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Colonne d’eau

A. III.3.1.b Les études en milieu lotique naturel

Le nombre d’études écotoxicologiques réalisées dans les milieux naturels restent extrêmement limité (Schulz, 2004 ; Alix et al., 2005), et cela en dépit de la nécessaire complémentarité de ces dernières pour valider les résultats expérimentaux et appréhender au mieux l’impact réel des pesticides dans les rivières. La difficulté de caractériser les effets des pesticides sur les communautés microbiennes dans les écosystèmes lotiques naturels explique en partie cet état de fait. La sensibilité des microorganismes aux variations de différents paramètres biotiques et/ou abiotiques, rend en effet complexe la discrimination des effets engendrés par les composés xénobiotiques de ceux liés aux variations environnementales naturelles et saisonnières.

Cette distinction peut être facilitée dans le cas de pollution très localisée en utilisant comme référence un point situé à proximité, en amont de la source de pollution. Plusieurs études ont ainsi mis en évidence l’impact de rejets industriels ou urbains sur les communautés microbiennes de cours d’eau récepteurs en comparant les données en amont et en aval du rejet d’eau usée (Montuelle et al., 1996 ; Masseret et al., 1998 ; Giorgi & Malacalza, 2002 ; Branco

et al., 2005). Cette approche est néanmoins difficilement applicable dans le cadre des études

sur l’impact des pesticides en raison de la multiplicité des sources de contamination potentielle (agriculture, industrie, usage domestique…) et du caractère fréquemment diffus de la pollution. En outre, le début, la durée et l’intensité des événements de pollution sont difficilement prédictibles et dépendent de nombreux facteurs qui conditionnent le temps de transfert vers le milieu aquatique tels que le type d’application des pesticides, les caractéristiques du bassin versant, les conditions climatiques ou les propriétés physico-chimiques des polluants (Palma et al., 2004).

A.III.3.2. Ecotoxicité des pesticides sur le compartiment microalgal

L’impact de nombreux pesticides a été apprécié sur différentes espèces de microalgues à partir de tests de toxicité réalisés in vitro. Les résultats obtenus lors de ces études sont regroupés dans diverses bases de données (ex. « The PAN Pesticides Database »,

30 www.pesticideinfo.org/Index.html ; « Agritox », http://www.dive.afssa.fr/agritox/index.php), ainsi que dans la revue de synthèse publiée en 2001 par DeLorenzo et al..

Plusieurs critères peuvent être retenus pour étudier les effets des polluants sur les microorganismes photosynthétiques tels que les teneurs en chlorophylle a, le taux de croissance, la densité cellulaire, la composition spécifique ou la production primaire. Néanmoins, compte tenu du nombre et de la diversité des molécules considérées pour les études écotoxicologiques, il serait illusoire de proposer une description exhaustive des effets des pesticides sur les microalgues dans ce chapitre.

De manière générale, la présence de pesticides, et plus particulièrement de molécules herbicides, induit une diminution de l’activité photosynthétique, conduisant à une baisse de la biomasse et de la densité cellulaire. Des modifications de la structure des communautés algales résultant de la raréfaction ou de la disparition des espèces les plus sensibles ont également été observées (Pérès et al., 1996 ; Gustavson et al., 2003 ; Downing et al., 2004). Ce déclin peut permettre à des espèces opportunistes plus tolérantes de se développer dans le milieu (Hartgers et al., 1998 ; Devilla et al., 2005). Le remplacement progressif des espèces sensibles par des espèces plus tolérantes, ainsi que la mise en place d’adaptations physiologiques ou génétiques chez certaines espèces, peut alors conduire à moyen terme à une augmentation de la tolérance aux pesticides chez les communautés algales (voir pour revue Bérard et al., 2002).

Le compartiment microalgal peut également être indirectement stimulé par la présence de pesticides présentant une toxicité directe importante sur les organismes brouteurs (voir pour revue Fleeger et al., 2003). Cela a été notamment observé avec la plupart des insecticides (Caquet et al., 1992 ; Barry & Logan, 1998 ; Friberg-Jensen et al., 2003), certains fongicides (Van den Brink et al., 2000) ou lors de contaminations avec plusieurs pesticides appartenant à différentes catégories (Van Wijngaarden et al., 2004).

A.III.3.3. Ecotoxicité des pesticides sur le compartiment bactérien

Si l’impact des pesticides sur les microorganismes photosynthétiques a fait l’objet de nombreuses études, peu de travaux (à l’exception de tests de toxicité monospécifiques) sont relatifs à l’effet de ces molécules sur les communautés bactériennes en milieu aquatique (DeLorenzo et al., 2001).

Les limites méthodologiques ont longtemps restreint l’étude de la composante bactérienne. Ainsi, les effets des pesticides sur ces communautés n’ont été appréhendés qu’à partir de données acquises via des techniques culturales ou par des mesures de paramètres quantitatifs telles que la densité bactérienne ou la production hétérotrophe (estimation du taux d’incorporation de leucine ou de thymidine). Ainsi, Rajendran et al. (1990) ont mis en

31 évidence que l’insecticide endosulfan pouvait inhiber la croissance d’une population bactérienne estuarienne à partir d’une concentration de 2 µg l-1 et favoriser les espèces du genre Pseudomonas, présentant une meilleure résistance à cet insecticide. Ces résultats furent confirmés en 1999 par DeLorenzo et al. qui notèrent une réduction de l’abondance bactérienne malgré une légère stimulation du taux d’incorporation de thymidine tritiée dans un réseau trophique estuarien soumis à une exposition à l’endosulfan aux concentrations de 1 et 10 µg l-1. Downing et al. (2004) n’ont observé quant à eux aucun effet de cet insecticide, introduit aux mêmes concentrations, sur la densité et la production bactérienne dans une communauté issue d’un canal traversant une zone d’agriculture intensive au sud de la Floride (USA). A l’inverse, Friberg-Jensen et al. (2003) ont mis en évidence que l’augmentation de l’abondance bactérienne dans une communauté pélagique lacustre était positivement corrélée avec la teneur en cyperméthrine (insecticide). Cette stimulation fut interprétée comme une conséquence indirecte de la réduction du nombre de prédateurs et donc d’une limitation du contrôle de type « top-down » sur les microorganismes.

La majorité des études visant à apprécier la réponse du compartiment bactérien suite à une exposition à des herbicides a, quant à elle, permis de mettre en évidence une stimulation indirecte de l’activité microbienne hétérotrophe. DeLorenzo et al. (1999) et Downing et al. (2004) ont ainsi observé une augmentation de la production bactérienne hétérotrophe dans des communautés aquatiques exposées à l’atrazine (50 à 250 µg l-1). Cette stimulation fut attribuée au déclin des organismes autotrophes directement affectés par cet herbicide pouvant conduire à un relargage de matière organique dans le milieu et entraîner une diminution de la compétition vis-à-vis des ressources nutritives. Toutefois, aucun effet significatif d’un mélange de trois herbicides (atrazine, diuron et métolachlore) n’a été observé sur la densité et la production bactérienne (Hartgers et al. 1998). Ce résultat est probablement imputable à un impact modéré sur le compartiment algal.

Le compartiment bactérien peut également interagir directement avec les polluants en les utilisant comme substrat métabolique. Downing et al. (2004) ont ainsi noté une stimulation de la production bactérienne hétérotrophe suite à l’introduction d’un fongicide (20 µg l-1 de chlorothalonil) dans des microcosmes contenant 500 ml d’eau prélevée dans des canaux situés en Floride. Cette stimulation a été attribuée à l’utilisation de cette molécule comme substrat par les microorganismes.

L’émergence des outils d’écologie moléculaire dans les années 1990 a permis de réaliser des études relatives à l’impact des polluants sur la composition spécifique et la structure des communautés bactériennes (Muyzer, 1999 ; Dorigo et al., 2005). Ces travaux ont principalement été conduits sur les communautés bactériennes du sol (voir pour revue

32 Johnsen et al., 2001) et peu d’études concernent le milieu aquatique. En 2002, Sumpono a toutefois mis en évidence, à l’aide des méthodes d’hybridation fluorescente in situ (FISH) et d’électrophorèse sur gel à gradient temporel de température (TTGE), que l’introduction de diuron (10 mg l-1) dans un système lagunaire expérimental pouvait entraîner des modifications significatives de la diversité bactérienne. Kostanjšek et al. (2005) ont également observé des variations spécifiques au sein de la communauté bactérienne par TTGE dans une zone lacustre soumise à une forte pollution agricole et notamment à l’apport régulier de divers pesticides.

A.IV. Contexte général de l’étude- Problématique