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15. Variabilité interannuelle à décennale des exportations de carbone au large

15.3. Impact de la composition élémentaire des eaux profondes sur l’exportation

15.3. Impact de la composition élémentaire des eaux profondes sur l’exportation

Une modification des contenus en nutriments dans les eaux profondes est suceptible d’engendrer une modification des assemblages planctoniques et donc en bout de course, l’exportation de carbone vers les eaux profondes. En principe, la composition élémentaire du milieu océanique ne peut évoluer qu’à des échelles de temps comparables au temps de résidence des principaux nutriments (~10.000 ans pour le nitrate et le phosphate ; Falkowski et Davis, 2004), mais on considère aujourd’hui que les activités humaines modifient les ratios de nutriments à une échelle de temps décennale (Livre blanc du Groupe MERMEX, 2010, soumis), en particulier via les apports continentaux par les fleuves (Turley, 1999 ; Livre blanc du MERMEX group, 2010 ; Béthoux et al. (2002) suggèrent une explication anthropique à l’évolution des concentrations en sels nutritifs dans les eaux profondes de Méditerranée nord-occidentale. D’après leurs travaux, le nitrate et le phosphate auraient ainsi subi une augmentation entre les années 1960 et 2000. Les activités humaines pourraient donc modifier l’intensité de la pompe biologique du carbone en Méditerranée nord-occidentale par l’intermédiaire d’une modification de la composition en sels nutritifs des apports fluviatiles. Si on veut pouvoir prévoir l’évolution à long terme de la pompe biologique, il est donc crucial de connaître l’influence des concentrations en nutriments profonds sur les exportations de carbone.

La modélisation peut justement nous permettre de répondre à ce type de questions. Nous avons ainsi procédé à un test de sensibilité aux profils verticaux de nutriments utilisés pour initialiser le modèle. Nous avons pour cela testé la réaction du modèle biogéochimique à une diminution des concentrations de nitrate et phosphate dans les eaux de fond, respectivement de 14 et 7.5% par rapport aux valeurs de référence (période 1991-2005) en accord avec les mesures de Béthoux et al. (2002) entre 1960 et 2000. Dans le futur, grâce à des mesures environnementales plus strictes que par le passé, on peut en effet s’attendre à une diminution des concentrations de nutriments dans les fleuves. Nous avons finalement appliqué ce test à une période contrastée du point de vue des forçages hydrodynamiques (1976-1980) et choisi d’analyser les résultats pour la zone de convection profonde (Tab. 4). L’intérêt est en effet de mesurer l’impact anthropique en regard de la variabilité interannuelle propre

15.3. Impact de la composition élémentaire des eaux profondes sur l’exportation des exportations de carbone organique, que l’on a vues contrôlées par les forçages hydrodynamiques. Sensitivity (%) Picophytoplankton-C + 0.06 Nanophytoplankton-C + 0.07 Microphytoplankton-C - 0.10 Total Phytoplankton-C + 1.60 Bacteria-C - 0.008 Nanozooplankton-C - 0.03 Microzooplankton-C - 0.17 Mesozooplankton-C - 0.08 Total Zooplankton-C + 0.56 Small Particulate Organic Carbon (SPOC) - 0.008 Large Particulate Organic Carbon (LPOC) - 0.15 Total Particulate Organic Carbon (POC) - 0.003 Dissolved Organic Carbon (DOC) - 0.07

Nitrate - 0.19

Ammonium - 0.18

Phosphate - 0.16

Silicate - 0.14

Production Primaire Brute annuelle - 0.06 Export of Particulate Organic Carbon - 2.8 Export of Dissolved Organic Carbon - 8.3

Tableau 4. Sensibilité (%) des paramètres biogéochimiques du modèle (0-100 m) et de l’exportation de carbone organique sur la zone MEDOC à un test de diminution des contenus en nutriments profonds. REFERENCE REFERENCE Test é Sensibilit =

Les exportations annuelles de POC semblent en fait très peu sensibles aux contenus en nutriments dans les eaux de fond (- 2.8%), au contraire des exportations de DOC qui sont plus sensibles (- 8.3%),. Par conséquent, l’impact anthropique via les

15.3. Impact de la composition élémentaire des eaux profondes sur l’exportation nutriments de fond est a priori beaucoup plus faible que la variabilité interannuelle propre des exportations de carbone organique (variance respectivement de 16.8% et 17.9% pour POC et DOC sur la période 1976-1980). La structure des assemblages planctoniques montre également qualitativement et quantitativement une sensibilité très faible aux variations des concentrations en nutriments dans les eaux profondes, mis à part une légère bascule entre microphytoplancton et nano-/picophytoplancton (<0.1%) en faveur des plus petits organismes. Les concentrations totales en carbone du phyto- et zooplancton ainsi qu’en carbone organique restent peu modifiées (Sensibilité < 2%). Ce résultat montre finalement la faible influence des quantités de nutriments apportées en surface en particulier dans les zones où ils ne sont pas limitants comme la zone de convection profonde. Dans ces régions, la dynamique de croissance des communautés planctoniques est plutôt contrôlée par la variabilité des processus hydrodynamiques d’advection/turbulence qui déterminent la disponibilité en lumière et la dispersion des prédateurs planctoniques. La modification de la teneur en nutriments des eaux de fond semble donc n’avoir qu’une influence négligeable sur la pompe biologique de carbone au cœur de la zone de convection en Méditerranée nord-occidental par rapport aux processus hydrodynamiques qui dirigent principalement l’exportation de carbone vers le fond.

Les résultats exposés dans cette partie sont le fruit d’une première approche par modélisation qu’il serait nécessaire de poursuivre et d’approfondir. La variabilité et l’intensité des flux verticaux de matière organique à la station DYFAMED en mer Ligure semblent correctement représentés par le modèle (voir Partie 11.2), en particulier à 1000m de profondeur, apportant une certaine robustesse aux conclusions apportées par cette étude. Au contraire, aucune validation de stocks de matière organique dissoute n’a pu être menée sur la colonne d’eau, et aucune estimation de flux vertical n’a pu en être déduite. Il s’agirait donc d’approfondir la validation du modèle en termes de stocks sur l’ensemble de la colonne d’eau, mais également en termes de flux verticaux de matière organique, particulaire ET dissoute.

16. Evolution des flux de carbone liée au mélange vertical