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Illustration des impacts considérant les filières dans leur ensemble

Liste des figures

6 Critères visant à estimer les impacts sur l’activité agricole de l’interdiction des

6.3 Illustration des impacts considérant les filières dans leur ensemble

Les conséquences globales de cette interdiction dépendent de multiples facteurs. Son impact global et la répartition des gains et des pertes entre les acteurs des filières concernées peuvent varier sensiblement selon :

 le fait que ces filières portent sur des commodités ou des spécialités et selon l’existence ou non de productions substituables aux productions concernées ;

 la destination des productions vers des marchés fermés ou ouverts ;

 leur positionnement produit en termes de qualité, de capacité de montée en gamme et de créneau de consommation.

Enfin, ces conséquences peuvent être sensiblement différentes selon que l’interdiction des néonicotinoïdes est spécifique à la France, européenne ou mondiale.

Différentes catégories de situation peuvent être distinguées selon la destination des productions et leur degré de transformation.

 Pour les végétaux à transformer, comme par exemple les produits des grandes cultures (le

blé transformé en farine ou en semoule, puis en pain, pâtes ou biscuits ; les oléoprotéagineux (colza, soja par exemple) transformés en huiles et en tourteaux ; la betterave à sucre transformée en sucre, mélasses et pulpes)

Etant données les conséquences possibles tant quantitatives que qualitatives évoquées plus haut, les marges de manœuvre dépendront de la capacité conjuguée des différents opérateurs à s’ajuster à ces évolutions. Les transformateurs peuvent disposer de la capacité de faire venir d’ailleurs les quantités et qualités manquantes, une option plus aisément praticable en période de concurrence mondiale très forte et d’offre abondante.

79 Par exemple : farine de protéagineux mélangée à de la farine de blé pour remonter le taux protéique. 80 Par exemple, la filière céréales comprend la production agricole (l’amont de la production ne fait pas

partie de la filière) ; le stockage, la logistique jusqu’aux exportateurs de grains ; la première transformation (meunerie, transformations industrielles comme l’amidon ou l’éthanol, fabrication d’aliments du bétail).

L’ensemble des semences de betterave à sucre étant actuellement traitées, les perspectives pour les producteurs comme pour la transformation dépendront des coûts et des résultats des itinéraires techniques alternatifs. L’implantation des sucreries de première transformation dans les zones de production et le coût important des transports de betterave rendent a priori peu probable un risque de délocalisation.

Pour le colza, les huiles françaises sont utilisées massivement comme biocarburant. Les unités de transformation du colza en biodiesel verraient sans doute leurs résultats économiques affectés en cas de baisses des rendements. Cependant, les limitations d’incorporation des biocarburants agricoles définies au niveau communautaire81 peuvent avoir un impact beaucoup plus important que les pertes d’activités liées à une diminution de rendement (d’autant plus que celle-ci pourrait être compensée au moins en partie par des surfaces semées accrues). L’équilibre économique de la production est aussi lié à la quantité des tourteaux de colza produits, aliments riches en protéines utilisés en alimentation animale face à des besoins pour lesquels la France et l’Europe sont actuellement largement importateurs.

Pour les commodités comme les céréales, les conséquences sur les acteurs du commerce international paraissent au fond peu probables en raison du caractère substituable de ces produits sur le marché. Comme évoqué précédemment, en cas de pertes de rendement notables, l’ensemble des producteurs, comme les coopératives de collecte/stockage, seraient potentiellement affectés à la fois en termes de chiffre d’affaires et de balance commerciale pour le pays.

 Pour les végétaux destinés en l’état, ou pratiquement, au consommateur, des

conséquences plus spécifiques sont à envisager

Des problèmes de qualité sont par exemple identifiés pour la salade en quatrième gamme, soumise à une exigence « zéro puceron »82. L’effet de l’interdiction des néonicotinoïdes dépendra pour cette filière de la capacité à adapter les cahiers des charges concernant la présence de pucerons ou à trouver des méthodes alternatives pour obtenir des salades sans pucerons (serre ‘insect-proof’, nettoyage post-récolte, …). Pour les cultures à cycle très court, du type salade, des perspectives de délocalisation de productions dans d’autres pays où il n’y aurait pas d’intediction des néonicotinoïdes sont envisageables. Cependant certains mouvements de délocalisation sont déjà largement à l’œuvre (vers l’Espagne notamment) et concernent essentiellement les usages « industriels » (4ème gamme etc.) de ces productions à l’exclusion des circuits courts et de

proximité. L’incidence d’une baisse de l’offre sur les prix de marché ou celle de l’évolution de la demande en faveur de normes de qualité différentes restent difficilement prévisibles.

La présentation succincte de ces quelques cas de figure pointe un certain nombre d’effets négatifs dont il est à ce stade difficile de prévoir l’ampleur et les effets cumulatifs, ou au contraire antagonistes, aux différents stades des filières. Les effets décrits, inscrits dans une vision de court terme, ne prennent que peu en compte la dynamique temporelle des changements susceptibles d’intervenir et par conséquent les phénomènes de réajustement et d’adaptation à considérer dans une analyse systémique. L’interdiction des néonicotinoïdes peut donc se traduire par des contraintes (baisse de quantité ou de qualité pour certaines productions, renchérissement de coûts de production, de collecte, de stockage ou de transformation pour d’autres) plus ou moins marquées à court/moyen terme.

81 De 10 % de carburants d’origine renouvelable dans la directive 2009/28/CE, à un plafond de 7 %

d’incorporation pour les biocarburants en concurrence alimentaire dans la directive 2015/1513 dite CASI (Changement d’Affectation des Sols Indirect).

Il faut cependant rappeler des conséquences en termes d’impacts agricoles qui n’ont pas été abordées ici. L’interdiction des néonicotinoïdes, par son effet éventuellement bénéfique sur les pollinisateurs en fonction des alternatives choisies, peut aussi contribuer à une amélioration notable des rendements des cultures dépendantes de la pollinisation ainsi qu’avoir un impact positif sur la filière apicole, même si la part attribuable à une telle interdiction reste difficile à quantifier (voir compléments sur les services de pollinisation en 4.1.1).

Enfin, cette interdiction peut conduire à des effets d’innovation, de manière différenciée selon les situations, dont les conséquences positives sont elles aussi difficiles à identifier et quantifier. Néanmoins l’hypothèse peut être faite que le développement du secteur du biocontrôle, la recherche d’alternatives technologiques et agronomiques et leur développement commercial, le développement de dispositifs de surveillance et de contrôle des ravageurs ou encore celui du conseil aux agriculteurs en feront partie.

La question demeure de savoir si les innovations induites (en terme de différenciation de produits sur le marché ou en terme « d’itinéraires techniques nouveaux » regroupant les procédés, les matériels et équipements, les variétés nouvelles ou les savoir-faire) pourraient compenser les effets de distorsion de concurrence par rapport aux productions issues de pays où les néonicotinoïdes ne seraient pas interdits83. Il reste éventuellement possible que la production sans néonicotinoïdes soit aussi valorisée en dehors des frontières. Dans l’hypothèse où l’interdiction de l’ensemble des néonicotinoïdes serait finalement généralisée, ces inovations induites pourraient conférer un avantage compétitif à certains secteurs (biocontrole, développement de nouveaux systèmes de production…), avantage d’autant plus marqué que les entreprises se seront positionnées précocément. Une étude de compétitivité comparée spécifique sur ce champ mériterait d’être envisagée.

83

 

A la suite d’un vote d’une majorité d’Etats membres, la Commission européenne a annoncé le 27/04/2018

l’interdiction à l’échelle de l’Union européenne de trois substances de la famille des néonicotinoïdes (la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame). Cette interdiction a un spectre d’application plus important que le règlement européen 485/2013 puisqu’elle s’étend à toutes les cultures en plein champ, avec pour seule exception les usages en serre, à condition que les graines et les plantes ne quittent pas leur abri fermé.