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Identification & description des espèces ECM des communautés associées aux aulnes ou

Chapitre 3 : Taxonomy of Alnus-associated hypogeous species of Alpova and Melanogaster

I- Identification & description des espèces ECM des communautés associées aux aulnes ou

Comme le souligne Cai et al. (2011), les critères utilisés en taxonomie traditionnelle et ceux utilisés dans le cadre de la définition phylogénétique ou moléculaire d’espèce (utilisation de la divergence moléculaire entre groupes de séquences de lignées différentes) correspondent de chaque côté à la capture partielle des conséquences des mêmes évènements qui ont lieu au cours de la séparation des lignées (spéciation) et de leur divergence indépendante. Pour délimiter les espèces, le concept morphologique se base sur la différenciation morphologique des lignées divergentes alors que le concept moléculaire d’espèce met l’accent sur l’accumulation de différences dans les séquences nucléotidiques. Ces deux types de critères doivent, en théorie au moins, permettre d’identifier les mêmes unités évolutives indépendantes (=espèces), encore faut-il s’en assurer. Ainsi, en comparant les résultats fournis par la taxonomie traditionnelle et par les analyses moléculaires que nous avons réalisées, nos objectifs étaient de (i) tester la concordance entre espèces morphologiques et espèces moléculaires (et déceler par exemple d’éventuelles espèces cryptiques), (ii) d’identifier au sein des caractères utilisés classiquement pour la reconnaissance des espèces ceux qui reflètent la parenté entre taxons et enfin (iii) de tester la variabilité des marqueurs moléculaires utilisés pour capturer la diversité spécifique dans nos communautés d’étude.

Ainsi, 99 espèces ont été identifiées dans les communautés françaises que nous avons étudiées. Parmi elles :

- 34 (soit 34 %) ont été identifiées grâce à la correspondance entre groupes de séquences ITS (espèces moléculaires ou MOTUs26) et les espèces de la taxonomie traditionnelle, ce qui nous a permis d’avoir accès à des informations concernant l’écologie de celles-ci. Notamment, nous avons eu accès à des données de spécificité par rapport à la plante hôte qui nous intéressaient particulièrement ici ou encore au type de fructification qui peut influencer les modalités de dispersion des spores sexuées et donc l’ampleur des flux de gènes entre populations disjointes ;

- 12 ont été identifiées seulement à partir des relevés de carpophores : certaines à cause du manque de résolution apporté par l’ITS au niveau de l’analyse moléculaire des mycorhizes27 ; d’autres, plus simplement, ont été détectées dans les relevés de carpophores mais ne sont pas apparues dans les relevés de mycorhizes28

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Molecular Operational Taxonomic Unit; cf. Introduction

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Il s’agit d’Alnicola umbrina et A. badiofusca que les analyses génétiques sur l’ITS seul n’ont pas permis de discriminer (MOTU « A.

badiofusca/umbrina » de l’article 2) mais qui avaient pu être identifiés par une analyse phylogénétique multigène sur les carpophores

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-enfin, 53 ont été identifiées uniquement par les relevés de mycorhizes (principalement des espèces du genre

Tomentella [30% de ces espèces]) et pour celles-ci, les données écologiques dont nous disposions ont été

limitées aux seules informations déposées sur les banques nucléotidiques publiques par les auteurs des séquences dont elles sont les plus proches.

Etant donnée l’arrivée massive de séquences issues de techniques de séquençage haut débit, voire de séquençage nouvelle génération à partir d’échantillons environnementaux - avec toutes les erreurs qu’elles peuvent présenter (ex : Tedersoo et al., 2010 ; Bellemain et al., 2010) – ce dernier point nous permet de souligner ici à nouveau l’importance de l’enrichissement des bases de données publiques en séquences correctement et richement annotées et issues d’échantillons de référence identifiés selon les méthodes taxonomiques traditionnelles (Brock et al., 2009), comme nous l’avons fait au cours de cette étude29.

De manière complémentaire, ce travail s’est accompagné d’une révision de certains groupes taxonomiques grâce à l’apport des analyses phylogénétiques : c’est le cas du genre Alpova dont la délimitation a été discutée par rapport à la littérature et redéfinie, et au sein duquel de nouvelles espèces ont été décrites

(article 3). Pour le genre Alnicola, pour lequel Moreau et al. (2006) avaient déjà mis en évidence son caractère

polyphylétique, 16 espèces phylogénétiques associées aux aulnes ont été révélées par notre étude (articles 1

et 2) ; 11 d’entre elles ont pu être nommées d’après la nomenclature recommandée par Moreau (2005), tandis

que 5 se sont révélées inédites et nouvelles pour la science. L’ensemble de ces résultats a ainsi mis en évidence la nécessité d’une révision taxonomique générale du genre. Bien évidemment ce travail de taxonomie sera conséquent. L’article 4, présenté en annexe 1 de ce manuscrit, constitue une première étape dans ce sens, avec la définition taxonomique d’un des clades identifiés par notre étude de phylogénie multigène (figure 2 de

l’article 1) : le clade “/badia”, qui réunit trois espèces européennes pouvant être abondantes

localement (Alnicola badia Kühner, et deux espèces nouvelles : Alnicola longicystis sp. nov. et A. xanthophylla

sp. nov). Un second article consacré aux Alnicola associés à Alnus alnobetula, où les autres espèces inédites

seront publiées (A. badiofusca sp. nov., A. pallidifolia sp. nov., A. pseudosalabertii sp. nov.) est en cours de finalisation (soumission prévue pour septembre 2012).

Dans le but de caractériser le plus finement possible la diversité de communautés ECM dans leurs milieux naturels, l’utilisation combinée de données de taxonomie traditionnelle et de taxonomie et phylogénies moléculaires parait essentielle. De façon plus générale, réussir à concilier classification traditionnelle et phylogénie moléculaire, est un des objectifs principaux de la recherche mycologique actuelle. Ces considérations sont incontournables dès lors que l’on s’intéresse aux questions de biogéographie (distribution et migration des espèces), de génétique des populations, d’évolution ou encore de conservation des espèces. De plus, si la classification traditionnelle (qui repose sur des affinités morphologiques perceptibles et transmissibles) a montré ses limites, elle reste cependant légitime comme outil pédagogique et pratique pour la détermination des espèces, la transmission des connaissances naturalistes (cf. les guides de

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Il s’agit d’Alnicola badia et A. pseudosalabertii, et d’Alpova cf. cinnamomeus et Alp. corsicus pour les genres que nous avons étudiés plus

précisément (articles 1 et 3), auxquelles nous pouvons ajouter les espèces Amanita friabilis, Inocybe alnea, I. calospora, Cortinarius croceocrystallinus, Cortinarius kuehneri.

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Cependant, d’une façon plus générale, pour des raisons évoquées plus haut dans l’introduction, il ne sera sans doute pas possible d’attribuer à chaque séquence ITS issue d’échantillons environnementaux un spécimen de référence et, dans certains cas, les séquences « anonymes » resteront le seul moyen d’avoir accès aux organismes encore inconnus (Eberhardt, 2010).

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terrain pour la reconnaissance des macromycètes ou des champignons parasites des végétaux, tous basés sur la morphologie) ou les inventaires de biodiversité.

Perspectives : Identifier des marqueurs moléculaires permettant d’affiner la résolution de l’identification

taxonomique dans certains groupes qui se sont révélés problématiques (le clade /Alnicola s.s. notamment). Les techniques de séquençage « nouvelle génération » (ex. Coissac et al., 2012), en rendant possible le séquençage rapide de génomes entiers, offrent des voies prometteuses pour trouver des marqueurs discriminants à l’échelle intraspécifique.

II- Structuration des communautés ECM associées aux aulnes : de la description des patrons aux