• Aucun résultat trouvé

4. Tâches de rotation mentale et problématique

4.2. Caractéristiques d’items et modèles de difficulté du MRT

Des études récentes (Caissie, Vigneau, & Bors, 2009 ; Vigneau, Caissie, & Bors, sous presse ; Voyer, Rodgers, & McCormick, 2004) ont évalué la contribution de quelques

caractéristiques d’items (décrites plus bas) à la difficulté générale du MRT visuel et aux

différences interindividuelles de performance. Notamment, une analyse générale de la

difficulté démontre que certains items du MRT sont plus difficiles que d’autres (Voyer et al., 2004) et que seuls les items difficiles peuvent nécessiter des processus de rotation mentale (Shiina & Suzuki, 1999), tout en permettant de différencier les « bons imageurs » des « faibles imageurs » (Geiser, Lehmann, & Eid, 2006).

Dans une étude récente, menée en parallèle de mon travail de thèse (Caissie et al., 2009), mes collègues et moi avons proposé de distinguer trois facteurs de difficulté

Tâches de rotation mentale et problématique

40

principaux, définis selon différentes caractéristiques d’items : présence ou non d’occlusion visuelle, présence ou non de distracteurs « miroirs », présence ou non de configurations géométriques homogènes (Figure 8 A, B, et C, p. 40). Il apparaît alors que les items avec occlusion visuelle sont plus difficiles que les items sans occlusion visuelle, les items miroirs sont plus difficiles que les items structuraux, et les items homogènes sont plus difficiles que les items hétérogènes. L’apport des caractéristiques d’items à la difficulté du MRT a permis de développer des modèles, selon lesquels nous pouvons évaluer les similarités/dissimilarités de traitement d’informations spatiales entre la vue et le toucher.

A.

B.

C.

Figure 8. Exemples d’items du MRT (d’après Vigneau et al., sous presse). Pour chaque item, le participant doit trouver, parmi quatre choix de réponse à droite, deux objets identiques au modèle, situé à gauche. Les items A et B présentent une occlusion visuelle (choix 3 et 2, respectivement), l’item C est sans occlusion visuelle ; les items A et B sont des items miroir (les mauvaises réponses sont des reproductions miroir du modèle), l’item C est un item structural (les mauvaises réponses sont autre chose que l’image miroir du modèle) ; les items A et B sont homogènes (les segments des extrémités terminales d’objets sont de longueur égale : 3 cubes), l’item C est hétérogène (les segments des extrémités terminales d’objets sont inégaux : 3 cubes constituent l’extrémité du haut vs. 2 cubes constituent l’extrémité du bas).

Les items structuraux nécessitent le recours à des processus d’identification des

structures locales d’objets ou distracteurs (Caissie et al., 2009 ; Voyer & Hou, 2006 ; Voyer et al.,2004). La distinction des structures, suite à la comparaison des objets modèles et distracteurs, ne dépend pas d’une rotation mentale (Caissie et al., 2009 ; Shiina & Suzuki, 1999). A la Figure 8C, la différence entre le segment de l’extrémité terminale inférieure du premier choix de réponse et de l’extrémité inférieure du modèle est rapidement perçue par la vue. En modalité tactile, un suivi des contours permet aussi de comprendre les différences de structures (Lakatos & Marks, 1999). Dans ce cas, les participants peuvent procéder par élimination des distracteurs (Bethell-Fox et al., 1984 ; Geiser, Lehmann & Eid, 2006 ; Shiina & Suzuki, 1999). Au contraire, les items miroir,

avec distracteurs inversés, nécessitent davantage d’explorations globales des formes d’objets, et une rotation mentale imagée pour réaligner les objets similaires en position

41

congruente avec le modèle (Shiina & Suzuki, 1999 ; Voyer et al., 2004 ; Voyer & Hou, 2006).

Tous les objets du MRT peuvent être représentés selon deux types de configurations : homogènes versus hétérogènes. Les objets à configurations homogènes et hétérogènes sont constitués chacun du même nombre de cubes. Toutefois, alors que les segments des extrémités terminales des objets homogènes sont constitués d’un nombre égal de cubes (trois), les segments des extrémités terminales des objets hétérogènes comportent un nombre inégal de cubes (trois pour le segment terminal supérieur, deux pour le segment terminal inférieur) (Vigneau et al., sous presse). L’hétérogénéité des objets permet une meilleure discrimination (Caissie et al., 2009). Par ailleurs, les objets homogènes présentent une symétrie interne, alors que les objets hétérogènes présentent une asymétrie interne. Au toucher, la détection de l’asymétrie d’objets serait plus rapide et plus exacte (vs. symétrie), pouvant permettre une représentation tactile plus rapide des objets hétérogènes (Ballesteros et al., 1997 ; Locher & Simmons, 1978 ; Simmons & Locher, 1979).

Selon Voyer et Hou (2006), la caractéristique visuelle d’occlusion dans les items du

MRT rend plus difficile la perception unifiée des objets. L’orientation des objets serait en cause : un objet désorienté du point de vue d’un observateur rend hors de portée certaines informations de formes visuelles. Une partie de l’objet doit être reconstituée mentalement sur la base de ses éléments visibles. Cette difficulté est spécifique à la modalité visuelle. En modalité tactile, la main rend disponible les éléments non visibles des objets par la

procédure exploratoire d’enveloppement (Lederman & Klatzky, 1987 ; Woods, O’Modhrain & Newell, 2004 ; Woods & Newell, 2004).

Pour un item donné, les caractéristiques décrites dans la littérature ne sont pas représentées de façon exclusive (Tableau 2, p. 42). Par exemple, les items avec occlusion significative sont aussi homogènes et miroir. La difficulté des items peut ainsi dépendre

d’une caractéristique spécifique ou d’un amalgame des caractéristiques. Une cohérence

visuelle-tactile des modèles, telle qu’observée dans les études d’échelonnement multidimensionnel (cf. section 2.6. ; Garbin, 1990 ; Garbin & Bernstein, 1984), pourrait suggérer une équivalence des représentations et un traitement cognitif similaire, suite à une exploration tactile ou visuelle (i.e., manipulation des représentations).

Tâches de rotation mentale et problématique

42

Tableau 2. Catégorisation des caractéristiques d’items du MRT selon Voyer et Hou

(2006), Caissie et al. (2009), pour les items utilisés dans cette étude.

Items 1 2 Occlusion* NO NO Type de Distracteur** M M Configuration*** HETER HETER 3 NO S HETER 4 NO S HETER 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 NO NO NO NO O O O NO NO O M M S S M M M M S S HETER HETER HETER HETER HOMOG HOMOG HOMOG HETER HOMOG HOMOG

Note : *NO= non-occlus ;O= occlus ; **M= miroir ;S= structural ;***HETER= hétérogène ;HOMO= homogène.

Une autre possibilité est que l’exploration par les deux modalités produit des résultats similaires, la cause des erreurs n’étant pas nécessairement due aux mêmes facteurs ou caractéristiques (Ellis & Lederman, 1993 ; Heller, 2000 ; Heller & Joyner, 1993). Nous savons que plusieurs stratégies (i.e., visuelles, spatiales ; Farah et al., 1988) peuvent être utilisées pour réaliser la tâche (Fitzhugh, Shipley, Newcombe, & Dumay, 2008 ; Geiser et al., 2006). La comparaison et la reconnaissance d’objets désorientés ne sont pas nécessairement dépendantes d’une rotation mentale imagée visuelle (Farah et al., 1988 ; Kozhenikov et al., 2005). Pour le MRT, les différents modèles prédisent que la difficulté peut-être expliquée par les caractéristiques d’items, autant durant l’exploration

tactile que durant l’exploration visuelle.

Documents relatifs