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2.3 Quantification de dégâts en télédétection

2.3.2 Imagerie radar

Contrairement à l’imagerie optique où il est possible dans une certaine mesure d’estimer des dégâts à partir d’une seule image de crise, il est impossible d’interpréter des dégâts sur une image radar unique [Greidanus et al., 2005]. La détection de dégâts sur des images radar est faisable par détection de changements entre des images de référence et de crise.

Ces images ne sont pas acquises au nadir ; une partie des éléments verticaux tels que les façades des bâtiments sont alors visibles et les dégâts éventuels sur ceux-ci peuvent être détectés.

L’imagerie radar à synthèse d’ouverture (ou Synthetic Aperture Radar, SAR, en anglais) permet entre autres choses une mesure de changement de hauteur d’un objet (dans le cas de l’effondrement d’un bâtiment ou d’un de ses étages par exemple) par interférométrie, d’état de surface d’une cible (apparition de débris ou gravats) par calcul de la cohérence, et de son contenu en eau (notamment dans le cas d’inondation). Ces mesures de cohérence et le calcul d’interférogrammes nécessitent des conditions d’acquisition très proches ; dans le cadre d’acquisitions multidates comme c’est le cas pour la détection de changements, il faut donc attendre une période minimale afin que le satellite acquière une même scène avec un angle d’incidence proche de celui de l’image de référence (35 jours pour ENVISAT et ERS-2). Pour l’estimation d’un modèle numérique d’élévation, dans le but d’évaluer un changement de hauteur par exemple, le calcul d’un interférogramme nécessite que la scène soit observée avec un angle d’incidence que très légèrement différent, afin de conserver un bruit de phase (ou speckle) identique tout en ayant une différence de phase non nulle.

Comme pour l’imagerie dans le domaine du visible, la résolution des images a une influence sur la taille des objets et sur le type de dégâts détectables. Par exemple, sur le cas des inondations dans le Darfour au Soudan en août 2004, l’imagerie radar moyenne résolution Envisat-ASAR (30 m) a permis une bonne détection du réseau des routes, et peut également être utilisée pour la cartographie des surfaces d’eau et des oueds. Elle permet également la détection des emplacements des camps de réfugiés (J.B. Henry, SERTIT). Un mode d’acquisition de RADARSAT-1 permet d’obtenir des images de meilleure résolution (8 m). Celle-ci est considérée comme suffisante pour, dans des conditions favorables, détecter une partie des bâtiments. L’efficacité de cette détection s’améliore avec la hauteur du bâtiment et la faiblesse de l’angle formé entre son orientation et la direction d’observation du capteur. Les changements sur ces bâtiments peuvent alors être détectés, par analyse des variations d’amplitude et de la cohérence du signal entre deux dates. Cependant, cette détection de changements sera plus fiable dans un milieu densément bâti que dans un milieu plus rural [Dell’Acqua et al., 2006] où les variations naturelles (saisonnières pour la végétation, taux d’humidité des sols,. . .) créeront de nombreuses fausses alarmes. Enfin, une résolution moyenne n’est pas assez élevée pour détecter efficacement les contours des bâtiments [Karjalainen et al., 2003].

en Indonésie du 26 décembre 2004 permet de détecter les changements géomorphologiques (dégâts et changements sur la côte, inondations et zones où la végétation est détruite) : ce sont les zones en rouge sur la figure 2.13. En revanche, elle ne permet pas une détection fiable des dégâts sur les bâtiments, les routes et les ponts. Les auteurs concluent que l’utilisation du radar moyenne résolution n’est utile que dans des situations très urgentes, car lorsque les images optiques très haute résolution deviennent disponibles, ces images radar perdent de leur intérêt. Il n’y aurait donc pas souvent d’intérêt à attendre de disposer d’un couple d’images radar avant/après prises dans des conditions proches (angle d’incidence, orbite, polarisation) ; une méthode de recalage et de détection de dégâts automatique serait donc souvent difficilement possible, une analyse manuelle étant préférable.

Fig. 2.13 – Détection de dégâts suite au tsunami du 26 décembre 2004 [Greidanus et al., 2005]. Changements détectés par CFAR (avec utilisation d’un seuil critique) superposés à l’image radar d’Aceh.

Le grand avantage des images radar par rapport aux images optiques réside dans le fait qu’elles peuvent être acquises de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques (l’in- fluence de celles-ci pouvant souvent être compensée). C’est notamment important lors d’une catas- trophe naturelle liée aux intempéries (ouragan, pluies diluviennes), afin de disposer d’une image de crise rapidement. L’imagerie radar moyenne résolution apporte donc une aide précieuse pour l’éva- luation rapide de dégâts touchant de larges zones, par exemple suite à une inondation. [Arciniegas et al., 2007] pensent que les méthodes radar interférométriques pour la détection de dégâts en milieu urbain ne permettent pour l’instant pas (avec les radars de moyenne résolution spatiale) d’atteindre le niveau nécessaire pour la gestion et l’atténuation des conséquences des catastrophes. De plus, ils soulignent que différentes études de l’amplitude des images radar pour la détection de dégâts ont montré soit un accroissement, soit une décroissance de l’amplitude du signal sur les zones détruites ; les conclusions tirées pour un cas de catastrophe ne seraient donc pas transposables à d’autres cas.

Une des conclusions dans [Gamba et al., 2007b] est que l’analyse multitemporelle d’images SAR de moyenne résolution spatiale pourrait être utilisée pour une détection rapide à grande échelle des dégâts, mais qu’apparemment des données THR (optique ou radar) sont nécessaires pour une carto- graphie précise des dégâts. Les images très haute résolution (bande X) issues de capteurs aéroportés, ainsi que les capteurs radar tels que TerraSAR-X ou COSMO-SkyMed lancés à partir de 2007 aug- mentent en effet les possibilités de l’imagerie radar en matière de quantification de dégâts en milieu urbain. Les bâtiments étant la plupart du temps composés de surfaces planes (en comparaison avec la longueur d’onde), le speckle est faible, et les bâtiments apparaissent avec des arêtes bien droites

s’ils ne sont pas endommagés ; au contraire, des bâtiments avec des surfaces présentant plus de relief et des bords de toits moins droits ou ayant disparu renvoient un signal plus aléatoire. Ces types de changements sont donc des indicateurs de présence probable de dégâts, en particulier si les images ont été acquises à des dates rapprochées. La difficulté sera cependant de choisir des couples d’images satisfaisants en termes de distance entre les positions du satellite lors des deux prises de vue, et en termes d’écart temporel.