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Un tel programme stratégique de recherche demande de l'argent. Un budget est nécessaire, et il devrait apparaître comme tel par une ligne identifiée au budget de l'Etat.

Pour apprécier l'effort budgétaire que le ministère de l'Education nationale et celui de la Recherche devraient consacrer à la recherche en éducation, plusieurs approches peuvent être combinées. On peut comparer le montant proposé à ceux habituellement accordés par le CNRS ou le ministère de la Recherche à des actions incitatives. Par exemple, le budget de l'Action incitative "école et sciences cognitives" est de 8 MF en 2001. Un récent appel d'offres pour une coopération Canada-Europe sur l'égalité professionnelle hommes-femmes est doté de 20 MF.

On peut également comparer l'effort consenti par le ministère de l'Education nationale à celui d'autres ministères. La comparaison est instructive, tant en ce qui concerne l'ampleur des recherches engagées que les structures diverses retenues pour leur pilotage.

Le ministère de l'Equipement et du logement est doté d'importants instituts de recherche : le Laboratoire central de l'Ecole des Ponts et Chaussées, le CSTB, Centre scientifique et technique du bâtiment, le CERTU à Lyon, Centre d'études et de recherches techniques sur l'urbanisme, sans compter un grand laboratoire associé au CNRS, le LATTES, Laboratoire territoires, économie et société. Le

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financement de ces grands organismes n'est pas pris en compte ici. Il existe en outre un Plan Urbanisme, Construction et Architecture (PUCA), placé sous la responsabilité du Directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC), dirigé par un secrétaire permanent, assisté d'un Comité d'orientation composé principalement d'acteurs responsables (élus, fonctionnaires, entreprises etc.), chargé d'identifier les sujets qui méritent recherche, et d'un Conseil scientifique, chargé d'évaluer les actions menées. Le PUCA commande des études et lance des recherches par des Appels d'Offres, parfois en collaboration avec d'autres instances. Le budget du PUCA est de l'ordre de 55 à 60 MF par an, dont 28 sur le BCRD. Il publie la grande revue du domaine : Les Annales de la Recherche urbaine. A quoi il faut ajouter l'Action incitative Ville, menée par le ministère de la Recherche, non comprise dans ce bilan (10 MF) et pilotée de façon entièrement autonome, ainsi que les recherches entreprises par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Le ministère du Travail et des Affaire sociales, aujourd'hui de l'Emploi et de la Solidarité, résulte de la fusion de deux ministères qui avaient chacun leur structure de recherche, hors écoles ou instituts comme le Centre d'Etudes de l'Emploi. Aux Affaires sociales, il existait la MIRE, Mission Interministérielle Recherche Expérimentation, aujourd'hui Mission Recherche (MiRe) rattachée à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. La MiRe est une équipe d'une douzaine de personnes, dont la triple mission est de traduire en termes compréhensibles par les chercheurs les attentes de l'administration, de veiller à l'existence d'un milieu de recherche sur ces sujets et de faire circuler les connaissances dans l'administration, parmi les professionnels de terrain et parmi les chercheurs. Elle gère un budget d'environ 6,5 MF annuels. Elle a lancé en liaison avec la DEP, en 1993, un appel d'offres sur "L'éducation des enfants et des adolescents" qui portait notamment sur les rapports entre éducation familiale et éducation scolaire (Du Cheyron, 1997). Au Travail et à l'emploi, la Direction de l'animation de la recherche et des études statistiques (DARES) comporte également une Mission qui pilote ses recherches, soit 4 à 5 personnes, avec un petit budget relevant du BCRD, mais environ 3,5 MF de crédits d'études transférés. L'action incitative Travail, qui relève du FNS (Fonds national de la science, au ministère de la Recherche), est de l'ordre de 15 MF au total sur 4 ans, dont une partie gérée par la DARES. Cette structure publie également une revue à comité de lecture et referees, Travail et Emploi.

Le ministère de la Justice s'est doté de plusieurs structures : le GIP Mission recherche Droit et Justice, qui gère tous les crédits relevant du BCRD, le bureau de la formation et de la recherche à la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), et le département Recherche, études et développement du Centre national de formation et d'études de la PJJ. D'après les documents budgétaires du ministère de la Recherche, les crédits affectés aux études de ce ministère (hors instituts) sont de l'ordre de 6 MF.

Par comparaison, la recherche sur le domaine propre de l'éducation est incroyablement sous-développée. Pour comparer ce qui est comparable, il faut raisonner ici hors INRP, hors universités et hors IUFM, puisque pour les autres ministères, les indications fournies ci-dessus ne concernent ni les recherches effectuées à l'initiative des laboratoires universitaires (sociologie du travail par exemple), ni le financement des instituts propres à ces ministères. L'Education nationale apparaît alors comme victime d'un sous-développement profond.

Ce sous-développement est double : financier et organisationnel.

Financièrement, la DPD dispose de 3,5 à 4 MF pour lancer les études ou les appels d'offres qui relèvent de sa compétence. Le secrétariat des CPC dispose d'un budget d'études (apparemment hors BCRD) de l'ordre de 3 MF. Mais ni la DPD, ni le secrétariat des CPC n'engagent d'études qui portent sur l'éducation proprement dite. Leur approche, pleinement légitime, est principalement externe.

Sur les thèmes du programme stratégique, les seuls moyens identifiables sont les heures supplémentaires affectées à l'INRP : ils ne sont pas négligeables (25 MF par an). Par rapport à l'ampleur des questions à élucider, ils restent dérisoires. Au vrai, personne au ministère de l'Education nationale n'est en mesure de dire combien ce ministère dépense pour les recherches en éducation : cette donnée financière n'intéresse personne. La preuve ? Le dernier annuaire statistique publié (Ministère de l'Education nationale, 2000) comprend une partie "Recherche et développement" (pp. 283 sq.) où l'on trouve l'évolution de la dépense intérieure de recherche, sa ventilation entre acteurs publics et privés, les répartitions par secteurs institutionnels, le poids des universités et du CNRS etc., mais rien sur ce que le ministère dépense pour les recherches qui concernent directement son activité. Le désintérêt n'incite pas à la connaissance.

Voilà une administration qui emploie plus de 1,2 million de personnes (enseignement privé inclus) et concerne 14,5 millions d'élèves et étudiants ; un budget de 361 milliards (en 2000), soit 21,7% du budget de l'Etat, sans compter 140 milliards dépensés par les collectivités territoriales. Voilà une activité vitale pour l'avenir de la Nation comme pour l'avenir des jeunes, leur équilibre, leur insertion sociale, leur épanouissement d'hommes et de citoyens. Et l'on n'est même pas capable de dire combien on dépense en recherches pour l'améliorer ! Tout le monde parle de réformes nécessaires, chacun y va de sa proposition et les imprécateurs se répandent dans la presse. Mais chercher à comprendre ce qui se passe, comment ça se passe et pourquoi ? Nul n'en a cure. Où est le gaspillage de l'argent du contribuable : dans une politique au fil de l'eau, faite d'innovations sans continuité sur fond de routine, ou dans un effort d'élucidation systématique des questions de fond ?

Nous estimons qu'un budget d'une cinquantaine de millions par an est nécessaire. Il est nécessaire si l'on veut lancer un appel d'offres par an sur chacun des axes stratégiques dégagés, assurer leur suivi et leur diffusion, soutenir

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modestement quelques projets éditoriaux ou quelques équipes. Le montant est plus que raisonnable pour une politique ambitieuse : il représente moins de 0,015% du budget de l'Education nationale, moins de 0,15 pour mille.

L'augmentation a beau être importante par rapport au budget actuel de la recherche en éducation, INRP inclus, elle ne portera pas celui-ci jusqu'à 0,05% ou 0,5 pour mille du budget de l'Education nationale ! Quelle entreprise au monde consacre moins à son budget de recherche et développement ?

Du point de vue de l'organisation, aucune structure ne coordonne les recherches, aucune structure n'a pour mission d'organiser les recherches les plus utiles à l'institution et à ses acteurs. La Direction de la programmation et du développement (DPD) pilote, on l'a vu, un certain nombre d'études à caractère principalement sociologique et quantitatif. A la Direction des enseignements scolaires, le secrétariat des Commissions professionnelles consultatives pilote des études sur les questions de sa compétence : évolution de l'apprentissage, des métiers, pertinence des formations. Le ministère de la Recherche lance épisodiquement des appels d'offres en fonction de la conjoncture scientifique.

L'INRP mène sa propre politique, les IUFM la leur, et les universitaires font les recherches qui les intéressent. Qui se satisferait d'une telle situation ?

L'effort financier doit donc s'accompagner de la création d'une instance de pilotage, indispensable si l'on veut développer précisément les recherches les plus stratégiques pour l'Education nationale.

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