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Générer des connaissances dans un système complexe

La modélisation : une approche pour comprendre les systèmes complexes

1.2 Générer des connaissances dans un système complexe

Notre problématique de recherche de leviers de contrôle du métabolisme des lipides est un sous cas d’une problématique plus générale qui est la génération de connaissances. En sciences expérimentales, une connaissance est une proposition admise, potentiellement réfutable et corroborée par des observations. Dans cette section nous verrons appliquer la démarche expérimentale sur un système complexe afin de rechercher des leviers de contrôle du métabolisme des lipides parmi les éléments qui constituent ce métabolisme.

1.2.1 La démarche expérimentale permet de générer des connaissances

La démarche expérimentale classique permet de construire, tester, analyser et améliorer une théorie. La démarche est la suivante :

1. Récolter des observations

2. Induire une théorie à partir de ces observations. La théorie doit être cohérente avec les observations qu’elle explique.

4. Tester empiriquement la validité de la théorie (et de ses déductions). Dans le cas ou la théorie est cohérente avec les observations, alors ces dernières corroborent la théorie. Dans le cas ou elles ne sont pas cohérentes, l’expérience réfute la théorie, il faut alors analyser la théorie au vue des nouvelles observations afin d’en proposer une nouvelle qui respecte ces dernières. On retourne alors à la seconde étape.

Une telle démarche peut amener à proposer plusieurs théories différentes pour expliquer un même en-semble d’observations. Dans ce cas, on gardera tout d’abord les théories les plus prédictives en vertu du principe de réfutabilité puis la plus simple en vertu du principe de parcimonie.

1.2.2 Choix d’une approche systémique

Deux grandes approches sont possibles pour décrire un système comme les régulations du métabolisme des lipides : l’approche “entrée sortie” et l’approche systémique.

L’approche “entrée sortie”

L’approche “entrée sortie” consiste à évaluer comment répond un système en fonction d’un ensemble de variables d’entrée (exemple [23]). Cette approche nécessite un jeu de données comprenant un bon ensemble de valeurs des variables d’entrée couplé aux valeurs des variables de sortie ainsi qu’une fonction mathématique pour faire le lien entre ces valeurs. C’est cette fonction qui joue le rôle de théorie.

Dans le cadre de la recherche de leviers de contrôle du métabolisme des lipides, l’approche “entrée-sortie” est en pratique impossible car il y a un trop grand nombre (plusieurs milliers) de variables d’entrée pour pouvoir toutes les tester, et car la complexité du système est telle qu’il faudrait tester toutes les combinaisons possibles de valeurs de variables d’entrée pour avoir une fonction décrivant correctement sa sortie en fonction de ces entrées. En pratique il est impossible de réaliser autant d’expériences, par conséquent nous rejetons l’approche “entrée sortie” et recherchons une approche permettant de cibler les éléments à tester empiriquement.

L’approche “systémique” [330]

L’approche systémique a pour objectif de décrire la mécanique interne du système puis de déduire de cette dernière le comportement du système. Contrairement à l’approche “entrée sortie”, cette dernière nécessite des données expérimentales à la fois sur les entrées et les sorties du système et sur ses éléments internes ainsi qu’une connaissance théorique de la mécanique interne du système.

Afin de cibler au mieux quels leviers de contrôle tester empiriquement, nous proposons d’utiliser le savoir théorique afin de proposer les meilleurs candidats compte tenu des connaissances disponibles. Dans notre cas, nous avons des informations théoriques sur la mécanique interne du métabolisme des lipides et nous recherchons des leviers de contrôle parmi les éléments de cette mécanique. Par conséquent, nous adoptons l’approche systémique.

Lors de cette approche, il faut garder à l’esprit que le modèle n’est pas un moyen de remplacer les expériences. C’est uniquement un moyen de choisir les expériences pertinentes à réaliser au regard des connaissances actuelles. Au final, c’est toujours la constatation empirique d’un phénomène qui a valeur de preuve, et non sa déduction théorique à partir du modèle.

Définition du système étudié

Nous considérons alors le métabolisme des lipides comme un système composé :

d’éléments : les molécules du métabolisme des lipides et ses régulateurs. Lorsque le modèle contient des compartiments, on considère un élément par molécule et par conmpartiment (ex : un élément glucose sanguin, et un élément glucose cellulaire).

d’une frontière : l’individu. On suppose que l’environnement influence l’individu mais pas l’inverse. Cette frontière peut être ultérieurement restreinte pour choisir un de ses éléments internes (ex l’organe), mais pas étendue.

1.2.3 Modéliser le système permet d’appliquer la démarche expérimentale

Les données expérimentales et les informations théoriques décrivant le système sont disponibles, par conséquent il esta priori possible d’appliquer la démarche expérimentale afin de générer des connaissances. Hélas, dans l’état actuel des choses, il est très difficile de réaliser des déductions à partir de la bibliographie à cause de son abondance et de la difficulté à intégrer un grand nombre d’effets concernant un grand nombre de molécules. Ceci bloque la démarche expérimentale à l’étape de confrontation des données à la théorie. De plus, même si une confrontation était possible, le retour sur erreur sera un véritable casse tête. Il est donc nécessaire de formaliser les connaissances théoriques dans un objet permettant de réaliser des prédictions automatiquement, puis de confronter ces prédictions aux données expérimentales. Ceci revient à construire un modèle mathématique.

Face à ce problème, nous avons fait le choix de construire des modèles mathématiques. Un modèle mathématique est défini comme une représentation des aspects essentiels d’un système existant (ou d’un système que l’on va construire) qui présente les connaissances d’un tel système sous une forme analysable. En raison de la dimension des systèmes étudiés, la construction et l’analyse de ces modèles doit pouvoir se réaliser automatiquement et dans un temps raisonnable par des algorithmes.

Les points clefs de la construction de ces modèles sont les suivants. 1. Réunir les informations théoriques.

2. Représenter ces informations dans un formalisme prédictif, analysable par des algorithmes et disposant d’une interface compréhensible par un biologiste.

3. Réaliser des prédictions afin de respecter la troisième étape de la démarche expérimentale.

4. Confronter les prédictions aux données expérimentales. Cette dernière étape implique d’avoir des don-nées expérimentales aussi informatives que les prédictions.

Cette démarche peut amener à proposer plusieurs modèles conformes aux données observées. Une première approche consiste à réaliser de nouvelles expériences afin d’acquérir les données nécessaires pour identifier quel est le meilleur modèle. Une seconde approche est d’appliquer le principe de réfutabilité, puis le principe de parcimonie. L’application du principe de réfutabilité consiste à choisir le modèle qui fournit les prédictions les plus précises (en pratique ceci revient la plupart du temps à choisir le modèle ayant le moins de paramètres inconnus ou évalués sur les données par ajustement). L’application du principe de parcimonie consiste à conserver le modèle le plus simple parmi ceux qui restent.

Chapitre 2

Quel(s) modèle(s) construire pour