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2. Quelques manifestations des propriétés dynamique et cyclique

2.1 Les bonnes pratiques cliniques

2.1.3 L'idée d'un encadrement consenti

La réglementation étatique évolue dans un contexte plurinormatif et subit l’influence d’autres systèmes régulatoires. De fait, certaines techniques réglementaires s’apparentent à celles relevant du système autorégulatoire – du moins celui de l’autorégulation intégrale – dans la mesure où elles recherchent l’adhésion à la norme et évoque l’idée d’un encadrement consenti.

Les engagements prévus aux articles C.05.012(3)g) et C.05.012(3)f)ii) du Règlement sur les aliments et drogues illustrent, en apparence du moins, cette idée d’un encadrement consenti189. On y prévoit, en

186. Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, Annexe 2 à

l’édition actuelle des lignes directrices sur les bonnes pratiques de fabrication : Fabrication des médicaments utilisés dans les essais cliniques, Ottawa, 1er juin 2004. 187. PIC/s, Guide to Good Manufacturing Practice for Medical Product (PE 009-2) – Annex

13 : Manufacture of Investigational Medical Products en ligne : <www.picscheme.org>.

188. Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, Annexe 2 à

l’édition actuelle des lignes directrices sur les bonnes pratiques de fabrication : Fabrication des médicaments utilisés dans les essais cliniques, ibid. à la p. 3.

189. Le modèle de rétribution des professionnels qui dispensent les services assurés visés à l’article 3 de la Loi sur l’assurance maladie repose également sur une technique d’encadrement consenti et rapproche ainsi le système législatif de l’autorégulation intégrale. En effet, la RAMQ calcule la rétribution selon les ententes conclues par le ministre de la Santé et des Services sociaux conformément à l’article 19 de la Loi sur

l’assurance maladie : «Le ministre peut, avec l’approbation du Conseil du trésor,

conclure avec les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé toute entente pour l’application de la présente loi. Une entente peut prévoir notamment que la rémunération des services assurés varie selon les règles applicables à une activité (…)»; Loi sur l’assurance maladie, supra note 16, art. 19. Ce faisant, la nature «contractuelle» de la norme est d’abord annoncée dans un texte législatif. Celui-ci en fixe aussi son objet soit, en l’occurrence, l’application de la loi. Puis, la norme est

effet, la signature par le CER d’une attestation portant qu’il a examiné et approuvé le protocole et le formulaire de consentement éclairé et qu’il exerce ses activités d’une manière conforme aux BPC190. Le chercheur qualifié doit

également souscrire un engagement à l’effet qu’il conduira l’essai clinique conformément aux BPC191.

négociée entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et un «organisme représentatif» (par exemple les associations suivantes : les médecins omnipraticiens, les médecins spécialistes, les dentistes et chirurgiens buccaux et les optométristes). Ensuite, certains intervenants, tels que la RAMQ, l’Agence de développement et un établissement ou un groupe d’établissements susceptible d’être lié par l’entente, doivent être consultés et peuvent formuler des recommandations. Cette exigence remédie – en partie du moins – au fait qu’en empruntant ce nouveau parcours, l’élaboration de la norme n’est plus assujettie aux garanties de consultation apportées par le système législatif. Enfin, l’entente doit être approuvée par le Conseil du trésor. Malgré son rapprochement avec l’idée d’un partenariat entre l’État et l’administré et l’esprit de coopération qu’il sous- tend, ce modèle n’est pas sans présenter des difficultés compte tenu plus particulièrement de son caractère hybride; la norme est partiellement imposée unilatéralement par la loi et partiellement négociée dans le cadre des ententes; A. Lajoie, Contrat administratif :

Jalons pour une théorie, Montréal, Thémis, 1984 à la p. 198. Il semble toutefois que ces

négociations conduisent à des actes normatifs de type contractuel; Association des

chirurgiens-dentistes du Québec c. Lavoie-Roux, [1988] R.J.Q. 2484 (C.S.); Phaneuf c. Québec (Procureur général), [1991] R.J.Q. 101 (C.S.); Hébert c. Conseil d’arbitrage,

J.E. 91-749 (C.S.); Association des radiologistes du Québec c. Rochon, J.E. 99-851 (C.A.). Voir également P. Issalys, Répartir les normes, le choix entre les formes d’action

étatique, supra note 8 aux pp. 211-12. Cette technique d’encadrement consenti est

également utilisée dans la Loi sur l’assurance médicaments et dans la Loi sur

l’assurance-hospitalisation en ce qui concerne les services pharmaceutiques dispensés

respectivement en pharmacies communautaires et en centres hospitaliers de même que certains produits. D’ailleurs, la Loi sur l’assurance médicaments renvoie précisément aux ententes visées à l’article 19 de la Loi sur l’assurance maladie, ce qui témoigne de la complémentarité des réseaux normatifs : «La Régie assume le paiement du coût, outre celui du service d’exécution d’une ordonnance ou de son renouvellement, des services pharmaceutiques déterminés par règlement du gouvernement, selon le tarif prévu à une entente visée à l’article 19 de la Loi sur l’assurance maladie.»; Loi sur l’assurance

médicaments, précitée, note 37, art. 22(1). Quant à la Loi sur l’assurance-hospitalisation,

elle prévoit ceci : «Le ministre peut, avec l’approbation du Conseil du trésor, conclure avec tout organisme représentatif d’une catégorie de professionnels de la santé au sens de la Loi sur l’assurance maladie (chapitre A-29), toute entente aux fins de l’application de la présente loi. Pareille entente peut être conclue avec tout organisme représentatif des biochimistes cliniques ou des physiciens médicaux»; Loi sur l’assurance-hospitalisation,

supra note 40, art. 3(1).

190. Règlement sur les aliments et drogues, supra note 53, art. C.05.012(3)g).

Cette idée d’un encadrement consenti s’inscrit dans une volonté de reconstituer la norme non pas comme une règle imposée, mais plutôt comme une règle négociée192. Aussi, elle rapproche la norme législative de

l’autorégulation intégrale puisque cette dernière se distingue par son caractère endogène et donc, présumément, consenti193.

En réalité, derrière cette image d’un encadrement consenti se dissimule un encadrement de type classique puisque le contenu de l’engagement est prédéterminé par le Règlement sur les aliments et

drogues194. Aussi, c’est beaucoup plus une volonté d’étendre la portée du

règlement plutôt que d’encourager le partenariat entre l’État et l’assujetti qui explique l’emploi d’une telle technique normative à l’intérieur du Règlement

sur les aliments et drogues. En effet, – et tel que l’indique le Résumé de

l’étude d’impact de la réglementation – la compétence des directions de Santé Canada étant limitée aux promoteurs, c’est par le biais d’engagements et de garanties que l’on étend les exigences réglementaires à des tiers tels que les CER et les chercheurs qualifiés195. Ce faisant, l’engagement est ici un moyen

qui permet à la norme de se revendiquer de nouveaux assujettis.

En définitive, non seulement la norme emprunte-t-elle les réseaux de la normativité internationale lors de son élaboration initiale, mais elle participe également d’un mouvement réciproque entre les systèmes législatif,

192. Cette volonté a d’ailleurs inspiré Macdonald dans sa reconnaissance du pluralisme juridique; R.A. Macdonald, «L’hypothèse du pluralisme juridique dans les sociétés démocratiques avancées», supra note 119.

193. P. Issalys, Répartir les normes, le choix entre les formes d’action étatique, supra note 8 à la p. 178.

194. L’assurance médicaments nous révèle un autre exemple d’engagement prédéterminé. En effet, suivant l’article 60 de la Loi sur l’assurance médicaments, supra note 37, seuls les médicaments visés à la liste dressée par la RAMQ sont remboursés conformément au régime général d’assurance médicaments. Dans ce contexte, les fabricants ont tout intérêt à inscrire leurs médicaments sur la liste dressée par la RAMQ. À cette fin, ils doivent notamment souscrire à l’engagement du prix de vente garanti prévu à l’annexe 1 du

Règlement sur les conditions de reconnaissance d’un fabricant de médicaments et d’un grossiste en médicaments, R.R.Q., 1981, c. A-29.01, r. 1.1. La norme est donc produite

par un texte réglementaire (le Règlement sur les conditions de reconnaissance…) et l’administré s’engage, par écrit, à s’y conformer (l’engagement du fabricant reproduit à l’annexe 1 du règlement).

195. Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (1024 – essais cliniques)), supra note 166 à la p. 1149.

administratif et autorégulatoire. Aussi, l’idée d’un encadrement consenti sur lequel reposent certaines exigences des BPC témoigne de l’infléchissement des formes traditionnelles d’action étatique 196 de même que des influences de

l’autorégulation sur le système législatif.