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Identification des fonctions biochimiques et des régulations nécessaires pour respecter une liste de comportements

Construction d’un squelette générique des principales voies du métabolisme

1.1 Identification des fonctions biochimiques et des régulations nécessaires pour respecter une liste de comportements

Identifier a priori des éléments par expertise pose la question de la définition du niveau de détail à retenir (peut-on représenter la glycolyse par une seule fonction, ou faut-il détailler tous ces enzymes ?) et de la quantité d’informations à intégrer (faut-il inclure le métabolisme des acides aminés dans celui des lipides ?). Il est donc difficile de définir a priori ce que l’on entend par “élément important”.

Pour résoudre ce problème, un ensemble de fonctions candidates a d’abord été identifié par des experts à partir de la bibliographie. Cet ensemble de fonctions a été ensuite réduit ou enrichi jusqu’à obtenir un ensemble minimal qui respecte une liste de comportements biologiques bien connus. On définit ainsi comme important l’ensemble des éléments nécessaires et suffisants pour satisfaire les comportements.

1.1.1 Identification des fonctions et des régulations candidates par expertise

Parmi les voies biochimiques décrites dans KEGG, [231] et dans les manuels de biochimie [271, 231], les experts ont retenu les voies généralement admises pour influencer de façon majeure les quantités d’acides gras.

A priori, et comme présenté dans notre introduction bibliographique (c.f. I), les fonctions importantes pour synthétiser et dégrader des acides gras peuvent être catégorisées en :

la glycolyse qui transforme en anaérobie le glucose en acétyl-coenzyme A, produit du NADH et utilise et produit de l’ATP ;

le cycle de Krebs qui utilise l’acétyl-coenzyme A pour produire de l’ATP, du FADH2 et du NADH en aérobie ;

la chaîne respiratoire qui utilise en aérobie le NADH et le FADH2 pour produire de l’ATP ; la cétogenèse qui transforme l’excès d’acétyl-coenzyme A en corps cétoniques ;

le cycle des pentoses (ou shunt des hexoses monophosphates) qui convertit le glucose-6-phosphate en dérivés à 5 carbones, l’énergie dégagée étant stockée sous forme de NADPH1;

l’oxydation des acides gras qui dégrade les acides gras, afin de produire de l’ATP et de l’acétyl-coenzyme A ;

la néosynthèse d’acides gras qui consomme du NADPH et de l’acetyl-coenzyme A pour produire des acides gras ;

l’importation/exportation des acides gras dans/hors de la cellule .

Lors de cette catégorisation, le choix a été fait de séparer les fonctions autour de pivots métaboliques, c’est-à-dire des éléments pouvant avoir plusieurs devenirs possibles dans le métabolisme. Ainsi dans notre cas, la glycolyse se poursuit jusqu’à l’acétyl-coenzyme A et non juqu’au pyruvate comme classiquement décrit, car l’acétyl-coenzyme A a plusieurs devenirs : la cétogenèse, la synthèse d’acides gras ou le cycle de Krebs. De la même manière, la synthèse d’acides gras commence avec l’exportation de l’acétyl-coenzyme A mitochondrial vers le cytosol tandis que le pyruvate ne peut (d’après nos hypothèses) que se transformer en acétyl-coenzyme A.

Les régulations transcriptionnelles importantes pour ces fonctions sont notamment l’activation de la transcription des enzymes clefs de la synthèse d’acides gras (FASN et ACC) par SREBP1 [121] et l’activation de nombreux enzymes de l’oxydation des acides gras par PPARα[201]. Lors de cette étape, il faut garder à l’esprit que le modèle construit ne comportera que deux variables régulatrices : l’une se comportant comme SREBP1, et l’autre comme PPARα. Dans la réalité ces variables peuvent en fait représenter tout un ensemble de régulateurs corrélés agissant en synergie comme par exemple SREBP1, ChREBP et l’insuline.

Les aspects relatifs au métabolisme anaérobie strict (lactate), au stockage des lipides (estérification des acides gras en triglycérides), au transport intracellulaire des métabolites (glucose, acides gras, citrate . . . ), ainsi que les connections des voies biochimiques décrites dans le modèle avec le reste du métabolisme énergétique n’ont pas été retenus. Ils pourront néanmoins être rajoutésa posteriori s’ils s’avèrent nécessaires pour ajuster un jeu de données particulier.

1.1.2 Identifications d’une liste de comportements par expertise

Nous nous sommes focalisés sur les comportements relatifs à la variation du métabolisme des lipides en fonction de la disponibilité en glucose et qui correspondent à des réponses observées dans la majorité des cellules animales. De plus, des comportements témoignant d’une régulation transcriptionnelle de ces voies ont été rajoutés afin de pouvoir prendre en compte dans le modèle des effets et régulations à plus long terme.

Les comportements retenus sont les suivants :

– Les cellules ont besoin de consommer de l’ATP afin d’assurera minimaleur métabolisme basal. – L’ATP ne s’accumule pas.

– Lorsque la glycémie est élevée, la plupart des cellules oxydent le glucose plutôt que les acides gras. – La glycolyse n’est pas active lorsque la cellule n’a ni besoin d’acétyl-coenzyme A ni d’ATP.2

– La synthèse de novo d’acides gras est active uniquement lorsque les besoins énergétiques du métabolisme basal ont été satisfaits.

1Le NADPH est un élément important de la synthèse d’acides gras et de stéroïdes

2En effet, l’insuline, une hormone dont la quantité est fortement corrélée avec la glycémie, favorise les transporteurs au glucose SLC2A4 en particulier dans les adipocytes et les fibres musculaires. De plus l’hyperglycémie seule majore le captage du glucose par SLC2A1 (GLUT1) ou SLC2A2 (GLUT2) qui présentent une constante de Michaelis-Menten élevée pour le glucose, puis son oxydation, sans doute par l’activation de la PDH [212]. Dans de futurs modèles, une oxydation préférentielle des acides gras au dépend du glucose poura être introduite dans des cellules telles que les fibres oxydatives à vitesse de contraction lentes lors d’un exercice prolongé (théorie ducross-over pointdécrivant la compétition entre déradation de glucose et oxydation acides gras dans la production d’ATP [262]).

– La synthèse de novo d’acides gras est active dans les organes capables de la réaliser (foie, muscle, tissu adipeux) uniquement si l’acétyl-coenzyme A produit par la dégradation des glucides est présent en quantité suffisante. Ceci implique généralement que le glucose soit présent en quantité suffisante.3 – La synthèse des enzymes impliquées dans la néo-synthèse des acides gras (ACC et FASN) a lieu

uni-quement lorsque la glycémie est élevée [180, 179]4.

– L’oxydation des acides gras n’a lieu que si la glycémie est faible.5.

– La cétogenèse a lieu uniquement s’il y a oxydation des acides gras. Ceci implique donc (voir compor-tement précédent) que la cétogenèse n’a lieu que si la glycémie est faible.6.

– La synthèse et l’oxydation des acides gras n’ont pas lieu simultanément. 7

– Les enzymes de l’oxydation des acides gras et de la cétogenèse sont synthétisés lorsque la glycémie est faible 8.

– PPARαest synthétisé lors du jeûne tandis que SREBP1 est synthétisé à l’état nourri.

1.1.3 Réduction des fonctions candidates au minimum nécessaire pour respec-ter les comportements

Méthode d’obtention d’un modèle minimal respectant les comportements

Afin de garantir un modèle respectant les comportements, nous écrivons un premier modèle qualitatif de connaissances comprenant toutes les fonctions biologiques et les régulations identifiées par les experts. Nous vérifions alors que les comportements sont bien respectés dans tous les scénarios envisagés. Si ce n’est pas le cas, nous retournons à l’étape d’expertise et rajoutons une fonction, un intermédiaire dans une fonction existante ou une régulation. Nous vérifions alors ce nouveau modèle et réitérons ainsi l’étape de complexification jusqu’à respecter tous les comportements. Cette démarche est schématisée figure 1.1.1.A. Au final nous obtenons un modèle suffisant pour respecter les comportements.

A partir de ce modèle, nous recherchons si cet ensemble peut être simplifié : pour chacun de ses éléments (métabolite, régulation, fonction biologique), nous écrivons un sous modèle dans lequel cet élément n’est pas présent. La technique de simplification est présentée figure 1.1.2.

Cette technique garantit d’avoir un modèle dans lequel tous les éléments sont nécessaires et suffisants, mais ne garantit pas l’unicité du modèle obtenu. Afin de maximiser nos chances d’avoir un modèle minimal proche de la réalité, les simplifications ont d’abord été faites à partir d’hypothèses biologiques raisonnables, puis à défaut à partir d’hypothèses parcimonieuses.

3Nous supposons pour ce comportement que la régulation du métabolisme est telle que la voie la plus économe en énergie est toujours choisie par rapport à d’autres voies moins efficaces. Par exemple, il est plus coûteux en énergie de synthétiser des acides gras à partir du glucose puis de les oxyder pour produire de l’ATP que d’oxyder directement le glucose dans le cycle de Krebs.

4La synthèse de ces enzymes est fortement stimulée par SREBP1, un facteur de transcription dont l’expression est corrélée avec la glycémie. SREBP1 est à la fois activé par le glucose et l’insuline et inhibé par les acides gras poly-insaturés.

5Certains organes ne peuvent pas survivre sans dégrader du glucose même en cas de raréfaction de ce dernier (jeûne, régime pauvre en glucides). Dans d’autres organes à forte capacité oxydative, on observe alors une réorientation du métabolisme vers l’oxydation d’autres substrats énergétiques tels que les acides gras. A l’inverse en cas de forte glycémie, tous les organes oxydent préférentiellement le glucose dont le rendement énergétique est bien meilleurs en cas d’oxydation directe plutôt qu’après sa transformation en acides gras

6Lors d’un jeûne prolongé, l’oxydation des acides gras produit une grande quantité d’acétyl-coenzyme A. Dans le foie, cet acétyl-coenzyme A n’est que très peu dégradé par le cycle de Krebs car ce dernier est bloqué ou ralenti par la mise en place de la néoglucogenèse et car laβ–oxydation des acides gras apporte déjà au foie une grande quantité d’ATP. L’acétyl-coenzyme A est alors transformé en corps cétoniques qui sont exportés dans le sang puis captés par de nombreux autres organes ; ils sont alors oxydés dans le cycle de Krebs, remplaçant ainsi l’acétyl-coenzyme A issu de la glycolyse.

7Cette hypothèse a été poséea priori, en supposant que la cellule ne réalise pas de cycle futile. Garantir ce comportement dans le modèle nous a obligé par la suite à rajouter à notre squelette initial l’inhibition allostérique de CPT1 (une enzyme responsable de l’entrée des acides gras longs dans la mitochondrie et qui constitue une étape limitante de laβ–oxydation) par le malonyl-coenzyme A, un intermédiaire réactionnel de la néosynthèse d’acides gras.

Hypothèses biologiques

Nous avons tout d’abord supposé que le métabolisme était aérobie. Cette hypothèse est sans doute vraie pour le foie et les tissus adipeux, mais ne rend pas compte de la réalité dans le muscle. En effet, même si les muscles représentent globalement avec le foie les principaux tissus oxydant les acides gras, les fibres glycolytiques présentes en majorité dans les muscles à vitesse de contraction rapide ont un métabolisme basé principalement sur la transformation anaérobie du glucose en lactate. Cette hypothèse sera donc une des premières à lever si le modèle doit rendre compte de données sur le métabolisme musculaire, en particulier dans le cadre d’un effort ponctuel et intensif. Dans les autres cas, cette hypothèse nous a permis d’éliminer le métabolisme du lactate, de retirer les intermédiaires NADH, et FADH2et de fusionner la chaîne respiratoire avec la glycolyse et le cycle de Krebs.

Nous avons aussi fait l’hypothèse que la variation de l’exportation des sucres à 5 carbones par le cycle des pentoses n’avait pas une influence importante sur le métabolisme des lipides. Nous avons ainsi pu réduire le cycle des pentoses à une fonction unique produisant du NADPH à partir du glucose. De plus en considérant que tout le NADPH est produit d’une manière ou d’une autre (cycle des pentoses ou navette à malate) à partir du glucose, nous avons pu considérer la synthèse des acides gras comme une fonction à 3 paramètres avec le glucose en entrée, les acides gras en sortie et le malonyl-coenzyme A comme seul intermédiaire à conserver pour respecter la non simultanéité de la synthèse et de l’oxydation des acides gras.