Chapitre 4: Grands Principes de l’Immunobiologie et Principaux Mécanismes Régulateurs des
B. L’immunité innée
L’Immunité innée est une réponse immédiate qui survient chez tout individu en l’absence
d’immunisation préalable ; elle constitue la première barrière de défense vis-à-vis de divers
agents pathogènes et assure un rôle de sentinelle vis-à-vis de l’apparition des tumeurs.
En premier abord, le système immunitaire utilise ses barrières physiques :
- La peau et la surface des muqueuses constituant des barrières efficaces contre l’entrée de
la plupart des microorganismes,
- l’acidité de l’estomac et de la transpiration empêchant le développement des organismes
ne pouvant pas se développer dans des conditions acides,
- les enzymes (tel que le lysozyme) altérant la paroi cellulaire de certaines bactéries.
Au-delà de ces premières barrières, l’immunité innée est en grande partie assurée par les
anticorps préformés, encore appelés naturels, par des cellules phagocytaires (monocytes,
polynucléaires) et par les cellules Natural Killer (NK) qui ne possèdent pas de récepteurs
spécifiques de l’antigène. Parmi ces différents acteurs de l’immunité innée, on traitera d’une
manière plus détaillée les cellules NK et leurs mécanismes d’actions puisque l’effet des cellules
différenciées sur cette population a été étudié dans notre étude.
Chapitre 4 : Grands Principes de l’Immunobiologie et Principaux Mécanismes Régulateurs des CSM
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a) Cellules NK
Les cellules NK sont les cellules effectrices les plus importantes de la réponse innée
représentant 5-20% des cellules mononucléées (CMN) du sang périphérique mais cette
proportion peut représenter jusqu’à 30-50% de l’ensemble des lymphocytes dans le foie (178).
Ces cellules sont identifiées par leur absence d’expression du CD3, et par l’expression du CD56
(N-CAM) et CD16 (FcRIIIa) mais peuvent être davantage classées en trois sous-populations :
NK CD16
+CD56
dimreprésentant 90% des cellules NK, NK CD16
-CD56
bright10% et NK
CD16
+56
-1-3%. Les NK CD16
-CD56
brightexpriment CD117 (récepteur exprimé par les cellules
progénitrices) contrairement à la population CD16
+CD56
dimqui exprime le CD57 (exprimé par
les cellules sénescentes) (179–181). Concernant la population minoritaire NK CD16
+56
-, sa
fréquence augmente dans certains cas d’infections chroniques comme le VIH (182).
b) Récepteurs inhibiteurs et activateurs des cellules NK
Les fonctions des cellules NK sont médiées par un équilibre entre des signaux transmis
par les récepteurs activateurs et inhibiteurs exprimés à la surface des cellules NK.
Parmi les récepteurs inhibiteurs, peuvent être cités certains « killer imunoglobulin-like
receptors » (KIR), CD161 et CD94-NKG2A (NKG2D : natural killer group 2 membrane D). Les
ligands des KIR sont des molécules classiques du CMH de classe I (HLA-A, B et C) exprimées
par la grande majorité des cellules du corps. Plus d’une dizaine de KIR existent et chaque
individu peut avoir entre 9 et 14 dans son génome (183,184). Le ligand du récepteur CD161 est
le « lectin-like transcript I ». Le CD94-NKG2A, un autre important récepteur inhibiteur, est
hétérodimérique reconnaissant les molécules non-classiques de classe I (HLA-E) (185,186).
Parmi les principaux récepteurs activateurs exprimés par les cellules NK, peuvent être
cités NKG2D, le CD16, les KIR activateurs et les récepteurs de cytotoxicité naturelle (NCR,
natural cytotoxicity receptors) composés de NKp30, NKp44 et NKp46. Les ligands de
NKG2D, MICA/B (major histocompatibility complex class I chain-related gene A and gene B) et
ULBP1-4 (UL16 binding protein), sont plutôt induits dans des conditions pathologiques telles
qu’une infection virale ou une tumeur (187). Le CD16 a comme ligand la région Fc des
immunoglobulines. La figure 20 montre les principaux récepteurs activateurs et inhibiteurs des
cellules NK ainsi que leurs ligands.
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Figure 20. Récepteurs inhibiteurs et activateurs des cellules NK et leurs ligands. L’activation des cellules NK est médiée par une variété de récepteurs membranaires activateurs et inhibiteurs reconnaissant des ligands exprimés par les cellules cibles. Une infection virale, une transformation maligne ou un stress cellulaire induisent une diminution de l’expression des ligands des récepteurs inhibiteurs et augmentent l’expression de ceux des récepteurs activateurs. Malgré la présence de signaux activateurs et inhibiteurs sur les cellules cibles, c’est la prédominance de l’un ou l’autre des deux signaux qui permettra l’activation ou non des cellules NK (188).
c) Médiateurs sécrétés par les cellules NK
Plusieurs cytokines et chimiokines sont secrétées par les cellules NK, tels que l’INF-γ
(interféron γ), TNF-α, GM-CSF (granulocyte-macrophage colony-stimulating factor)… Ces
cytokines, et plus particulièrement l’INF-γ, possèdent des propriétés tumorales et
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virales (189). L’INF-γ peut aussi réguler les réponses immunitaires innée et adaptative à travers
les CD et les lymphocytes T. Les cellules NK CD16
-CD56
brightsont connues pour leur capacité
de sécréter de grandes quantités de cytokines (190), mais des études récentes ont démontré que la
population NK CD16
+CD56
dimpeut produire aussi des cytokines après la liaison de ligands aux
récepteurs activateurs à la surface de ces cellules (191,192). La production de cytokines par les
cellules NK peut être déclenchée par plusieurs signaux tels que les interleukines-2 (pouvant être
secrétée par les lymphocytes T et les CD), -12, -15 ou -18 (pouvant être secrétées par les
macrophages, les monocytes et les CD), ou par la stimulation de récepteurs activateurs comme le
CD16, le NKG2D et les NCR (193). Autre que la production de cytokines, les cellules NK sont
caractérisées par leur capacité de lyser les cellules cibles grâce à la libération par dégranulation
des perforines et des granzymes (194) qui vont perforer la cellule et déclencher l’apoptose ou via
la liaison des récepteurs de mort cellulaire avec leurs ligands tels que le TRAIL (TNF-related
apoptosis-inducing ligand) et le FAS-L (apoptosis stimulating factor) (figure 21).
Figure 21. Production de cytokines et lyse induites par les cellules NK. Les cellules NK peuvent secréter des cytokines activant la maturation des CD et contribuant au développement de la réponse immunitaire adaptative. Ces cellules peuvent aussi lyser les cellules infectées ou tumorales via des récepteurs induisant la mort cellulaire ou par libération de granules cytotoxiques (195).
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d) Mécanismes de cytotoxicité
La lyse des cellules cibles par les cellules NK peut être :
dépendante des anticorps ou ADCC (antibody-dependant cellular cytotoxicity) : elle est
médiée par la population CD16
+CD56
dimet implique le CD16. Ce récepteur a comme
ligand la région constante Fc des immunoglobulines recouvrant la surface des cellules
tumorales ou infectées. Lorsque le CD16 est engagé, les cellules NK sont alors activées et
libèrent des perforines et granzymes lysant les cellules cibles ;
indépendante des anticorps et ne nécessitant aucune stimulation préalable. C’est
l’équilibre entre les signaux activateurs et inhibiteurs qui permettra aux cellules NK de
lyser une cellule infectée ou non. Pour que la lyse soit induite, il doit y avoir une absence
d’inhibition, une présence d’activation ou une éducation. Les cellules NK expriment au
moins un récepteur inhibiteur reconnaissant le CMH-I qui est normalement exprimé par
toutes les cellules normales du corps, ce qui permet alors de protéger ces dernières d’une
lyse éventuelle par les cellules NK (196). Dans certains cas d’infections ou de
transformations malignes, les cellules infectées diminuent leur expression de CMH-I et
deviennent, par conséquent, sensibles à la lyse par les cellules NK ne recevant plus de
signaux inhibiteurs. Dans ce cas il s’agit du mécanisme d’ « absence du soi » (197). Le
second mécanisme contribuant à la lyse est l’activation des cellules NK par les récepteurs
activateurs cités précédemment. Le troisième facteur essentiel pour avoir une lyse par les
cellules NK est l’éducation. En l’absence de l’éducation des cellules NK au cours de leur
développement, elles seront anergiques. Le processus d’éducation consiste à une
interaction entre un récepteur inhibiteur et son ligand le CMH-I. Un clone de cellules NK
devient anergique quand elles expriment un récepteur inhibiteur spécifique pour un
CMH-I qui est absent dans le génome.
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Figure 22. Régulation de la lyse de cellules cibles par les cellules NK. L’expression de CMH-I parles cellules normales du corps protègera ces cellules d’une lyse par les cellules NK. En absence d’expression de CMH-I par les cellules infectées ou transformées, les cellules NK ne reçoivent plus un signal inhibiteur et peuvent lyser les cellules. Dans un autres cas, les cellules infectées peuvent surexprimer des ligands activateurs induisant la lyse par les cellules NK (198).