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A.III.2.1. Effets directs et indirects des pesticides

L’impact écotoxicologique des pesticides dans un écosystème lotique est régi par une multitude de facteurs interdépendants. Ces derniers qui incluent les propriétés des molécules polluantes mais également les caractéristiques biotiques et abiotiques du milieu récepteur conditionnent un panel d’effets directs et/ou indirects sur les organismes biologiques.

♦ LES EFFETS DIRECTS dépendent des propriétés intrinsèques des molécules (mode d’action, cibles potentielles, niveau de toxicité…) et correspondent aux manifestations de la toxicité d'une substance pour des organismes sensibles. Ils se traduisent généralement par une fragilisation de la population touchée ou par une baisse d’abondance (suite à une augmentation de la mortalité ou une réduction de la fertilité). De nombreuses études ont ainsi souligné les effets notables engendrés par les pesticides sur les macrophytes (Cuppen et al., 1997 ; Graymore et al., 2001 ; Nyström et al., 2002 ; Lambert et al., 2006) et les microorganismes photosynthétiques (voir pour revue DeLorenzo et al., 2001). Ces producteurs primaires présentent en effet de fortes similitudes avec les organismes ciblés par ces substances.

Les pesticides peuvent également entraîner, dans certains cas, le développement de capacités de tolérance au polluant au sein des communautés sensibles. Ce phénomène de PICT ("Pollution-Induced Community Tolerance", Blanck et al., 1988), régulièrement observé en conditions expérimentales et en milieu naturel, particulièrement sur les communautés microbiennes périphytiques (voir pour revue Bérard et al., 2002), souligne la capacité d’adaptation potentielle de certaines populations algales face à ces molécules.

♦ LES EFFETS INDIRECTS peuvent affecter ou au contraire favoriser des organismes ou des populations non concernés par la toxicité des molécules. Ces effets résultent généralement d'effets directs qui s'exercent sur d'autres organismes et qui peuvent entraîner des modifications des conditions physico-chimiques du milieu, telles qu’une baisse du pH ou de la teneur en oxygène (Flum & Shannon, 1987 ; Hartgers et al., 1998), ou se manifester via la perturbation de processus écologiques tels que les relations proies-prédateurs ou les phénomènes de compétition (voir pour revue Fleeger et al., 2003).

24 Les effets directs et indirects potentiels de la pollution d’un milieu aquatique par des herbicides sont illustrés sur la Fig. A-8 qui correspond à une synthèse des effets observés en micro- et mésocosmes.

En milieu lotique, l’impact global des pesticides dépend ainsi des propriétés intrinsèques des molécules, de leurs interactions (Downing et al., 2004), des concentrations biodisponibles et des durées d’exposition (Gustavson et al., 2003 ; Dorigo et al., 2004), de la composition des communautés, de la présence ou non de cibles potentielles, mais également de l’ensemble

Figure A-8 : Effets directs et indirects susceptibles de découler de la présence d’herbicides dans

un milieu aquatique (Alix et al., 2005 d’après Brock et al., 2000).

25 des conditions environnementales (Guasch et al., 1998) telles que les ressources nutritives (Barreiro Lozano & Pratt, 1994), la température (Bérard et al., 1999b) ou la luminosité (Guasch & Sabater, 1998).

Le schéma conceptuel de Brock et al. (2000) (Fig. A-8) montre également que les communautés microbiennes constituent des cibles potentielles importantes pour les herbicides. Ces polluants peuvent en effet affecter directement les microorganismes photosynthétiques (phytoplanctoniques et périphytiques) mais engendrer également des effets indirects sur les microorganismes hétérotrophes.

A.III.2.2. Le rôle des communautés microbiennes en milieu lotique

En milieu lotique, la production autotrophe est principalement assurée par les macrophytes et les microorganismes photosynthétiques, qu’ils soient fixés (périphyton) ou libres (phytoplancton). L’activité photosynthétique de ces différentes populations dépend de nombreux facteurs telles que la profondeur, la luminosité, la turbidité et les teneurs en nutriments. Ainsi, dans des cours d’eau de faible ordre (≤ 3), caractérisés par une faible profondeur et un courant assez important, les organismes périphytiques photosynthétiques assurent généralement une part prépondérante de la production primaire (Gustavson et al., 2003).

Le périphyton représente un compartiment complexe, composé de microorganismes autotrophes (algues et cyanobactéries) et hétérotrophes (bactéries, champignons et protozoaires) (Masseret et al., 1998 ; Madigou, 2005). Selon le substrat auquel il est associé, il peut porter des appellations plus spécifiques telles que épilithon (pierres et rochers), épiphyton (végétaux) ou épipélon (sédiments meubles) (Ramade, 1998). Compte tenu de sa position à l’interface entre le substrat et la colonne d’eau, il joue un rôle fondamental dans les cycles biogéochimiques (Hansson, 1990 ; Dodds, 2003) (Fig. A-9) et constitue souvent la principale ressource alimentaire pour les invertébrés benthiques (Gould & Gallagher, 1990 ; Hansson, 1992 ; Muñoz et al., 2001). Les algues benthiques qui dominent la communauté périphytique représentent, en raison de leurs caractéristiques écologiques, des organismes bioindicateurs pertinents pour étudier la qualité des eaux courantes. Ainsi, peuvent être cités leur caractère sessile# les empêchant de migrer en cas de pollutions, leur sensibilité aux changements de l’environnement, leur cycle de vie relativement court entraînant une réponse rapide aux perturbations et une restauration rapide suite à celles-ci, leur forte diversité et leur présence dans l’ensemble des cours d’eau (McCormick & Stevenson 1998 ; Lavoie et al., 2004).

26 Même si leur rôle est généralement plus important dans les milieux lentiques, les microorganismes phytoplanctoniques participent également à la production primaire endogène, particulièrement lors des périodes de faible débit (Descy, 1993).

Les communautés bactériennes hétérotrophes benthiques et planctoniques jouent pour leur part un rôle primordial dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques en participant à la dégradation de la matière organique (Van Hannen et al., 1999) et en assurant la majorité de son recyclage (Cole et al., 1988). Elles interviennent également dans le recyclage des substances inorganiques et contribuent ainsi au déroulement des cycles biogéochimiques qui assurent la circulation permanente de la matière, alternativement sous forme minérale et organique (Garland, 1997 ; Wetzel, 2001). Les champignons et, dans une moindre mesure, les protozoaires interviennent également dans la décomposition en participant, notamment, à la dégradation de la matière organique allochtone telle que les branchages (Goh & Hyde, 1996 ; Tsui et al., 2001) et les litières foliaires (Gessner & Chauvet, 1994 ; Hieber & Gessner, 2002). Outre le rôle primordial que joue la communauté bactérienne dans la dégradation de la matière organique autochtone et allochtone, cette dernière participe activement, au même titre que les champignons (Watanabe, 2001), aux processus de dégradation des polluants dans les milieux aquatiques (El-Dib & Abou-Waly, 1998 ; Četkauskaité et al., 1998 ; Watanabe, 2001).

Figure A-9 : Schéma conceptuel du rôle du périphyton et de l’épiphyton dans le flux des

nutriments (Traduit d’après Dodds, 2003).

Macrophytes Assimilation racinaire Couche de sédiment nu Reminéralisation, diffusion Reminéralisation Dépôt de matières organiques et inorganiques épipélon Surface du sédiment

épipélon

Colonne d’eau Reminéralisation Reminéralisation, diffusion Dépôt de matières organiques et inorganiques

Colonne