• Aucun résultat trouvé

c Identification des freins au développement de l’urbanisme en souterrain

Pour les membres du projet, il est important de souligner les atouts du sous-sol, à savoir thermiques, sismiques et protecteurs. Ils sont des facteurs à prendre en considération pour déterminer des manières simples de lever les freins au développement souterrain, notamment dans les projets présentant des risques liés au site. Plusieurs freins à lever sont mis en avant par le projet Ville 10D.

Tout d’abord, l’argument le plus réfutable pour la mise en souterrain d’éléments urbains est le coût financier. Mais celui-ci peut être perçu comme un "faux-frein" grâce à la prise en compte du cycle de vie du bâtiment et de ses composantes – matériaux, équipements, etc. – et en incluant les coûts de construction, de fonctionnement, mais aussi environnementaux et écologiques. Comme le stipule une proposition de loi au Sénat de 1999/2000 :

« au plan financier, le coût élevé des travaux souterrains apparaît immédiatement, tandis que les avantages s'apprécient sur le très long terme. »1

Ce frein est principalement lié au manque de connaissances du sous-sol, faisant de l’investissement souterrain un investissement très impacté par nombre d’aléas : la composition du sol, la présence d’eau – nappes phréatiques, eaux d’exhaure –, la présence de cavités… Pallier ce manque de connaissances est donc l’un des premiers objectifs du projet Ville 10D. Le BRGM ayant réalisé des modélisations 3D du sous-sol français, il reste à pouvoir exploiter ces données de façon concrète, ce à quoi le projet Ville 10D travaille également.

1 Proposition de loi, relative à l'amélioration de la connaissance et de l'aménagement du sous-sol [en ligne], Sénat, 1999/2000, www.senat.fr/leg/ppl99-160.html, [consulté le 

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

L’urbaniste Bruno Barroca, président du Comité Espace Souterrain de l’AFTES, pilote le thème Environnement du projet Ville 10D. Il insiste sur le fait qu’il ne faut pas voir là une problématique de coût, mais renverser le problème en intégrant le gain d’espace permis en surface grâce à l’investissement souterrain.

« On peut poser la question différemment. Si on enterre un centre commercial et qu’il libère la surface : qu’est-ce qu’on gagne ? Quelle est

la qualité de vie qu’on va gagner en surface, finalement, au lieu d’avoir une surface saturée par un centre commercial, si celui-ci se trouve en souterrain ? Et qu’on a une place, qu’on a une vie urbaine qui peut

s’installer, qu’est-ce qu’on y gagne ? »1

De multiples facteurs sont à prendre en compte, comme le coût du foncier et l’encombrement de la surface. Ce gain d’espace ne peut qu’être profitable dans la perspective d’un retour de la nature en ville. Il est d’ailleurs, selon Bruno Barroca, « réducteur de considérer le potentiel souterrain uniquement pour l’aménagement d’espaces dans des lieux où la ville a saturé sa surface »2. Il suggère

donc de revoir nos modes de calculs3 pour pouvoir justement

déterminer les avantages de l’investissement souterrain, un coût moins élevé n’étant jamais gage de qualité ni de durabilité.

Pour rentabiliser les investissements financiers et ainsi contribuer à lever le frein du coût de l’investissement souterrain, de nombreux auteurs sur le souterrain suggèrent de relier et de mutualiser les éléments entre eux. Par exemple, François Monjal et Mélusine Hucault, architectes et urbaniste, écrivent :

1 Cultures monde,  Dans  les  entrailles  de  la  Terre  (2/4)  :  La  ville  souterraine,  au  cœur  du  développement  durable  [en  ligne],  France  Culture,  04.04.17,  https://www.franceculture.fr/ emissions/culturesmonde/dans-les-entrailles-de-la-terre-24-la-ville-souterraine-au-coeur-du [consulté le 09.08.20].

2 Bruno Barroca (dir.), Penser la ville et agir par le souterrain, Paris, Presses des Ponts, 2014, 278 p., p. 11.

3 Cultures monde,  Dans  les  entrailles  de  la  Terre  (2/4)  :  La  ville  souterraine,  au  cœur  du 

« Une planification du sous-sol à l’image de celle du sol pourrait alors mener à une meilleure gestion de l’espace souterrain, éviter le "coup par coup", favoriser les mutualisations, et pourrait peut-être entraîner dès lors une réduction du coût global de ses aménagements futurs. »4

En effet, l'architecte Monique Labbé explique que tout aménagement urbain en surface mutualise les accès, et que ceux en souterrain devraient faire de même :

« Il serait si simple de descendre une fois pour toutes, là où c’est pratique et pertinent pour la surface et la sous-face, et de desservir à plat les différents lieux de destination reliés entre eux, si logique et économie de réfléchir globalement à un plan de circulation comme cela

se pratique en surface, de lui donner une plurifonctionnalité et de le brancher sur la ville. »5

Aussi, pour permettre une mise en commun d’éléments souterrains, il faut d’une part penser ces derniers sur le long terme et d’autre part travailler différents projets de manière conjointe6.

C’est là tout l’intérêt de donner une visibilité à cet espace-ressource souterrain, ce qui passe pour Ville 10D par son intégration dans les documents d’urbanisme de planification, de l’échelle du SDRIF7 à

celle de la ZAC.

« A l’échelle métropolitaine, les schémas directeurs d’aménagement et développement régional (SDRIF, SRADT) ne doivent pas se cantonner

à la préservation des réserves hydrologiques ou minières, mais considérer la totalité des ressources du sous-sol, y compris celle de

l’espace souterrain, en repérant les sites où la compacité urbaine associés à l’accessibilité justifie une valorisation du sous-sol dans la perspective d’une intensification urbaine et en formulant des prescriptions d’aménagement de nature à susciter cette valorisation.

4 François Monjal, Mélusine Hucault, "Sous les pavés, les programmes ?", dans Bruno Barroca (dir.), Penser la ville et agir par le souterrain, op. cit., p. 77.

5 Monique Labbé, "Faut-il passer par le sous-sol pour mieux concevoir la ville ?", dans

ibid., p. 53.

6 AFTES [Collectif], Programme de recherche et budget prévisionnel du Projet National

"Ville 10D-Ville d'idées", 2012, p. 14.

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

A l’échelle territoriale, les Schéma de cohérence (SCoT) et les contrats de développement territoriaux doivent prendre en compte le potentiel de ces sites et affirmer dans leur stratégie leur vocation à un développement

urbain en trois dimensions permettant un développement multifonctionnel autour des pôles d’échange de transport. Au niveau local les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les plans d’aménagement des ZAC doivent intégrer dans leur zonage, leur réglementation et leur programmation, la dimension souterraine conduisant à concevoir des projets globaux incluant la vocation urbaine

pluri-fonctionnelle du sous-sol. »1

Enfin, les préconisations – non définitives – du projet Ville 10D s’articulent autour de mesures qui ne sont pas nécessairement nouvelles mais qui insistent sur les aspects importants pour les aménageurs. Le rapport d’étape de 2017 détaille les recommandations suivantes :

« Le projet Ville10D montre d’abord la diversité des ressources du sous-sol et sa capacité à accueillir de nombreuses fonctions constitutives d’une ville dense. Il ne serait pas pertinent de proposer des modèles standards et pré-formatés de programmation urbaine

souterraine, chaque site offrant des potentiels spécifiques. […] Le projet Ville10D propose ensuite des méthodes et des outils pour évaluer les projets du point de vue économique, social et

environnemental. […]

Le projet Ville 10D formule des recommandations aux concepteurs des projets pour que les espaces souterrains soient plus accueillants et fonctionnels, économes des ressources naturelles, sûrs et résilients. […] Le projet Ville 10D apporte des avancées sur les méthodes d’acquisition

des données sur l’espace souterrain et montre quels sont les différents usages, besoins et attentes à l’égard des systèmes d’information et de visualisation en 3D, pendant l’élaboration et la réalisation d’un projet et pendant la vie des ouvrages réalisés. Il reste cependant à repérer les outils

numériques disponibles adaptés au souterrain, à définir leurs conditions d’usage et leur interopérabilité dans le cadre d’un projet ou d’un site.

Enfin, le projet Ville 10D met en évidence les conditions indispensables d’anticipation et de coopération entre acteurs et disciplines et l’enjeu prioritaire de gouvernance tant dans les phases de conception et de

réalisation des projets souterrains que dans la période d’utilisation et d’exploitation des sites. Il révèle que les blocages et les freins tiennent moins à l’excès de réglementation qu’à sa dispersion et

au cloisonnement des dispositifs juridiques et des procédures. Il propose d’inscrire dans la planification urbaine les orientations stratégiques de la valorisation du sous-sol et appelle à renforcer la concertation entre acteurs en améliorant les processus d’élaboration

de projet, de pilotage de la réalisation et de gestion des sites. »2

En somme, le projet national de recherche Ville 10D relève à la fois d’une dynamique historique en ramenant dans l’actualité l’urbanisme en souterrain – tout comme son homologue suisse

Deep City – et d’une volonté marquée d'inscrire la durabilité dans

les contextes urbains. Pour lever le frein majeur du coût, le projet préconise de pouvoir, dans un premier temps, visualiser le sous-sol urbain grâce à des modèles 3D, puis d'inscrire dans les documents d'urbanisme les projets afin de planifier les investissements souterrains, au même titre qu'en surface, et enfin de mutualiser les équipements.

La publication à venir d’un « guide des bonnes pratiques »3de

l'urbanisme en souterrain permettra très probablement de faire connaître de manière plus large les intérêts des constructions souterraines, sans toutefois inciter à les généraliser de façon hasardeuse.

Des appels à projets urbains innovants à Paris mettent en lumière des espaces désaffectés, tantôt souterrains, tantôt aériens. Ils proposent le réinvestissement, entre autres, de stations fantômes du métro de Paris.

2 Ibid., p. 42.

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

Réinventer Paris, les dessous de Paris fait partie d’un

ensemble d’appels à projets innovants – Réinventer. Pour cette édition de l’API lancée en 2017, des sites de Paris intégrant une dimension souterraine ont été mis à disposition par divers acteurs : la Mairie de Paris, la RATP, la SNCF, Paris Habitat, Renault… Puis, chaque équipe candidate a formulé un projet avec un concept

innovant sur l’un des sites proposés. A l’issue d’un premier tour,

des finalistes ont été désignés, puis des lauréats.

Réinventer Paris : une application concrète