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Imagerie!motrice!implicite!et!plasticité!cérébrale !

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Rotation mentale de stimuli non-corporels. Le paradigme des transformations mentales appelé Rotation Mentale (RM) se définit selon Shepard (1978) comme la possibilité d’imaginer des objets qui se déplacent, changent de formes et de couleurs, ou encore, de se représenter le déroulement d’un évènement. Autrement dit, il s’agit de faire de l’imagerie dynamique.Elle constitue donc l’un des aspects importants de l’intelligence spatiale.

Shepard et collaborateurs ont mis au point une tâche de rotation mentale (Shepard et Metzler, 1971), où l’on présentait aux sujets des dessins en perspective d’une paire d’objets tri-dimentionnels, constitués de petits cubes (Figure 7). Dans cette tâche, l’expérimentateur ne dit jamais au sujet qu’il fait de l’imagerie. La tâche consiste pour le sujet à décider si les objets sont identiques ou non. Les auteurs ont montré que le temps nécessaire pour répondre était fonction de la distance angulaire entre les deux objets de la paire. Pour répondre, les participants tournent mentalement l’un des stimuli pour l’aligner avec l’autre et pouvoir comparer leur forme. Une variante de la tâche de Shepard et Metlzer consiste à présenter non pas une paire de figures géométriques, mais des chiffres ou des lettres, soit par paire, soit seuls (Alivisatos & Petrides, 1997; de Lange et al., 2005; Shepard & Cooper, 1982). Lorsqu’un symbole (chiffre ou lettre) apparaît à l’écran, le but de la tâche est de dire s’il s’agit bien d’un chiffre (ou d’une lettre) ou de son image-miroir.

Rotation mentale de stimuli corporels. Par la suite, Parsons (1987, 1994) reprend le paradigme de Shepard mais il utilise non plus des objets mais des parties du corps comme stimuli. Par exemple, dans la tâche de jugement de latéralité manuelle (ou rotation mentale de mains), on présente au sujet des figures de mains dans différentes orientations, une par une sur un écran d’ordinateur. Le but de la tâche est de dire si la figure à l’écran est une main droite ou gauche. Selon Parsons, le sujet se réfère à son propre corps pour répondre, replaçant mentalement son membre dans la position de la figure à l’écran afin de confirmer une reconnaissance initiale implicite. Autrement dit, le sujet simule un mouvement. Contrairement aux tâches de rotation mentale utilisant des stimuli objets, le recours à des stimuli corporels impliquerait la mise en jeu du système sensorimoteur, notamment les processus d’imagerie motrice (Kosslyn et al., 1998; de Lange et al., 2005, 2006). Si des figures de main sont fréquemment utilisées dans la littérature, le principe est le même avec d’autres parties du corps, comme par exemple le pied (Ionta et al., 2007; Parsons, 1987, 1994), ou encore le corps entier (Steggemann et al., 2011).

De nombreux éléments dans l’analyse des temps de réponse (TR) attestent de l’engagement des sujets dans une stratégie d’imagerie motrice pour juger de la latéralité des stimuli présentés. Par exemple, les TR reflètent la prise en compte des contraintes biomécaniques propres aux mouvements du membre supérieur. Chez des personnes saines, une augmentation exponentielle des TR est observée pour les figures de mains présentées dans des positions inhabituelles, contrairement au profil du TR d’une tâche de rotation mentale d’objet, où les TR augmentent de façon linéaire avec l’angle de rotation de la figure (Alivisatos & Petrides, 1997; de Lange et al., 2005; Kosslyn et al., 1998; Ionta et al., 2007; N ́ı Choisdealbha et al., 2011; Shepard et Metzler, 1971). Cette augmentation forte pour les figures de main orientées dans des positions physiquement très contraignantes est un marqueur de l’engagement des sujets dans une stratégie d’imagerie motrice, autrement dit du fait qu’ils placent mentalement leur propre main dans la même position que la figure à l’écran pour les comparer. Les TR des tâches d’imagerie motrice reflètent donc la prise en compte des contraintes biomécaniques, qui vont être beaucoup plus fortes au fur et à mesure qu’on se rapproche des limites articulaires de la main. Par contre, pour l’identification d’objets où on a recours à une stratégie d’imagerie visuelle, le TR correspond au temps que l’on met pour faire tourner visuellement l’objet dans l’espace.

Un autre élément attestant d’une stratégie d’imagerie motrice par les participants est que leur temps de réponse est fortement influencé par la position des mains de la personne pendant l’expérience (Ionta et al., 2007; N ́ı Choisdealbha et al., 2011; Parsons, 1994 ; Shenton et al., 2004; Sirigu et Duhamel, 2001). Par exemple, Sirigu et Duhamel (2001) ont montré que le temps de réponse des sujets augmente significativement quand ils réalisent la tâche de RM de mains avec leurs propres mains placées derrière le dos, comparativement à la condition où ils gardent les mains posées sur leurs genoux pendant la tâche. Ionta et al (2007) reprennent la même tâche et confirment ces résultats. Cet effet montre non seulement que les sujets font de l’imagerie motrice, mais reflète également une prise en compte des informations en provenance du corps propre (afférences proprioceptives). Ainsi, la position des mains pendant l’expérience serait la posture de départ du mouvement simulé.

Enfin, les effets de latéralité manuelle sont un élément supplémentaire démontrant la mise en jeu des processus d’imagerie motrice dans une tâche de rotation mentale de main (Parsons, 1987, 1994; Gentilucci et al., 1998; Ionta et Blanke, 2009; Ni Choisdelhba et al., 2011). Les participants droitiers identifient plus rapidement la main correspondant à leur main dominante par rapport à la main non dominante. Chez les gauchers, l’effet de latéralité n’est pas toujours significatif. Cette différence des temps de réponse main dominante vs. non dominante s’explique par la latéralisation des représentations de chacune des mains, celles de la main dominante étant beaucoup plus fines que celles de la main non dominante, notamment chez les droitiers (Kotecha et al., 2009; Hammond, 2002 pour une revue; Volkmann et al., 1998).

Les études en neuroimagerie confirment les données comportementales, révélant des activations cérébrales différenciées en fonction de la tâche imaginée par les individus (Kosslyn et al., 1998; de Lange et al., 2006). La tâche de rotation mentale d’objet active des régions visuelles localisées sur l’axe occipito-pariétale. Dans le cas d’une manipulation mentale de mains, les aires motrices sont majoritairement activées, c’est-à-dire des régions situées sur l’axe fronto-pariétal (Parsons & Fox, 1998; Parsons et al., 1995; Ganis et al., 2000). Par exemple, Parsons et al. (1995) ont utilisé la Tomographie par Emission de Positrons (TEP) pour mesurer l’activation des aires du cerveau pendant que les sujets réalisaient la tâche de jugement de latéralité manuelle. Les résultats indiquent, outre les aires motrices, une activation des lobes frontaux, pariétaux postérieurs, du cervelet et des ganglions de la base. Le cortex moteur, les aires prémotrices (Aire 6), primaires (M1), et l’aire motrice

supérieure sont activés dans les deux hémisphères. Par contre, les aires motrices supplémentaires (AMS) sont bien plus fortement sollicitées (qu’il s’agisse des images main gauche ou main droite) dans l’hémisphère gauche.

Compte tenu de sa similarité fonctionnelle et structurelle avec l’exécution physique d’une action, l’imagerie motrice implicite est reconnue comme un moyen adéquat permettant d’étudier le versant cognitif des actions et notamment d’évaluer l’intégrité du système sensorimoteur. Le paradigme de jugement de latéralité manuelle est à ce titre largement utilisé dans des études cliniques afin d’évaluer l’impact d’une pathologie sur le système sensorimoteur et en particulier la capacité à simuler des actions (de Vignemont et al., 2006; Fiorio et al., 2006; Jenkinson et al., 2009; Conson et al., 2013). Si l’immobilisation affecte le fonctionnement central du sytème sensorimoteur, alors ces tâches seraient appropriées pour en évaluer les effets.

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