• Aucun résultat trouvé

Immixtion et apparence trompeuse L’immixtion de la société mère dans les affaires

Section I. La responsabilité environnementale de la société mère du fait de sa filiale

99. Immixtion et apparence trompeuse L’immixtion de la société mère dans les affaires

de sa filiale comme fondement à l’engagement de sa responsabilité n’est pas nouvelle et dépasse les frontières du droit social. Cette notion couplée à celle de création d’apparence trompeuse, permet en effet de faire supporter à une mère les engagements contractés par sa filiale519. L’immixtion peut se définir comme « l'intervention sans titre dans les affaires

d'autrui, se traduisant par l’accomplissement d’un acte »520. L’apparence trompeuse va être constituée lorsqu’il « résulte, intentionnellement ou non, de la réunion de signes extérieurs

par lesquels se manifestent ordinairement un état, une fonction et qui font croire aux tiers et les fondent à croire que la personne parée de ces signes à réellement cet état ou cette fonction »521. Il s’agit alors pour la société mère d’avoir eu un comportement qui laisse légitimement croire aux contractants d’une de ses filiales qu’elle est elle-même       

515Cass. Soc., 8 juillet 2014, no 13-15.573. Bull. V, n°180. Cass. Soc., 8 juillet 2014, no 13-15.470. Bull. V, n°179. GP 2014, n°304, p.27, G. DUCHANGE; JCP S 2014 n°29, p.23, G. LOISEAU; REEI 2015, n°4, p.27, F.-G. TREBULLE; D.2014, p.2147, P.-M. LE CORRE, F.-X. LUCAS; D.2015, p.829, J. PORTA et P. LOKIEC ; RCP 2014, n°5, p.9, F. PETIT ; Rev. Proc. coll. 2014, n°6, D. JACOTOT.

516

G. AUZERO, Perte de l’emploi et responsabilité délictuelle de la société mère, BJE, 2014 n°6, p.381. 517 Voir sur ce point : Y. PAGNERRE, Regard historique sur le co-emploi, Droit social 2016, p.550 ; G. LOISEAU, Que reste-t-il du co-emploi ?, Les cahiers sociaux 2015, n°270, p.7.

518

G. AUZERO, op. cit., L. ENJOLRAS, De l’engagement de la responsabilité extra-contractuelle de la société mère, Revue Lamy droit des affaires 2014, n°98, p.58 ; G. LOISEAU, Le coemploi est mort, vive la responsabilité délictuelle, JCP S 2014, n°29 ; G. CHARENT, Le recours à la responsabilité délictuelle de la société mère à l’égard de sa fille comme réponse au rétrécissement de la notion de co-emploi, Les cahiers sociaux 2017, n°295, p.171.

519B. DONDERO, Conseil à une mère : ne pas se mêler des affaires de sa filiale, JCP E 2015, p.1159 ; B. GRIMONPREZ, op.cit. J.-F. BARBIERI, Immixtion dans la gestion d’une filiale et responsabilité de la société mère, Rev. Société 2004, p.425.

520 G. CORNU, op. cit., p.520. 521

personnellement engagée à leur égard. Il y a un décalage entre ce qui apparaît et la réalité522. Traditionnellement, ces notions constituaient deux fondements distincts pour engager la responsabilité de la société mère523. Dorénavant, les choses se présentent différemment. Dans une décision du 12 juin 2012524, la Chambre commerciale de la Cour de cassation censure la condamnation solidaire d’une mère et de sa fille prononcée par les juges du fond au motif qu’ils n’avaient pas caractérisé que l’ « immixtion avait été de nature à créer pour le cocontractant une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son cocontractant ». Ainsi, l’immixtion à elle seule ne justifie pas

l’engagement de la responsabilité de la société mère. Celle-ci doit en outre avoir créé une apparence trompeuse. Les deux critères vont alors se confondre525. Cette même chambre a confirmé cette solution dans un arrêt du 3 février 2015526. Malgré l’existence d’exceptions dans plusieurs domaines, le droit des entreprises en difficulté est lui encore réticent à l’idée de passer outre le principe d’autonomie des personnes morales. Néanmoins, la notion d’extension de procédure permet, dans une certaine mesure, de relativiser cette autonomie dans le cadre d’une procédure collective et de faire supporter une partie des dettes du débiteur à une tierce personne.

100. La levée du principe d’autonomie en droit des entreprises en difficulté : l’extension de procédure. - En principe, aux termes des articles L. 620-2 et L. 640-2 du Code de

commerce, une procédure collective ne peut être ouverte qu’à l’encontre d’un débiteur titulaire d’une personnalité juridique ce qui n’est pas le cas d’un groupe de société. Dès lors, les créanciers d’une filiale ne peuvent pas demander paiement à la société mère en cas de défaillance de leur débiteur527.

      

522 M. DE GAUDEMARIS, Théorie de l’apparence et société, Revue des sociétés 1991, p.465.

523 Sur la différence entre ces deux notions, voir : J. SCHMEIDLER, La responsabilité de la société mère pour les actes de sa filiale, D.2013, p.584.

524

Cass. Com., 12 juin 2012, n°11-16.109. Bull. IV, n° 121. J.-F. BARBIERI, op.cit. ; GP 2012, n°223, p.36, B. DONDERO; RTD Civ. 2012, p.546, P.-Y. GAUTIER; Rev. Contrats 2012, p.1190, Y.-M. LAITHIER; Contrats conc. consom. 2012, n°8, p.17, N. MATHEY Nicolas ; Rev.Droit des sociétés 2012, n°10, p.18, R. MORTIER; J. SCHMEIDELER, op.cit. ; Revue des sociétés 2013, p.95, C. TABOUROT-HYEST.

525 J. SCHMEIDLER, op.cit.

526 Cass. Com. 3 février 2015, pourvoi n°13-24.895. Bull. IV, n°14. RTD Civ. 2015 p.388 H. BARBIER; Bull.Joly 2015, p.128, A. COURET ; GP 2015, n°128, p.27, J.-M. MOULIN; B. DONDERO Bruno, op.cit. n°47.

527

L’utilisation des notions de fictivité et de confusion de patrimoine peut venir faire échec à ce principe. D’abord utilisées par la jurisprudence528 pour permettre, sous certaines conditions, d’imputer à la société mère les faits de sa filiale529, ces techniques ont été consacrées par la loi n°2005-845 du 27 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises à l’article L. 621-2 du Code de commerce. Ainsi, la procédure collective initialement ouverte contre une entreprise peut être étendue à une société tierce s’il est démontré que la première société est fictive ou qu’il y a confusion de patrimoine. Il y a alors une seule et unique procédure, comprenant un patrimoine unique, composé de l’ensemble de l’actif et du passif de l’ensemble des sociétés en cause530. Cette extension prononcée indépendamment de la situation financière de la seconde société531 peut rendre un débiteur solvable, et ainsi lui permettre de faire face à ses obligations.

Si les dispositions de l’article L. 621-2 prévoient effectivement la possibilité d’une extension en raison d’une confusion ou d’une fictivité, aucune définition de ces notions n’est donnée. Il faut se reporter à la jurisprudence, laquelle est très sévère dans l’appréciation des conditions de l’extension de procédure, montrant bien que le principe d’autonomie doit rester la règle532. Ainsi, la confusion de patrimoine va résulter de l’existence de relations financières anormales entre les sociétés concernées. Cette qualification sera retenue, par exemple, en cas de flux financiers anormaux qui vont témoigner de l’imbrication des patrimoines533 sans qu’il ne soit nécessaire que ces relations aient augmenté le passif du débiteur initial534. Les notions de confusion et de fictivité ne recouvrent pas la même signification. La fictivité « est

l’utilisation de la personnalité juridique dans l’intérêt d’une autre société »535. Par exemple,

      

528 En ce sens : Cass. Com.20 octobre 1992, n°90-21.070. Bull. IV, n°314. « La liquidation judiciaire d’une personne morale ne peut être étendue à une autre qu’en cas de confusion de leur patrimoine ou de fictivité de l’une d’entre elles ».

529 Si ce mécanisme peut être utile en présence d’un groupe de société, il ne s’agit pas de la seule hypothèse dans laquelle il peut être mise en œuvre. Par exemple, la procédure peut être étendue d’une société commerciale à une société civile immobilière ou encore d’un locataire-gérant à l’ancien exploitant.

530

F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 9e éd., Lextenso, 2012, n°325 ; A. LIENHARD, Procédures collectives, Delmas, Dalloz, 2017, n°64.24 ; P. ROUSSEL-GALLE, La théorie du patrimoine et le droit des procédures collectives, Rev. Lamy Dr. Civ. 2010, n°77 ; B. GRELON et C. DESSUS-LARRIVE, La confusion des patrimoines au sein d’un groupe, Rev. Sociétés 2006, p.281.

531

Cass. Com., 24 octobre 1995, n°93-20.469. Rev. Proc. coll. 1995, p. 206, CALENDINI. 532 J. CHEVAL, op. cit.

533 Notamment : Cass. Com., 10 juillet 2012, n°11-18.973. GP 2012 n°286-287 p.21, F. REILLE; Rev. Proc. Coll. 2013 n°1, p.27, B. SAINTOURENS.

534 Cass. Com., 16 juin 2015, n°14-10.187. Publiée au bulletin. Rev. Sociétés 2015, p. 545, P. ROUSSEL- GALLE ; JCP E 2016, n°4, P. PETEL ; JCP E 2015, n°48, O. MARAUD ; Rev. Dr. Sociétés 2015, n°8-9, J.-P. LE GROS ; GP 2015, n°293, p.27, F. REILLE ; BJS 2015, n°9, p.458, E. MOUIAL-BASSILANA ; BJED 2015, n°5, L. LE MESLE ; RLDA 2015, n°107, M. DE MONTAIGNE.

535

il s’agira pour une société mère de créer des sociétés-écrans536. Une réunion de patrimoines peut également être prononcée lorsque le débiteur est une EIRL, soit en cas de confusion entre un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur, soit en cas de manquement aux règles de l’affectation537 ou aux obligations comptables qu’il est tenu de respecter. Cette adaptation de l’extension de procédure met en évidence qu’il s’agit ici de prendre en compte la réalité économique d’une situation au sein de laquelle il peut y avoir un abus de personnalité juridique sans pour autant que ce mécanisme ne soit une sanction538. La société mère peut être inquiétée par le biais de l’action en extension de procédure lorsque la confusion de patrimoine ou la fictivité est établie. Cette action peut s’avérer très utile dans le cadre de l’existence d’une créance environnementale comme la démontré la célèbre affaire « Métaleurop ».

En 2003, la société Métaleurop Nord, filiale de la société Métaleurop, est placée en liquidation judiciaire. Alors que son site est considéré comme le plus pollué de France, le liquidateur, craignant pour sa dépollution et le sort des huit-cents salariés, exerce une action en extension de procédure fondée sur la confusion de patrimoine et la fictivité. En première instance, cette demande a été rejetée. Le Ministère public et les liquidateurs ont alors interjeté appel de cette décision. La Cour d’appel de Douai539 a retenu l’existence d’une confusion de patrimoine et rappelé qu’« une société apparaît fictive lorsqu’elle est

dépourvue de toute autonomie décisionnelle et notamment de la faculté de décider dans le cadre des dispositions légales et statutaires, de sa liquidation ou de sa survie, cette faculté appartenant au maître de l’affaire». Cependant, la Cour de cassation dans une décision du 19

avril 2005540 a considéré que la Cour d’appel n’avait pas caractérisé le critère de relations financières anormales nécessaire à la qualification de confusion. Pourtant, l’extension de procédure aurait permis de prendre en charge les travaux de dépollution. Mais les juges se bornent à une interprétation stricte sans rechercher la protection des intérêts primordiaux, qu’il s’agisse de la prise en charge de la dépollution ou du sort des salariés. L’imputation des faits d’une filiale à une société mère par le biais de l’extension de procédure est donc       

536 P. ROUSSEL-GALLE, op. cit. ; A. LIENHARD, op. cit., n°64-15. 537

L’affectation du patrimoine est régit par l’article L. 526-6 du Code de commerce. 538

P. ROUSSEL-GALLE, La théorie du patrimoine et le droit des procédures collectives, op. cit.

539 CA Douai, ch. 2, sect. 1, 16 décembre 2004,. D. 2005, p.216, A. LIENHARD ; JCP E 2005, n°20, B. ROLLAND.

540

Cass. Com., 19 avril 2005, n°05-10.094. Bull. IV, n° 92. D.2005, p.1225, A. LIENHARD; JCP G 2005, n°26, p.1241, O. BOURU et M. MENJUCQ ; RTD Com.2005, p.541, C. CHAMPAUD et D. DANET ; Env. 2005, n°6 et JCP E 2005, n°20 B. ROLLAND ; Rev. Sociétés 2005, p. 897, D. ROBINE et J. MAROTTE ; GP 2006, n°173, p.39, D. ROBINE ; Defrénois 2005, n°23, p.1932, D. GIBIRILA ; GP 2005, n°309, p.3, C. LEBEL ; BJS 2005, n°6, p.690, C. SAINT-ALARY-HOUIN ; Dr. Patr. 2005, n°139, M.-H. MONSERIE-BON ; RLDA 2005, n°84, A. LEFEVRE et J. VASA.

insuffisante pour assurer la prise en charge des créances environnementales. Toutefois, en matière de droit social, l’intérêt général peut justifier qu’il soit fait exception au principe d’autonomie des personnes morales541. La protection de l’environnement, à l’image de la protection des droits des salariés, a valeur constitutionnelle. S’il est difficile de mettre à la charge d’une société mère le paiement des créances environnementales sur les fondements traditionnellement utilisés, le législateur commercial a néanmoins pris en compte la valeur supérieure de la protection de l’environnement en reconnaissant la possibilité d’engager la responsabilité environnementale d’une société mère pour les faits d’une de ses filiales.

§2. - La responsabilité environnementale des sociétés mères du fait de leurs filiales : une responsabilité encore limitée

Alors que l’idée d’une responsabilité environnementale des sociétés mères n’est pas nouvelle, sa consécration est relativement récente. C’est la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II »542 qui a institué un nouveau fondement rendant possible la mise à la charge des sociétés mères de certaines dettes environnementales de leurs filiales (A). Par la suite, cette responsabilité a été renforcée au moyen de la création d’un devoir de vigilance, mais dont les sanctions n’ont pas réellement vocation à pallier la défaillance de la filiale. Avec loi Grenelle II, le législateur a également voulu instaurer une gestion préventive des passifs environnementaux au sein des groupes (B).

A. - La consécration de la responsabilité environnementale des sociétés mères du fait de leur filiale

101. Genèse. - L’idée d’une responsabilité environnementale des sociétés mères en matière

environnementale a été mise en avant à plusieurs reprises543, à l’image du droit américain qui permet de rechercher la responsabilité d’une société mère en cas de dommages causés à l’environnement544. En effet, suite au naufrage du pétrolier Amoco Cadiz au large des côtes bretonnes, les victimes ont engagé une action à l’encontre de la société mère Standard Oil aux       

541C. CARPENTIER, op.cit. 542

Journal officiel numéro 0160 du 13 juillet 2010, p.12905. Note sous loi Grenelle II, NOTTE Gérard, JCP E 2010, n°30, p. 3.

543Voir notamment : C. HANNOUN, La responsabilité environnementale des sociétés mères, Rev. Environnement développement durable, 2009, n°6 ; B. GRIMONPREZ, op.cit.; T. D’ALES et L. TERDJMAN op.cit.

544

Etats-Unis. Cette condamnation créa alors un précédent très important en la matière545. L’avant-projet Catala de réforme du droit des obligations prévoyait la possibilité d’engager la responsabilité de la personne exerçant un contrôle de l’activité économique d’une autre personne dès que le contrôle est en relation avec le dommage. Sont expressément visées par cette possibilité les sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales546. La circulaire du 2 avril 1999 relative à la Mission confiée au conseil général des mines et à l'inspection générale des finances sur la responsabilité des actionnaires dans la politique de prévention et de gestion des sites et sols pollués reconnaissait déjà que des opérations plus ou moins complexes, notamment la filialisation puis la liquidation, permettent « à un groupe

industriel d’échapper à son obligation de dépolluer ou d’assurer le suivi d’un site pollué »547. Le rapport de messieurs Lubek et Hugon a également formulé différentes propositions dans le sens d’une responsabilisation des sociétés mères en tant qu’actionnaires548. Le rapport Lepage549 sur la gouvernance écologique avait, lui aussi, proposé la création d’un principe de responsabilité pour faute de la société mère en cas de défaillance de la filiale pour la réparation des préjudices environnementaux et sanitaires. Cela fut chose faite avec la loi Grenelle II.

Jusqu’en 2010 en France, la responsabilité environnementale d’une société mère est envisagée par la jurisprudence sous l’angle du droit commun. Mais, c’est par l’existence d’une faute qu’elle aura elle-même commise que cette responsabilité peut être engagée550. Dans le cadre du procès Erika551, la société mère fut effectivement condamnée, mais du fait de sa propre faute552. Le principe d’autonomie était intact et justifiait qu’en dehors des hypothèses évoquées précédemment, la mère n’avait pas à répondre des obligations environnementales de ses filiales.

       545

HUGLO Christian, Avocat pour l’environnement, éd. Lexisnexis 2013, p.97. Dans cet ouvrage l’au teur, avocat d’une partie des victimes, raconte le déroulement du procès à Chicago et tire les conclusions juridiques de ce drame environnemental.

546

P. CATALA (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, 22 septembre 2005, p. 158.

547 Voir sur ce point : M.-P. BLIN-FRANCHOMME, De «l’évolution des espèces » : vers une responsabilité environnementale des groupes de sociétés, Rev. Lamy Droit des affaires 2009, n°42.

548

J.-P. HUGON et P. LUBEK (dir.), op. cit., p. 128 et s. 549C. LEPAGE (dir.), op. cit., p.68 à 70.

550 C. HANNOUN, op. cit., C. CARPENTIER, op.cit. La responsabilité de la société Totale ne fût pas engagée en tant que société mère mais en tant que personne ayant exercé un contrôle sur le navire.

551 Cass. Crim. 25 septembre 2012, n°10-82.938. op. cit. 552

102. Consécration de la responsabilité environnementale des sociétés mères dans le Code de l’environnement. - La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national

pour l’environnement, dite loi « Grenelle II »553, institue une nouvelle action, autonome des mécanismes traditionnellement utilisés, et qui vise la prise en charge par la société mère des obligations environnementales d’une filiale en cas de défaillance de cette dernière. Deux dispositifs ont été mis en place par le législateur554. Le premier volet va reposer sur la réparation avec la mise en place d’une responsabilité pour faute de la société mère. L’article L. 512-17 alinéa 1er du Code de l’environnement dispose que « lorsque l'exploitant est une

société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le représentant de l'Etat dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l'existence d'une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu'une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites en fin d'activité ». Si cette

possibilité marque une avancée importante pour la prise en compte de la donnée environnementale, la lecture de cette disposition montre que les conditions de mise en œuvre d’une telle action sont strictes. Par conséquent, le paiement de la créance environnementale sur ce fondement peut s’avérer difficile.

103. Créances concernées. - La première difficulté réside dans le type de créance visé par le

texte. Par sa position au sein du Code de l’environnement555, les créances environnementales susceptibles d’être imputées à la société mère sur ce fondement sont celles qui découlent de la mise en œuvre du régime spécial des installations classées pour la protection de l’environnement. Il s’agit d’assurer, par ce biais, la remise en état du site en fin d’activité et donc le respect des obligations édictées par les articles R. 512-39-1, R. 512-46-25 et R. 512- 66-1 du Code de l’environnement556. Les autres types de créances environnementales à l’image des créances de réparation découlant de l’existence d’un préjudice écologique ne sont pas visés par le dispositif557. En outre, la filiale débitrice doit être placée en liquidation

      

553 Journal officiel numéro 0160 du 13 juillet 2010, p.12905. N. Gérard, Note sous loi Grenelle II, JCP E 2010, n°30, p.3.

554 G. J. MARTIN, Commentaire des art.225, 226 et 227 de la loi Grenelle, Rev. société 2011, p.75. 555 Cette disposition figure en effet dans le Titre 1Er du livre 4 consacré aux ICPE.

556 G. J. MARTIN, op. cit. Sur l’étendue de la remise en état, voir Infra : n°265.

557 Sur la classification des différents types de créances environnementales retenus dans cette étude, voir chapitre I de la présente partie.

judiciaire. Cette condition peut s’expliquer par le fait que seule la phase liquidative connaît une cessation d’activité. Il n’en reste pas moins que la prise en charge des créances environnementales par une société mère lorsque le débiteur se trouve soumis à un redressement ou une procédure de sauvegarde reste exclue. Or, des passifs environnementaux qui ne pourront pas nécessairement être payés sur le patrimoine du débiteur se retrouvent également dans ces procédures. Il y a alors un risque non seulement pour l’environnement, mais également pour le débiteur lui-même. Le coût de ces créances peut s’avérer important et venir accroître le passif du débiteur. Ses chances de redressement sont amoindries alors même qu’il s’agit de l’objectif principal de ces procédures558.

104. Nécessité d’une faute caractérisée. - La seconde difficulté réside dans l’exigence de

rapporter la preuve d’une faute caractérisée de la part de la société mère. Cette faute doit avoir contribué à l’insuffisance d’actif de la filiale. Cette notion n’est définie ni dans le Code de commerce ni dans le Code de l’environnement dans le présent cas. Elle va donc relever de l’appréciation souveraine des juges du fond, et si elle peut a priori se rapprocher de la faute de gestion exigée dans le cas de l’action en insuffisance d’actif classique prévue à l’article L. 651-2 du Code de commerce559, les deux notions ne doivent pas se confondre. L’article L. 651-2 a vocation à sanctionner les comportements des dirigeants tandis que l’objectif de l’action prévue par le Code de l’environnement est de sanctionner la société mère en sa qualité d’actionnaire560.

D’autres branches du droit utilisent la notion de faute caractérisée. C’est notamment le cas du droit pénal561. La loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des