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Etude 1 : Discussion générale

3.2.1. Imagerie visuelle versus imagerie motrice

La rotation mentale visuelle est liée à la capacité de faire tourner l’image mentale

visuelle d’un objet de deux ou de trois dimensions dans l’espace tridimensionnel mental

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pouvons créer une image mentale visuelle d’un objet et la faire tourner en lui appliquant une transformation mentale. Cette transformation mentale serait similaire à une transformation appliquée sur l’orientation physique d’un objet, par exemple, lorsque nous le tournons avec notre main dans un espace physique défini (Shepard & Metzler, 1971).

Des études récentes démontrent que la rotation mentale peut dépendre de traitements sur différents formats (i.e., spatiaux ou visuels) de représentations (Farah et al., 1988 ; Kozhevnikov et al., 2005). L’étude de sujets aveugles démontre notamment qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des images visuelles pour effectuer une rotation

mentale (Carpenter & Eisenberg, 1978 ; Marmor & Zaback, 1976). Pour des sujets voyants, la rotation mentale effectuée sur des stimuli tactiles ne dépendrait pas nécessairement de l’élaboration préalable d’une représentation visuelle (cf. Etude 1 ; Toussaint, Caissie et al., 2012).

Dans cette deuxième étude nous nous intéressons à la rotation mentale effectuée sur des stimuli non corporels ou corporels (Parsons, 1987, 1994 ; Shepard & Metzler, 1971). La rotation mentale peut dépendre de deux stratégies d’imagerie mentale : l’imagerie visuelle et l’imagerie motrice, la première étant considérée la plus manifeste lors de transformations mentales appliquées sur des stimuli non corporels (i.e., objets tridimensionnels), la deuxième étant considérée la plus manifeste lors de transformations mentales appliquées sur des parties corporelles (i.e., mains, pieds) ou le corps en entier (Amorim, Isableu, & Jarraya, 2006).

Selon Zacks et Michelon (2005), la transformation de l’image mentale d’un objet est centrée-sur-l’objet. Ainsi, la rotation mentale d’un objet fait changer uniquement la

position de l’objet. On peut dire que la rotation mentale visuelle implique une

transformation allocentrique, dans une tâche de comparaison et de décision présentant deux objets, un modèle et un objet de comparaison avec disparités angulaires variables de positionnement (i.e., 0°-180°). Dans le cas de présentations de paires d’objets identiques (Cohen et al., 1996), plus les disparités angulaires entre les deux objets augmentent, plus la rotation mentale serait nécessaire pour réorienter un des objets en position mentale congruente, avant d’émettre une réponse.

Récemment, des études neurophysiologiques ont démontré la possibilité d’utiliser une stratégie motrice lors de la résolution de certaines tâches de rotation mentale. Dans plusieurs de ces études les expérimentateurs présentaient des stimuli illustrant des parties du corps humain (mains, pieds ; i.e., Bonda, Petrides, Frey, & Evans, 1995 ; Ganis, Keenan, Kosslyn, & Pascual-Leone, 2000 ; Kosslyn, DiGirolamo, Thompson, & Alpert,

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1998 ; Parsons et al., 1995). La résolution d’une tâche avec stimuli corporels implique

généralement l’activation des zones motrices du cerveau telles les aires prémotrices (PMA)

et le cortex moteur primaire (M1). Par exemple, une tâche de latéralité manuelle ou de rotation mentale motrice a été utilisée dans laquelle un participant doit décider si un dessin

d’une main désorientée est une main gauche ou une main droite (voir Figure 41 ; Cooper &

Shepard, 1975 ; Parsons, 1987, 1994 ; Parsons et al., 1995). Parsons (1987) émettait

l’hypothèse que les participants comparent la rotation de leur propre main à celle du

stimulus présenté, pour émettre une réponse. La composante motrice impliquée dans la résolution de cette tâche serait liée à la simulation mentale du mouvement de notre propre main (Jeannerod, 1995, 2001), la comparaison des coordonnées d’une référence corporelle à une autre ayant été décrite comme une transformation égocentrique, centrée-sur-le-corps (Howard, 1982 ; Parsons, 1994 ; Zacks & Michelon, 2005). Plus le dessin de la main est désorienté, plus un participant met de temps avant de répondre. Il utiliserait alors une simulation mentale du mouvement physique de sa propre main jusqu’à superposition sur le dessin ou le stimulus corporel présenté (i.e., le temps de la simulation mentale est fortement corrélé au temps de mouvement physique : Parsons, 1994).

Figure 41. Dessin d’une main désorientée dans le plan (75°, rotation vers la gauche) par rapport à

la position verticale (d’après Parsons, 1987). Dans une tâche de latéralité manuelle (rotation

mentale motrice), les participants décident s’il s’agit d’une main droite ou d’une main gauche.

La rotation mentale visuelle sollicite préférentiellement le système occipito-pariétal (Cohen et al., 1996 ; Kosslyn et al., 1998 ; Röder et al. 1997 ; Rösler et al., 1993) et la rotation mentale motrice sollicite préférentiellement le système fronto-pariétal (Amick et al., 2006 ; Ganis et al., 2000 ; Kosslyn et al., 1998 ; Parsons, 2003 ; Wraga, Thompson, Alpert, & Kosslyn, 2003). Le réseau du traitement des représentations associé à une rotation mentale visuelle correspond aux zones de traitement d’informations perceptuelles

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visuelles, ce qui suggère une correspondance des processus perceptifs visuels et des processus imagés visuels (Hoyek et al., 2009 ; Kosslyn et al., 2006 ; Zacks & Michelon, 2005). Découlant de la théorie de la simulation (Jeannerod, 1995, 2001), la rotation mentale motrice serait en quelque sorte comme la simulation interne d’un mouvement exécuté physiquement. L’imagerie motrice serait considérée comme le niveau cognitif du traitement des actions physiques de notre propre corps, impliquant des représentations sensorimotrices dans la planification et la préparation d’un mouvement.

Penfield et Rasmussen (1950) démontraient déjà que la stimulation des zones motrices primaires et du cortex pré-moteur ne suscite pas de représentation visuelle. Les transformations égocentriques seraient spécifiquement appliquées sur des représentations kinesthésiques et somatosensorielles. Une étude neurophysiologique avec des patients

ayant subit une callosotomie a aussi démontré l’impossibilité d’identifier des mains

gauches et des mains droites présentées respectivement aux hémisphères gauches et droits,

suggérant qu’une bonne performance à une tâche de latéralité manuelle dépend d’une représentation motrice dans l’hémisphère controlatéral de la main illustrée (Parsons,

Gabrielli, Phelps, & Gazzaniga, 1998 ; voir aussi Tomasino & Rumiati, 2004 ; Tomasino,

Toraldo, & Rumiati, 2003). D’autres études (Sirigu et collaborateurs, 2001, 1996) ont démontré que l’identification de mains n’est pas affectée lors d’une lésion du cortex

pariétal ou lors de l’impossibilité d’utiliser l’imagerie visuelle : on présente ainsi une dissociation clinique entre imagerie visuelle et imagerie motrice.

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