• Aucun résultat trouvé

Le questionnaire se terminait par une question ouverte : « avez-vous d’autres remarques à formuler ? » 52 personnes ont complété le champ. Voici une présentation des principales remarques, avec l’indication du profil de la personne les ayant formulées.

De très nombreuses réactions à la perspective d’une barémisation réglementaire ont été formulées, soit pour approuver cette perspective, soit pour la critiquer.

Le point de vue des magistrats apparaît relativement mesuré, pesant les arguments en faveur et ceux en défaveur d’une telle réglementation.

« Je suis favorable à un référentiel au nom de la prévisibilité et de l’égalité de traitement mais je ne suis favorable que si demeure une marge

d’appréciation pour une adaptation à la marge aux circonstances particulières. » (magistrat)

« Si l’objectif affiché est d’assurer l’égalité entre les victimes et la réparation intégrale de leur préjudice, le meilleur moyen d’y parvenir n’est

pas de procéder par voie de barèmes validés par le règlement : combien d’années avons-nous vécu avec le barème annexé à la loi Badinter pour la capitalisation des rentes ? Combien d’années avons-nous vécu avec le barème d’indexation des rentes accident de travail applicable aux accidents de la circulation ? Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour uniformiser le régime de la réparation selon le fait dommageable ? » (magistrat)

« Mon domaine d’intervention est plutôt celui des intérêts civils. Si la réglementation de certains préjudices ou de certaines évaluations est

bénéfique, elle ne doit pas constituer pour le juge un carcan duquel il n’est pas possible de s’extraire en fonction des circonstances particulières de l’espèce. Toute la réglementation induite de la loi du 5 juillet 1985 n’a pas pour autant supprimé le contentieux judiciaire. Le juge est aussi dans certaines hypothèses celui qui fait progresser raisonnablement le droit à indemnisation et l’étendue de la réparation. » (magistrat)

Les avocats, en particulier lorsqu’ils sont spécialistes du dommage corporel et défendent à titre principal les victimes, expriment

fréquemment leur rejet de la barémisation : celle-ci empêche toute individualisation de l’indemnisation, et donc in fine une véritable réparation intégrale. Parmi de très nombreuses réactions, on peut citer :

« Vive le sur mesure !

Haro sur le prêt porter indemnitaire !

Individualiser le préjudice, toujours et encore » (avocat, spécialiste, victimes)

« La barémisation n’est pas la solution en matière d’indemnisation du préjudice corporel : chaque victime est différente, chaque organisme

réagit différemment, les répercussions psychologiques ne sont pas les mêmes d’une victime à l’autre. » (avocat, non-spécialiste, victimes)

« Adopter un référentiel c’est oublier l’individualité de chacun. À dommage identique, préjudices différents. Barémiser, référencer c’est figer

dans le marbre les indemnisations, empêcher l’amélioration de la situation des victimes et leur indemnisation » (avocat, spécialiste, victimes) D’autres expriment leurs réserves à l’égard des barèmes ou les limites nécessaires à leur usage.

« Sur les barèmes : ils sont utiles à charge pour le juge de se rappeler qu’ils ne sont qu’indicatifs et pour l’avocat de faire son travail en donnant tous éléments pour sortir des barèmes si nécessaire. » (avocat, spécialiste)

« Sur la question des référentiels le point principal est de savoir par qui et comment ils seraient alimentés ! Car cela deviendra vite un enjeu pour les assureurs de les alimenter. » (avocat, spécialiste, victimes)

L’attachement à la réparation intégrale est fréquemment exprimé. Cet attachement est quelquefois argumenté.

« La réparation intégrale du préjudice est une nécessité absolue pour la victime et une nécessité pour la société dans son entier. En effet, une victime bien réparée redevient un véritable acteur de la société et créateur de nouvelles richesses dont tous profitent. La réparation intégrale est salutaire pour tous ; j’en ai l’expérience pratique très régulièrement. » (avocat, spécialiste, victimes)

La défiance à l’égard des barèmes est également exprimée par d’autres professionnels du droit du dommage corporel.

« Je regrette l’absence de règles légales en matière d’indemnisation du dommage corporel ce qui ne permet pas de garantir un traitement

L’état du droit positif et des pratiques appelle beaucoup de réactions. Les insuffisances ou les lacunes du système actuel sont

particulièrement soulignées.

Il peut s’agir de la prise en charge de certaines dépenses ou de certains postes de préjudice :

« Le préjudice psychologique des victimes a tendance à fréquemment être laissé de côté (notamment en raison de la spécialité des experts commis pour réaliser les expertises et des difficultés de quantification de ce préjudice), il faut donc améliorer l’évaluation de ce poste. » (avocat, spécialiste, victimes)

« À quand la prise en charge par l’aide juridictionnelle des médecins recours ou conseil ?» (avocat, spécialiste, victimes) « Beaucoup de travail à faire afin d’assurer une véritable indemnisation intégrale » (avocat, spécialiste, victimes) Ou des institutions directement ou indirectement en charge de l’indemnisation :

« Le système des CRCI est très trompeur pour les victimes et doit être revu. » (avocat, spécialiste, victimes)

« La compétence de la CIVI devrait être étendue notamment en cas de SE [souffrances endurées] ou préjudice professionnel importants » (avocat, spécialiste)

« C’est tout le domaine de l’indemnisation du préjudice corporel y compris celui relevant du contentieux administratif qu’il faudrait confier aux juridictions civiles » (avocat, spécialiste, victimes)

Quelques voix, parmi les magistrats, s’élèvent pour considérer le système actuel trop favorable aux victimes ou pour mettre l’accent sur le contrôle nécessaire de certains postes de préjudice :

« La jurisprudence de la Cour de cassation est devenue beaucoup trop favorable aux victimes d’accident de la circulation lorsque le payeur est un assureur » (magistrat)

« [Il faudrait] contrôler de manière plus stricte certains postes de préjudice à très forte valeur ajoutée pour les victimes, comme l’ATP, dont les montants sont souvent élevés et source en général d’effets d’aubaine. [La] capitalisation [est] à éviter, sauf pour les dépenses de santé dont il est certain qu’elles seront exposées, pour protéger la victime et éviter pareillement les effets d’aubaine pour les héritiers en cas de décès prématuré. » (magistrat)

Certaines de nos questions ou propositions appellent des réactions, notamment quant à la procédure d’indemnisation. « L’intervention d’un avocat en phase transactionnelle n’augmente pas systématiquement le montant de l’indemnisation mais la réclamation est souvent plus complète donc l’indemnité plus élevée. » (salarié assurance/mutuelle)

« Concernant la “célérité” d’une transaction : comme en amour, trop vite c’est pas toujours bien… et les provisions permettent de ne pas être sous l’eau plutôt que d’accepter une indemnisation au rabais. » (avocat, spécialiste, victimes)

L’influence de la nature du fait dommageable sur l’évaluation des préjudices a suscité de nombreuses remarques.

« Enfin, force est de constater que lors de la liquidation des préjudices on tend à indemniser les conséquences mais aussi les circonstances. Cette évolution est-elle souhaitable ? » (salarié assurance/mutuelle)

« La question “À préjudices équivalents, pensez-vous acceptable que l’indemnisation soit plus élevée en raison de la nature du fait dommageable…” comporte un évident postulat… Pour connaître nombre de dossiers de terrorisme et l’incongruité des échelles de préjudices (notamment pour les souffrances endurées sur 7), il est complétement faux de comparer les “taux”. » (avocat, spécialiste, victimes) « Concernant l’infraction pénale ou civile : certains postes doivent être indemnisés de la même façon et d’autres doivent tenir compte de la violence découlant de l’existence d’une infraction pénale. Dommage que les indemnisations au pénal (sur intérêts civils) soient moindres que celles données par les juridictions civiles. » (avocat, spécialiste)

« Les postes de préjudice indemnisables doivent être les mêmes pour tous que le dommage soit d’un tiers identifié ou pas, et quel que soit le fait dommageable. Un préjudice spécifique lié à l’acte de terrorisme peut s’envisager. Mais le préjudice d’angoisse et d’anxiété n’a pas à être exclusif de certains actes. En revanche, quel que soit le préjudice, il doit toujours pouvoir être évalué en fonction de la situation particulière de la victime. » (association de victimes/mandataires)

Alors que la responsabilité civile a largement été objectivée au cours du XXe siècle, la question de l’influence de la faute sur

l’indemnisation, en particulier des préjudices extrapatrimoniaux, est avancée par deux personnes.

« Je suis contre un barème fixe et contre une indemnisation déconnectée de la faute du responsable. » (avocat, non-spécialiste, victimes) « Les préjudices extrapatrimoniaux ne devraient à mon sens jamais être indemnisés hors responsabilité pour faute, le corps se retrouve patrimonialisé et c’est scandaleux, si on poursuit dans cette voie un jour on indemnisera les bébés moches pour le préjudice esthétique permanent » (avocat, spécialiste, victimes)

Plusieurs réflexions plus générales sur l’articulation entre la réparation des dommages corporels, la responsabilité civile

et la socialisation des risques ont été formulées.

« La proposition d’un règlement homogène de l’indemnisation des victimes indépendamment du fait générateur vient perturber la notion de responsabilité civile et de réparation intégrale qui lui est attachée. Bien que cela soit souhaitable d’un point de vue égalitaire, cela ne l’est pas tant que des enjeux financiers et opportunistes, à travers cette volonté d’égalité, sont agissants. » (association de victimes/mandataires) « À mon sens il ne faut pas aboutir à une déresponsabilisation civile des auteurs/responsables du préjudice corporel par le biais d’un automatisme de réparation unique par un barème automatique et ne pas négliger, pour les victimes, le sentiment qu’ils sont dans un processus impersonnel ne prenant pas en compte la particularité de leur ressenti et leur besoin de reconnaissance de leur qualité de victime. » (« avocat, non-spécialiste, victimes)

« Je serai favorable à une responsabilité objective en toute matière concernant les dommages corporels, mais non je ne suis pas favorable à la création d’un fonds type ONIAM qui serait une voie de garage pour les victimes et serait susceptible d’obéir à des politiques ou des influences de pouvoir » (avocat, spécialiste, victimes)