey, psychometric tests measured memory and attentional performances. Alcohol exposure was measured according to chronicity or oldness. Changes in cognitive scores were evaluated by analysis of covariance after adjustment for several confounding factors. 14.9% of workers, mostly men, were chronic users and 27.7% were recent users in 2006. We observed negative impact of the occasional use of alcohol on memory in men and improvement of attentional performances in women with a past use of alcohol.

Key words:

Alcohol – Cognition – Gender – Cohort – Work

La France se caractérise par une importante consommation d’alcool qui la classe en tête des pays de l’Union Européenne malgré une baisse progressive des indicateurs depuis plus de trente ans (1-3). L’alcool est la seconde substance psychoactive la plus consommée et possède des propriétés psychoactives responsables d’une modification de l’état mental pouvant entraîner des conséquences néfastes sur le sujet lors d’une consommation avant ou pendant le travail et de surcroit si le travail nécessite une attention particulière. Dans une récente étude

(4) visant à identifier les populations à risque, les auteurs ont mis en évidence différents facteurs associés avec la consommation d’alcool comme par exemple le genre, l’âge, le contexte familial ou encore l’emploi. Le milieu professionnel représente donc un facteur de risque de la consommation d’alcool mais aussi un milieu particulièrement dangereux pour un consommateur régulier (5). L’étude de Demortière (6), menée auprès des médecins du travail, avait indiqué que 8,2% des salariés vus au cours de la visite médicale étaient des consommateurs d’alcool à risque ou problématique. En France, très peu d’études se sont préoccupées de l’impact d’une consommation régulière d’alcool chez des sujets en activité professionnelle. Or l’alcool agit sur de nombreux récepteurs du système nerveux central et donc sur les fonctions cognitives (7). En effet, des syndromes cognitifs ont été attribués à l’alcool comme le syndrome de Wernicke-Korsakoff responsable d’une amnésie et d’un dysfonctionnement exécutif, et la démence alcoolique principalement retrouvée chez le sujet âgé (8). Depuis quelques années, les recherches se sont focalisées sur la relation entre la consommation d’alcool et le fonctionnement cognitif. Beaucoup d’études ont démontré qu’une forte absorption d’alcool était associée à une diminution des performances aux tests cognitifs notamment chez le sujet âgé (9-13). Mais actuellement, de nombreuses études se focalisent sur l’effet d’une consommation légère à modérée d’alcool sur les fonctions cognitives et soulèvent la possibilité d’un effet protecteur contre la démence particulièrement chez les femmes (14-17).

Le but de cette étude était d’évaluer l’impact d’une consommation quotidienne d’alcool à long terme sur les performances cognitives chez des salariés du Sud de la France.

Matériel et méthode

Cohorte VISAT (Vieillissement, Santé et Travail)

Les données utilisées dans ce travail sont issues de l’étude de cohorte VISAT (Vieillissement,

Santé et Travail) conçue pour préciser comment la nature des tâches et l’organisation du

travail modifient la qualité du vieillissement (18). Il s’agit d’une étude de cohorte fixe prévue pour 10 ans (1996-2006) et incluant 3237 salariés issus de trois régions du Sud de la France (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) nés en 1934, 1944, 1954 et 1964. Ces sujets ont été tirés au sort parmi les effectifs des médecins du travail participants à la cohorte et ont été sollicités pour participer à l’étude et à son suivi à 10 ans. Tous les sujets ont été volontaires et ont signé un consentement éclairé. L’étude a été faite dans le respect de la réglementation et un respect strict de l’anonymat. L’inclusion a eu lieu lors de la visite médicale annuelle obligatoire et systématique dans le cadre de la médecine du travail ou au cours de la visite médicale d’embauche pour les nouveaux salariés. Les entretiens ont été réalisés par les médecins du travail à l’inclusion (en 1996), à 5 ans (en 2001) et à 10 ans (en 2006).

Population d’étude

Pour cette étude, les sujets inclus devaient participer à la cohorte VISAT depuis 1996 et avoir

réalisé les deux entretiens de suivi (en 2001 et 2006). Nous avons exclus les sujets ayant présenté des problèmes psychiatriques qualifiés de sévères dans le passé ou au cours du suivi.

Recueil des données

A chaque recueil, les données ont été obtenues de façon identique à partir de questionnaires

standardisés. Le questionnaire VISAT envisageait les caractéristiques générales et professionnelles du sujet, des données médicales et psychométriques, des données sur les

conditions de vie extraprofessionnelles et des mesures médicales réalisées par le médecin du travail.

Évaluation des performances cognitives

Le questionnaire comporte cinq tests psychométriques permettant d’évaluer l’évolution des fonctions cognitives :

- un test de mémoire adapté du REY Verbal Learning Test composé de 3 épreuves : un test de

rappel de mots immédiat permettant d’évaluer la mémoire à court-terme, un test de rappel de mots différé permettant d’évaluer la mémoire à long terme et un test de reconnaissance des mots permettant d’évaluer la stratégie de mémorisation,

- le Digit Symbol Substitution Subtest (DSST) (ou test du code) tiré du Wechsler Adult

Intelligence Scale reflétant la vitesse d’exécution et de raisonnement du sujet,

- le test de recherche visuelle spatiale (dérivé du test de Sternberg) permettant d’évaluer

l’attention sélective de type visuo-spatiale.

Une altération des performances cognitives est observée lors d’une diminution des scores aux tests de la mémoire et au DSST et lors d’une augmentation des scores au test de la recherche visuelle spatiale qui est défini par un temps d’exécution.

Mesure de l’exposition à l’alcool

Pour chaque recueil, la consommation d’alcool a été évaluée à partir d’une question récurrente permettant de savoir si le sujet consommait de l’alcool quotidiennement (oui/non). Nous avons défini 2 catégories de consommateurs d’alcool chacune formée de trois modalités :

- Consommateurs définis selon la chronicité d’utilisation :

 non consommateurs d’alcool : pas de consommation quotidienne d’alcool au cours des 3 enquêtes (1996, 2001, 2006),

 consommateurs chroniques : consommation quotidienne d’alcool à toutes les enquêtes (1996, 2001 et 2006),

 consommateurs ponctuels : consommation quotidienne d’alcool au cours d’une ou de deux enquêtes (1996 ou 2001 ou 2006).

- Consommateurs définis selon l’ancienneté d’utilisation :

 non consommateurs d’alcool : pas de consommation quotidienne d’alcool au cours des 3 enquêtes (1996, 2001, 2006),

 consommateurs anciens : consommation quotidienne d’alcool en 1996 et/ou en 2001 mais pas en 2006,

 consommateurs récents : consommation quotidienne d’alcool en 2006.

Méthode statistique

Dans ce travail, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément en raison des habitudes de consommation très différentes selon le genre. Dans un premier temps, nous avons décrit la population d’étude et la consommation quotidienne d’alcool au cours du suivi. Nous avons utilisé un test du χ² afin de comparer les hommes et les femmes. Dans un second temps, nous avons évalué l’impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives entre 1996 et 2006 à l’aide d’une analyse de covariance en tenant compte de l’ensemble des facteurs connus pouvant influer sur la prise d’alcool ou sur les performances cognitives. La variable à expliquer était la moyenne du score cognitif obtenu en 2006 à chaque test psychométrique. Les non consommateurs ont été utilisés comme groupe de référence. L’analyse statistique a été réalisée sur le logiciel SAS® version 9.1.

Description de la population d’étude

Notre analyse a porté sur 1251 sujets suivis pendant 10 ans (52,3% d’hommes et 47,7% de femmes) (tableau I). Nous avons mis en évidence des différences selon le genre : les hommes étaient davantage cadres (16,4% versus 5,7%, p<0,0001) ou ouvriers (35,3% versus 10,6%, p<0,0001) alors que les femmes étaient plutôt des employés (53,3% versus 15,1%, p<0,0001). D’autre part, les hommes étaient plus souvent en couple (85,0% versus 77,7%, p<0,0001) et fumeurs (23,6% versus 18,3%, p<0,05) alors que les femmes étaient plus stressées (51,4% versus 36,1%, p<0,0001) et prenaient davantage de médicaments psychoactifs (11,6% versus 6,7%, p<0,0001) que les hommes.

Dans notre population d’étude, 14,9% des salariés étaient des consommateurs chroniques d’alcool, majoritairement des hommes (23,4% des hommes et 5,5% des femmes, p<0,0001) (tableau II). D’autre part, 28,7% étaient considérés comme des consommateurs ponctuels (36,1% des hommes et 20,6% des femmes, p<0,0001). Si nous nous intéressons à l’ancienneté d’exposition, nous avons identifié 27,7% de consommateurs quotidiens d’alcool en 2006 (39,0% des hommes et 15,4% des femmes, p<0,0001) et 15,8% qui avaient arrêté au cours du suivi (20,5% des hommes et 10,7% des femmes, p<0,0001).

Évolution des performances cognitives au cours du suivi

Au cours du suivi, les performances aux tests psychométriques évaluant la mémoire ou la vitesse d’exécution ont montré une légère tendance à s’améliorer (tableau III). Ceci est généralement habituel dans les études longitudinales, suggérant un apprentissage du test cognitif au cours des enquêtes. Seul le test de la recherche visuelle spatiale est resté stable au cours des 10 ans de suivi. Par ailleurs, les résultats chez les femmes sont en moyenne meilleurs que chez les hommes, quelque soit le test (résultats non présentés).

Impact de la consommation quotidienne d’alcool sur les performances cognitives

Les résultats de l’analyse de covariance sont présentés dans le tableau IV. L’ajustement a été réalisé sur l’ensemble des variables statistiquement significatives (p<0,05) lors de l’analyse de covariance univariée (non présentée) :

- l’âge, le genre, le niveau d’étude et le score cognitif en 1996,

- sur le statut marital, le travail posté, l’indice de masse corporelle, l’absence d’activité sportive et le statut tabagique en 2006,

- et sur la prise d’un médicament psychoactif, d’un antiparkinsonien, une dépression, un diabète, une hypercholestérolémie, un problème thyroïdien, une pathologie cardiovasculaire dans le passé ou au cours du suivi.

Nous avons observé une diminution significative des performances chez les hommes au test du rappel de mots différé lors d’un usage ponctuel (β=-0,58 (0,20), p<0,05) ou ancien (β=- 0,58 (0,24), p<0,05) mais également au test du rappel de mots immédiat lors d’un usage récent d’alcool (β=-0,30 (0,15), p<0,05). Au contraire, chez les femmes, nous avons mis en évidence une amélioration des performances au test de la recherche visuelle spatiale (β=-0,35 (0,17), p<0,05) lors d’un usage ancien d’alcool au cours des 10 ans de suivi. Nous observons donc un impact positif de l’arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool sur les performances attentionnelle uniquement chez les femmes.

Discussion

A notre connaissance, cette étude est la première à évaluer l’impact d’une consommation modérée et à long terme d’alcool sur le fonctionnement cognitif chez des sujets relativement jeunes (≤62 ans à l’inclusion). De plus, nous avons analysé les hommes et les femmes séparément afin de souligner les différences existant lorsque l’on s’intéresse à l’usage

d’alcool (19). Cette étude présente néanmoins un biais d’information non négligeable puisque nous avons évalué la consommation quotidienne d’alcool à partir d’une seule question posée par le médecin du travail. Malgré l’anonymat des questionnaires, il existe donc un biais d’information responsable d’une sous-estimation de la consommation d’alcool car l’usage d’alcool reste une question sensible en milieu du travail (20). Malgré cette limite méthodologique, nous avons mis en évidence des résultats intéressants.

Tout d’abord, les consommateurs chroniques d’alcool étaient majoritairement des hommes. Ces résultats confirment les données de la littérature, montrant une plus forte prévalence de consommation, chez les hommes (1-2). D’autre part, l’analyse des effets d’une exposition à l’alcool au cours du suivi sur les performances cognitives a permis là encore de mettre en évidence des différences marquées entre les hommes et les femmes. Nous avons observé un effet négatif d’une consommation d’alcool modérée à long terme sur la mémoire explicite lors d’un usage récent ou ancien d’alcool chez les hommes uniquement et un effet positif sur l’attention sélective visuo-spatiale après arrêt d’une consommation quotidienne d’alcool chez les femmes uniquement.

L’impact négatif d’une consommation élevée d’alcool sur les facultés cognitives est aujourd’hui bien décrit dans la littérature (9-13). En effet, une intoxication éthylique semble être associée avec un déficit cognitif. Saunders et coll. ont montré, à partir d’une étude longitudinale, que des hommes âgés de 65 ans ou plus avec une forte consommation d’alcool pendant au moins 5 ans présentaient un risque presque 5 fois plus important que les autres de développer une démence (21). D’autre part, plusieurs auteurs se sont intéressés aux performances cognitives chez des patients alcooliques. Ils ont alors mis en évidence des déficits cognitifs portant sur les performances visuo-spatiales, les fonctions exécutives et le

rappel de mots libre. Cependant, il existe de nombreux facteurs pouvant expliquer l’apparition de ces troubles cognitifs chez les patients alcooliques comme l’âge, les antécédents familiaux, la durée d’exposition ou encore la présence d’une dépression (22).

Mais depuis quelques années, de nombreuses recherches se sont intéressées à l’impact d’une consommation modérée d’alcool sur le fonctionnement cognitif. Certaines études ont montré une amélioration des capacités cognitives lors d’un usage modéré d’alcool chez des sujets âgés de plus de 50 ans. Elias et coll. ont montré, à partir de la cohorte Framingham Heart study, qu’une consommation modérée d’alcool était positivement associée aux performances cognitives chez les hommes et les femmes (14). Dans ce travail les auteurs ne mettent pas en évidence d’impact négatif entre la consommation actuelle ou ancienne d’alcool et les performances cognitives et suggèrent que les buveurs « sociaux » auraient une courbe de relation alcool et cognition en forme de J. Afin d’expliquer cet effet positif, les auteurs