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2.2 Techniques d’imagerie de contraste de phase par rayonnement synchrotron . 33

2.2.4 Imagerie de phase en propagation libre

Cette technique est l’une des plus simples présentées puisqu’elle ne demande aucun élément optique supplémentaire entre la source, l’échantillon et le détecteur en bout ligne. Le principe sous-jacent est de s’intéresser à la diffraction engendrée par l’objet sur le front d’ondes cohérentes. Après interaction avec la matière, les rayons X vont se propager librement pour créer des motifs de diffraction qui seront observables à différentes distances de propagation. Deux types de diffraction co-existent, la diffraction d’une onde en champ proche dite de Fresnel et la diffraction en champ lointain dite de Fraunhofer, nous allons ici nous intéresser uniquement à la diffraction de Fresnel que l’on observe dans une zone allant de 0 à 999mm de propagation. Les applications de cette technique sont nombreuses sur la ligne de l’ESRF où elle est déployée allant de la science des matériaux à la paléontologie en passant par l’analyse des tissus biologiques [Langer et al. (2010)].

mon-2.2. TECHNIQUES D’IMAGERIE DE CONTRASTE DE PHASE PAR RAYONNEMENT SYNCHROTRON

tage classiquement utilisé en imagerie d’absorption (radiographie). Il consiste à laisser un front d’ondes cohérentes traverser l’objet et à observer les motifs de diffraction résul-tant de l’interaction entre le faisceau et la matière qui vont apparaître dans le régime de Fresnel. L’imagerie en propagation libre est peu sensible à la polychromaticité du fais-ceau (i.e. cohérence temporelle), cependant elle est extrêmement sensible à la cohérence spatiale qui est régit par la phase ϕ(x) du front d’onde ψ(x). Dans un premier temps in-troduit par [Snigirev et al. (1995),Cloetens et al. (1996)] pour des rayonnements purement monochromatiques, cette technique a été montrée d’applicabilité pour des sources poly-chromatiques telles que celles rencontrées dans les centres cliniques [Wilkins et al. (1996)]. Une fois ces diffractions observées, les projections vont servir d’entrée à des algorithmes de traitements. Soit pour procéder à une reconstruction tomographique directement, on aura alors une image de réhaussement de bord qui témoigne à la fois de l’absorption et du décalage de phase. Soit ces projections serviront d’entrée à des algorithmes qui vont cher-cher à extraire l’information de phase uniquement et obtenir une carte coupe par coupe du décrément de l’indice de réfraction δ(x, y, z). Parmi ces approches d’extraction de la phase la majorité travaille avec plusieurs acquisitions qui correspondent à plusieurs distances de propagation (a minima deux distances) entre l’échantillon et le capteur, ce champ est celui de l’holotomogragphie [Cloetens et al. (1999)]. Cependant une autre approche existe et sous certaines hypothèses, elle permet de travailler avec une seule distance de propagation [ Pa-ganin et al. (2002)]. C’est cette approche que nous avons utilisée et que nous détaillons dans la section2.2.6. Pour l’instant nous allons voir brièvement la théorie du contraste de phase et essayer de comprendre ce qui est mesuré dans les projections enregistrées sur le capteur.

L’objet peut être décrit en 2D par une fonction de transmittance (transfert) du faisceau

T(x) en supposant que la direction de propagation est rectiligne à travers l’objet, ce qui est le cas ici. La fonction de transmittance s’écrit sous la forme :

T(x) = exp[−B(x)]exp[iϕ(x)]. (2.25)

À partir de cette fonction on en déduit l’impact de l’objet sur le faisceau d’ondes incident ψinc(x), en définissant le faisceau d’ondes ψ0(x) à la sortie de l’objet :

ψ0(x) = T (x)ψinc(x). (2.26)

L’intensité ID(x) mesurée à une distance D en aval de l’objet est :

ID(x) = |ψD(x)|2. (2.27)

En effet, les capteurs employés ne sont pas capables de mesurer directement la pulsa-tion de l’onde car la fréquence est trop élevée. On a des capteurs de champs qui mesure uniquement une moyenne de l’énergie captée sur un temps défini, ce qui se traduit par le module au carré de la fonction d’onde ψ(x).

Figure 2.12 – Schéma d’un montage classique d’imagerie en propagation libre. (a) Le détecteur est placé juste en aval de l’échantillon, l’image correspond à une radiographie classique. (b) Le détecteur est placé à une distance R2 de l’échantillon ce qui permet à des franges de diffraction de Fresnel de se créer et d’être observées sur le capteur. [Zhou and Brahme (2008)]

À partir de ces équations on peux obtenir l’intensité enregistrée à la sortie de l’objet par exemple :

I0(x) = |T (x)ψinc(x)|2 = exp[−2B(x)]Iinc(x). (2.28)

Cependant, ce que l’on aimerait connaître c’est la fonction d’onde complexe ψD(x) à une distance D donnée afin de pouvoir calculer ID. Dans le cas de la diffraction de Fresnel, on montre qu’une onde incidente qui se propage librement dans l’espace est définie par une convolution [Goodman (2005)] :

ψD(x) = PD(x) ∗ ψ0(x), (2.29)

2.2. TECHNIQUES D’IMAGERIE DE CONTRASTE DE PHASE PAR RAYONNEMENT SYNCHROTRON Fresnel : PD(x) = 1 iλDexp  i π λD|x| 2. (2.30)

Pour plus de détails sur ces différents développements et une théorie plus détaillée, [Langer (2008),Davidoiu (2013)] apporteront de nombreux éclaircissements.

À partir de ce point, nous avons des radiographies en contraste de phase qui si on fait le parallèle correspondent à des projections dans le cas de la radiographie d’absorption. Nous souhaitons maintenant exprimer ces projections d’intensité en fonction de la contribution de l’absorption B(x) (équation 2.19) et celle de la diffraction ϕ(x) (décalage de phase, équation 2.20). D’après [Cowley (1995)] on a :

ID(x) = I0(x)1 −λD2ϕ(x)λD

π exp[−B(x)] [∇exp[−B(x)]∇ϕ(x)] , (2.31)

avec ∇ le gradient dans la direction transversale à la direction de propagation du faisceau d’ondes. Dans notre cas, l’absorption de la matière est quasi nulle (numéro atomique faible, cf. section 2.1.2) comparée au terme de phase on peut alors écrire :

ID(x) = I0(x)expλD 2ϕ(x)  , λD 2ϕ(x)  1, (2.32)

le terme de phase étant de plusieurs ordres de grandeur inférieur à 1, on néglige ce terme dans l’équation. Il ne reste maintenant plus qu’à remplacer I0(x), B(x) et ϕ(x) par leurs définitions, respectivement en équations2.28,2.19,2.20pour avoir une expression complète de l’intensité. Un petit détail reste cependant à prendre en compte, l’intensité mesurée est issue d’une projection. C’est à dire que l’intensité a subi une décroissance exponentielle tout au long de l’axe optique z. Pour prendre en compte ce fait on représente l’équation en lui appliquant un logarithme népérien négatif :

−ln[ID(x)] = λ Z β(x, y, z)dz − D 2 ∂x2 + ∂y2 ! Z δ(x, y, z)dz. (2.33)

À partir de cette équation, que nous obtenons en mesurant l’intensité à la sortie de l’échantillon, nous pouvons procéder à une reconstruction tomographique. Cela afin de récupérer en chaque point du volume une quantité r(x, y, z) à laquelle contribue l’indice d’absorption β(x, y, z) et le laplacien de la partie réelle de l’indice de réfraction complexe

δ(x, y, z). La reconstruction faite est donc proportionnelle en chaque point à :

r(x, y, z) ∝ µ(x, y, z) + D 2

∂x2 +

∂y2

!

δ(x, y, z). (2.34)

Le second terme de cette expression contribue fortement dans les régions de l’échan-tillon où il y a des interfaces très marquées, qui se traduisent par un saut de l’indice de réfraction et donc un fort décalage de phase. On a pour habitude de considérer cette imagerie comme une imagerie qui réhausse naturellement les bords. Pour faciliter

l’inter-prétation, on aimerait pouvoir associer à l’intensité du contraste une seule contribution cependant cela est impossible dans notre cas, c’est pourquoi on peut essayer de minimiser la contribution d’un terme au maximum. Par exemple, on peut augmenter la distance de propagation D pour avoir une forte contribution de la phase ou au contraire la diminuer au minimum pour avoir une imagerie fortement pondérée en absorption. On peut imagi-ner utiliser des éimagi-nergies très élevées pour s’abstenir de l’effet de l’absorption. Cependant les contraintes expérimentales de chaque configuration font qu’il ne sera jamais possible d’éliminer complètement l’absorption ou le contraste de phase en propagation libre. C’est pourquoi des algorithmes ont été développés pour extraire spécifiquement la phase à partir de l’intensité mesurée comme [Cloetens et al. (1999),Paganin et al. (2002)] pour n’en citer que deux, on aura ainsi accès à des cartes de la phase ϕ(x) sous la forme de projection. Ces projections seront alors utilisées par les algorithmes de reconstruction tomographique pour avoir une image témoignant du décrément de l’indice de réfraction en chaque point du volume. Ces méthodes seront exposées dans la section 2.2.6. Cette technique encore plus que celles présentées en introduction, a vu son application démocratisée dans de nombreux domaines allant du biomédical à la science des matériaux en passant par la paléontologie ce qui montre bien le bénéfice qu’elle apporte en terme de visualisation quant aux tech-niques existantes d’imagerie. Elle peut apporter un gain de résolution spatiale ou tonale, un rayonnement hautement cohérent ou encore une plus grande simplicité de configuration même si son accès reste malheureusement encore trop limité. Dans les sections à venir, nous allons faire un bref rappel sur l’étape de tomographie et d’extraction de la phase afin de comprendre comment les données passent du stade d’acquisition à celui de la vi-sualisation et de leur exploitation. Nous décrirons dans une ultime section de ce chapitre les détails de la configuration expérimentale que nous avons utilisée dans le cadre de ces travaux en essayant de justifier au mieux les choix qui ont été faits par rapport au champ des possibles.